À Donbass, la « mue » asymétrique des troupes russes est-elle sur le point de franchir un nouveau palier ? Rappelons que la stratégie militaire russe continue plus de 100 jours après le début de l’opération spéciale, à être partiellement indéchiffrable pour le camp d’en face, ce qui en tient largement rigueur à Poutine d’avoir réduit à maxima le recours à l’aviation et de remplacer celle-ci par des missiles tactiques. Ce qui a évité que la belle flotte aérienne russe composée de Sukhoï et de MiG évite des saignées comme celles qu’a connues la flotte hélico russe, ciblée lourdement par des missiles intercepteurs de fabrication russe de l’Ukraine. Qu’on se le dise, à Severdonetsk, la ville n’est pas encore libérée et il y a attaques et contre attaques de chaque côté; les forces ukrainiennes malgré des pertes importantes continuent à se battre, l’armée russe a subi également des pertes importantes et des revers tactiques, l’encerclement de ce bastion ukrainien ne pourra pas être achevé à court terme…
Ceci étant, et là on cite des fuites américaines, à Severodonetsk comme dans le temps à Marioupol ou Izioum, c’est une défaite inévitable de l’axe US-OTAN qui se pointe à l’horizon mais une défaite qui dans une logique sacrificielle tente d’imposer un prix de sang maximum aux Russes de façon à ce que la victoire de cette dernière ne soit qu’une « victoire à la Pyrrhus » lui interdisant de poursuivre la manœuvre vers cette autre localité en ligne de mire russe, à savoir Lisichansk.
Vidéo: le tir de missile tactique contre Kiev, fin mai/twitter
C’est en ce sens qu’il convient de comprendre les attaques « ukrainiennes » qui relèvent, placées qu’elles sont sous le commandement US-OTAN imbibé de leçons de guerre par procuration syro-irakienne, -d’un flux et reflux tactique dans ce type de combat urbain de haute intensité où un quartier, une rue ou un immeuble peuvent changer plusieurs fois de main pendant la bataille. En effet, ce modus operandi continue à renvoyer à ce plan de guerre US-OTAN qui en dépit de ses déboires reste inchangé, plan qui cherche à entraîner l’armée russe sur un terrain où celle-ci souffre de réelles défauts de la cuirasse à savoir les combats de rue.
Mais à force de défier la Russie sur cette ligne, l’armée russe commence à marquer des points sur d’autres terrains qui devraient s’avérer particulièrement inquiétants pour les Yankee.
Après plus d'une semaine de combats le long de la ligne du fleuve Donetsk, l’Occident commence à s’essouffler, ce qui est prouvé par l’arrivée de davantage de renforts dans la bataille de Severodonetsk, dont certaines sont des mercenaires étrangers. Des images de samedi ont montré des troupes de la « Légion internationale » arrivant dans la ville assiégée alors que les remparts s’effondrent sous poids de l'offensive russe.
Mais s’il est vrai qu’à Severdonetsk, les Russes continuent à éviter les combats urbains par crainte d’enlisement, l’épisode reste pourtant marqué d’une évolution majeure que l’observateur pro Résistance ne saurait ignorer. En effet, les forces russes, peu aptes jusqu’ici à synchroniser l’action de leurs différentes unités de combat, font preuve désormais d’une capacité à combiner, dixit des sources militaires britanniques, « des attaques au sol avec un appui aérien rapproché le long de leurs lignes de front dans le Donbass » ou autrement dit, à récompenser un défaut de taille car ce qui a poussé les Russes à se retirer aux premières semaines des combats de la banlieue de Kiev aura été cette même incapacité à employer des « opérations interarmes hautement coordonnées », et à diligenter le concept de « Network Centric Warefare » ou « BOA » que l’axe de la Résistance, toutes composantes confondues, maîtrise à merveille. Mais comment se manifeste cette évolution?
Vidéo: l'activation du S-300 russe/twitter
Que vit au juste à Donbass l’armée russe ? Un nouvel épisode de sa conversion d’une armée lourde à une force plus légère, plus flexible et partant plus adaptable aux contingences d’une guerre asymétrique qui se basant sur missile ou drone, est régie par une synchronisation parfaite de l’action des différentes unités armées. A-t-on vu une pareille performance ces dernières années quelque part dans le monde? Oui, au Yémen. Prenons le cas d’Ansarallah lors de l’une de ses fameuses frappes aux combinaisons drone-missile qui a appuyé l’avancée de ses troupes terrestres dans le sud de l’Arabie saoudite, frappe ciblant le pétrolier Aramco et qui date de pas trop loin à savoir de mars 2021 où l’énorme parc pétrolier de "Raas Tanoura" à l’Est du royaume a été pris pour cible des combinaisons drones-missile dans le même temps que le port pétrolier de Yanbu à l'ouest. Quel rôle ont joué les combinaisons drones-missiles? Celui de soutien rapproché aux forces terrestres. La revue américaine The National Interest a commenté à l’époque cette opération inouïe non sans en relever le caractère particulièrement novateur où les "cocktails missiles-drones" ont parfaitement fait office de l'armée de l'air :
« À l'occasion du 7e anniversaire de la guerre lancée en 2015 contre le Yémen, les Houthis ont pris pour cible de 18 drones et de 8 missiles balistiques non pas une seule région mais l'Est, l'Ouest et le Sud saoudien. Le méga parc pétrolier de Ras Tanoura, déjà frappé début mars, fort de ses milliers de fonctionnaires américains et britanniques et ses 6 couches de DCA Patriot entre autres, y est passé tout comme ses 7 millions de baril d'exportation journalière. Idem à Yanbu, port pétrolier stratégique de l'ouest d'où part un tiers des 10 millions de barils quotidiennement exportés et que les Houthis ont attaqué simultanément... Mais la fête s'est aussi étendue au port de Jizan, au Sud, où Aramco alimente les villes et villages méridionaux saoudiens. (...) Comment le coup a-t-il été asséné ? L'opération a impliqué huit missiles balistiques de type "Zolfaghar" et "Badr Sair", une nouvelle variante de Badr, pour le grand malheur des radars de Patriot ou encore de THAAD qui ont été distraits puisque la "furtivité" a été totale. L'action a été aussi parfaitement synchrone entre ces huit missiles balistiques de haute précision qui se sont abattus sur les cibles militaires et pétrolières d'une part et ces 16 drones Samad-3 de l'autre puisque ce drone de trois mètres de long et de cinq mètres d'envergure, et doté d'un turbomoteur et avec une charge maximale de 40 kg, dispose d'une altitude de vol de 8 000 m et d'une endurance de 5 heures pour une portée "terrifiante" de 1 600 km et qu'il en suffit un nombre très réduit pour mettre hors portée la plus redoutable des DCA. »
Et d’ajouter : « À vrai dire, cette opération a marqué un tournant dans la mesure où elle a déconcerté le quartier général des forces de la coalition dans le sud de l’Arabie et a permis une avancée rapide des Houthis à Jizan et à Assir dans le sud du territoire saoudien. Mais au bout des centaines d'opérations, on commence à comprendre la tactique de combat des Houthis… Au fait, et en fonction de l'ampleur des opérations terrestres qu'ils ont à mener, les nuées de leurs drones changent de taille mais ne comptant jamais plus que 12 appareils à la fois.
À Donbass la Russie va-t-elle finir par reproduire le modèle gagnant d'Ansarallah face à l'axe US-OTAN? Bloqué dans le ciel de l'Europe, le ministre russe des Affaires étrangères a annulé sa visite en Serbie, la Bulgarie, la Macédoine du Nord et le Monténégro ayant refusé que son avion ne les survole. En diplomate, il a jugé cet acte d'inconcevable et scandaleux. Mais dans ce genre de situation ce n'est pas la diplomatie qui pourrait avoir le dernier mot mais la force armée, comme celle brandie par un officiel russe cette nuit qui a menacé d'ouvrir le ciel de l'Europe à coup de salves de missiles... Un conseil ? Y mettre une petite dose de drones et synchroniser le tout ne fera pas de mal non plus ...