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Deux pétroliers grecs saisis dans le golfe Persique, l'Iran venge-t-il aussi la Russie?

Une vedette rapide du CGRI s'approche d'un pétrolier grec dans les eaux du golfe Persique, le vendredi 27 mai 2022. (Capture d'écran)

Il y a quelques heures, Joe Biden a annoncé ne pas vouloir doter l’Ukraine de lance-roquettes dont la portée atteindrait la Russie. Et le PM russe, Medvedev s’en est félicitait. Peut-on prendre l’Américain à la lettre. Pas vraiment dans la mesure où depuis la chute de Marioupol et la reddition des centaines d’officiers américains, otaniens et israéliens aux Russes qu’on disait imbattables puisque protégés depuis l’espace par le système StarLink de Elon Musk, les USA ont atteint leur limite géostratégique, politique et militaire et que dans de pareil cas, expérience moyen-orientale l’a prouvé, la CIA, le département d’État ou le Pentagone, au lieu de tirer leçon d’erreurs commises se mettent à continuer à soutenir leurs propres stratégies et, de préférence, élargir le conflit tout en l’appelant le « changement de plan ».

A quoi renvoie le très particulier rapprochement intensif Iran/Russie?

Or en l’état, l’unique façon pour les États-Unis d’« amplifier » le conflit anti-Russie en Ukraine consiste à continuer à fournir des armes au régime de Kiev, d’où les discussions sur les Harpoons il y a quelques semaines et maintenant les HIMARS.

S’il est vrai que ces livraisons US a Kiev ne changeront pas l’issue du conflit, il est aussi vrai que les HIMARS cadrent à merveille à ce besoin de chaos propre au perdant quand ils épuisent leurs dernières cartouches. Et si l’Amérique frappe par Kiev interposé le territoire russe, comment réagira-t-elle la Russie ?

Il est certain que nous pourrions assister à une escalade très grave de la part de la Russie, dont une partie sera très désagréable pour les États-Unis. Une partie intimement liée aux déboires US face à l’Iran et que l’armée tend d’ors et déjà à prendre en exemple rien qu’à feuilleter les commentaires des experts russes.

N’oublions guère que les Yankees disposent de très nombreux actifs et bases dans le monde entier et une première réaction côté russe pourrait renvoyer à l’historique attaque du 8 janvier 2020 du CGRI iranien contre Aïn al-Asad, super base américaine en Irak que l’Iran a frappée en guise de représailles au lâche assassinant de son grade général à l’aéroport de Bagdad.

A certain égard, les représailles de la Russie pourraient s’avérer même beaucoup plus dévastatrices car en 2020, l’Iran a tenu par amitié pour son voisin irakien à avertir au préalable Bagdad de sa frappe ce qui a permis à l’US Army d’évacuer Aïn al-Asad, juste avant que n’arrivent les 13 missiles balistiques Qiam tandis que la Russie n’a aucune raison d’avertir au préalable les Américains ni les Otaniens à l’origine de la conversion en moins de 100 jours de l’Ukraine en plus grand entrepôt d’armes du monde. Mais ce n’est pas tout :

Le HIRAMS sur quoi l’Amérique semble avoir tout misé dispose d’une portée de 300 à 500 kilomètres, ce qui ne dépasse guère les capacités des S-400 voire des S-300V4 russes, dont l’une des batteries, celle basée à Tartous en Syrie s’est activé justement le 13 mai quand  les F-16 israéliens s’en sont pris au centre de recherche de Masyaf à Hama, une sortie qui a littéralement terrorisé l’entité mais qui contenait aussi un message direct de la Russie en direction de l’axe US/OTAN. 

Mais la limite que les Américains ont atteint en 92 jours de combat en Ukraine, limite que le vieux Sioniste Kissinger a très bien vu et contre les conséquences de quoi à savoir un rapprochement substantiel entre la Russie et l’Iran (et la Chine) il a mis en garde allant jusqu’à  proposer une auto-amputation soit un démembrement de l’Ukraine au profit de la Russie, n’en reste pas qu’au domaine des armements. Le vendredi 27 mai, une très curieuse affaire navale a prouvé que l’Iran était peut-être pas absente que cela paraît dans la guerre russe contre l'axe US/Otan en Ukraine.

Deux pétroliers Prudent Warrior et Delta Poseidon ont été saisis le 27 mai au large des cotes iraniennes par les commandos marins du CGRI avec à leur bord 1.8 million de barils et ce en représailles du détournement pour le compte des Etats-Unis de quelque 115 000 barils de pétrole iranien à bord d’un pétrolier battant sous le pavillon iranien vers le 25 mai non loin de la Grèce.

Vidéo: les vedettes rapides iraniennes s'attaquent au pétrolier britannique, 2019

72 heures après cette riposte, la Grèce en est à s’agiter à accuser l’Iran de la « piraterie » et surtout à le menacer de « prendre des mesures qui s’imposent » et tout ceci au milieu de la totale indifférence des Américains qui retranchés derrière le vassal grec ne daignent pas de dépasser comme dans le cas de Steno Impero, ce pétrolier britannique saisi en 2019 par l’Iran et dans des conditions similaires, le stade de la parole se contenant des « appels à la mise en liberté des pétroliers », appels complètement vides de sens.

Mais en quoi cette affaire qui introduit le facteur « Iran » dans le jeu énergétique méditerranéens, l’un des principaux motifs de la guerre en Ukraine regarde-t-elle la Russie ? Déjà et à en juger le tollé suscité dans le camp otanien où la France a condamné l’Iran et où la Grande-Bretagne lui a emboîté le pas, tout analyste se devrait de douter de quelque chose liée à la Russie dans cette affaire. Mais reprenons l’affaire dès le début pour mieux en comprendre les ressorts : Le mois dernier, les autorités grecques ont saisi le Pagas, battant pavillon russe, avec 19 membres d'équipage russes à bord, près de la côte de l'île méridionale d'Eubée en raison des sanctions de l'UE, pétrolier soupçonné de transporte le pétrole « iranien ».

Vu l’état de leurs relations avec Moscou, les Grecs n’ont pas tardé à mettre en liberté le pétrolier et visiblement se sont fait tirer les oreilles par les Yankees. Or entre temps il s’est passé une extraordinaire affaire : le « Pegas » a changé de nom en Lena et devenu iranien et là, Athènes en a confisqué la cargaison. Que pourrait-il avoir bien passé entre temps pour qu’Athènes dont les liens sont au beau fixe avec l’Iran change d’avis ? Si on y ajoute cette annonce de Rosneft de vouloir porter plante contre les Etats-Unis qui l’accusent de « complicité avec l’Iran pour la contrebande du pétrole et le blanchiment d’argent », la réponse serait bien trouvée :

Depuis l’annonce des sanctions US contre la Russie, l’Iran participe au transit du pétrole russe et le fait écouler via ce vaste réseau naval que la presse américaine qualifie de « Navires fantômes iraniens » , un réseau qui opère en totale synergie avec le système bancaire secret de l’Iran, qui dixit The Wall Street Journal rend l’Iran capable de se moquer royalement des sanctions US et de s’en servir même à titre de levier de pression à Vienne »

Comment l'US Navy et les marines annexes ont perdu la bataille des mers au Moyen-Orient?

L’Iran a-t-il introduit la Russie dans sa flotte fantôme puis dans son réseau bancaire secret «  composé des milliers de comptes et d’autant sinon plus de sociétés écrans placées sous commandement d’un QG à Téhéran chargé des échanges en troc ? A n’en pas douter vu que cette affaire commence à prendre l’allure d’une grotesque contre-attaque US contre l’axe Iran-Russie et ce, sur le dos de pauvres vassaux otaniens.

Mais pour être vassaux, les Grecs comme les autres « alliés » US au sein de l’OTAN n’en restent pas moins conscients du coup que l’Amérique est en train de leur jouer d’où sans doute cette curieuse première conférence des Etats membres de l'Organisation de coopération économique de la mer Noire, (OCEMN), organisation qui a douze membres ( AlbanieArménie  Azerbaïdjan  Bulgarie  Géorgie  Grèce  Moldavie  Roumanie  Russie  Serbie  Turquie  Ukraine) Et qui traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire comme l’a reconnu son secrétaire général lors de son discours d’hier à Téhéran et ce, en raison de la guerre en Ukraine.

Mais que peut bien avoir à faire M le secrétaire de l’OCEMN à Téhéran ? Certains diraient qu’il serait porteur d’un message des Grecs pour les Perses, d’autres tout en n’écartant pas cette hypothèse, se référeraient au discours de son secrétaire général roumain, Lazar Comanseçu, plaidant en faveur de l’établissement dans les plus brefs délais du corridor mer Noire-golfe Persique.

L’effet russe ? Sans doute après tout ce n’est pas que les leçons militaires du golfe Persique, signées l’Iran ne se confine pas à Aïn al-Asad et il y de quoi à apprendre à éviter à la marine russe d’autres tragédies à la Moskva.  Il y a évidemment des essaims de vedettes rapides que la Russie devrait adopter en mer Noire si elle désire de basculer définitivement les rapports de force en sa faveur. Une vidéo publiée depuis quelques heures sur le modus operandi de la saisie des deux pétroliers grecs l’indique d’ailleurs : C’est un « passage obligé » pour les Russes rien qu’à voir ces nuées de vedettes rapides iraniennes nouvelle génération dites de (classe Achoura ).

Fin de l'Empire naval US à travers détroits, mers et océans stratégiques?

Sur les images, les projectiles qui se laissent voir aux deux côtés des vedettes rapides partagent des ressemblances avec le missile de croisière à courte-portée de Nasr entré en service en Iran il y a quelques années, en tant que principale arme des vedettes légères du CGRI. Or le missile Nasr a une portée de 35 kilomètres pour une ogive de 150 kg, et un poids total de 350 kg. Une Russie qui a souffert de la lourdeur de ses blindés et de la grosseur du Moskva ne pourrait pas ne pas l’apprécier.

D’autant plus que les photos montrent que les projectiles embarqués sur les vedettes rapides n’ont pas été placés dans des tubes et que leur extrémité se trouve tout près du moteur, ce qui laisse penser qu'il s’agit d’un tube chargé de torpilles qui rendrait la vedette plus mortelle puisque les torpilles sont plus légères, plus furtives et surtout dépourvues de ce feu réactif qui accompagne les missiles. En cas d’une confrontation militaire, et on peut parier qu’en mer Noire il y en aura,  des nuées de ces vedettes rapides torpilleurs pourront poser de très gros problèmes aux unités de surface ennemie surtout qu’Achoura est la première vedette rapide aussi légère au monde avec un tonnage de 3 à 5 à être équipé de torpille.

Alors l’axe Russie-Iran n’est-ce pas bien inquiétant ? … Kissinger a peut-être raison! 

Les commandos du CGRI arraisonnent deux pétroliers grecs dans les eaux du golfe Persique, le 27 mai 2022. (Capture d'écran)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV