S'il y a une magistrale leçon que l'Iran devrait tirer, à titre de puissance balistique de la guerre russe en Ukraine, une guerre qui tend à toucher à sa fin, rien qu'en se fiant aux récentes déclarations du sioniste Kissinger à Davos où il a exhorté Kiev à lever les mains et à rendre à la Russie des territoires que celle-ci réclame en échange de la paix, ne serait-ce que pour éviter le "terrifiant" rapprochement qui est sur le point de se produire entre la Russie d'une part et l'Iran et la Chine de l'autre, avec en toile de fond la naissance d'un ordre dés-occidentalisé, et bien c'est la leçon "hypersonique".
Le 14 mai 2022, l'ambassadeur de Russie aux États-Unis, Anatoly Antonov, a déclaré que Washington était sérieusement préoccupé par les derniers développements russes dans le domaine des armes stratégiques offensives en soulignant que les Yankees « n'aiment vraiment pas Poséidon, ils n'aiment pas non plus beaucoup "Sarmat" car " à toutes les réunions que nous avons, il y a des représentants du milieu universitaire, on nous dit tout le temps que dans un futur accord de contrôle des armements, ces "Poséidons" devraient être interdits, bien sûr, l'utilisation des "Sarmat" devrait être limitée, et ainsi de suite".
Au fait, le premier lancement du missile balistique intercontinental "Sarmat" a eu lieu le 20 avril 2022, soit plus de deux mois après le début de l'intervention russe en Ukraine. Les caractéristiques de conception ont été confirmées à toutes les étapes de son vol, les ogives d'entraînement étant arrivées dans une zone donnée du terrain d'entraînement de Kura dans la péninsule du Kamtchatka. A vrai dire, ICBM "Sarmat" a des caractéristiques uniques qui en ces temps de rapprochement tous azimuts entre l'Iran et la Russie où les parties ont relancé dans le cadre de la réactivation du corridor Nord-Sud des voies de transite commune, et ont rejoint leur système bancaire, quitte même à liquider le dollar dans leurs échanges communs et à recourir au troc, pourraient largement intéresser l'Iran. Un Iran qui tout en refusant l'arme nucléaire qui l'a prouvé la guerre en Ukraine, ne sert pas à grand chose même pas à la dissuasion, souhaite acquérir une dissuasion intégrale.
Mais qu'a-t-il "Sarmat" de si singulier? Tout d'abord, nous parlons de la portée de la fusée. Il atteint 18 000 kilomètres, ce qui permet de toucher les États-Unis continentaux à la fois par les pôles Nord et Sud. Ainsi, ce missile peut contourner les zones de position de la défense antimissile américaine. Et Washington ne peut pas se permettre de créer un système de défense antimissile circulaire sur le territoire continental des États-Unis, que ce soit physiquement ou financièrement.
La deuxième principale caractéristique unique de l'ICBM Sarmat est la masse de la charge utile - 10 tonnes. Le missile a une ogive multiple avec 10 à 15 ogives pouvant être ciblées individuellement, chacune ayant un rendement de 750 kilotonnes de TNT. De plus, ce missile balistique intercontinental peut être équipé d'ogives planantes hypersoniques Avangard, vraisemblablement au nombre de trois pièces. Cette ogive peut atteindre des vitesses allant jusqu'à Mach 27 (33 mille kilomètres par heure). Il est presque impossible d'abattre l'unité de combat Avangard, car il manœuvre le long d'une trajectoire imprévisible. L'ICBM "Sarmat" équipé d'Avangard vole le long d'une trajectoire plus plate, ce qui permet de frapper n'importe où sur la planète dans les 30 minutes après le lancement.
L'arsenal iranien compte-il de pareils armements qui puissent ouvrir la voie à l'émergence d'un Sarmat "iranien"? Plus d'un analystes répondraient par affirmative dans la mesure où deux des acquis assez récents de l’industrie balistique iranienne a partie lié par ICBM et qu'une plus ample coopération militaire irano-russe qui pour reprendre les termes de l'ambassadeur iranien à Moscou dépasse d'ors et déjà "les contrats d'achats d'armement" a toutes les chances de se focaliser là-dessus.
A cet exercice a pris part le missile Qadr, engin à tête manœuvrable ( MaRV), soit à la trajectoire imprécise et in détectable pour les systèmes de DCA qui du coup s'en trouverait complètement doublé. Dans la foulée de l'exercice, l'Iran a dévoilé son missile "Kheybar Shekan" ou " Briseur de Kheybar". Il s'agit d'un missile stratégique à longue portée que le CGRI qualifie comme étant un missile de troisième génération: il utilise du combustible solide certes mais dans la phase d'atterrissage, son ogive manœuvrable, trahit le bouclier antimissile par sa trajectoire non balistique. Puis sa conception optimale a permis de réduire son poids d'un tiers par rapport à des échantillons similaires (Sejjil, Ghadr-F) et de réduire d'un sixième son temps de préparation et de tir. Quant à sa vitesse il dépasse Mach4 à l'impact.
Photo: les missiles à ogive manœuvrable du missile Ghadr, deuxième photo à droite. ©Tasnim
C'est en référence à ce nouveau missile tactique que le général Hajizadeh, commandant de la Force aérospatiale du CGRI a parlé d'un engin tactique nouveau et surtout du fait que l'Iran n'a promis à personne de confiner la portée de ses missiles balistiques à 2000 km, un clin d’œil aux projets des transcontinentaux iraniens. " l'Iran a certes limité la portée de ses missiles à 2 000 km sur la base de sa propre décision, mais que la décision n'est irrévocable. La puissance de nos missiles se voit dans les commentaires de nos ennemis. Personne ne nous a obligés à nous limiter à la portée de 2 000 km parce que nous ne parlons à personne de notre puissance de missile ».
Mais pour un "Sarmat" iranien, l'Iran possède-t-il déjà des ogives à tête multiples? Le missile iranien Khoramshahr en est un de ces engins à ogive à fragmentaire. C'est un type d’ogive de missile balistique qui est en fait une combinaison d’un certain nombre d’ogives plus petites. Une fois l’ogive principale détachée du missile, ces petites têtes se séparent et touchent différents points en s’éloignant les unes des autres.
Photo: le nez émoussée des missiles tactiques Zolfaghar/tasnim
Dans les quelques rares pays fabricants de missiles balistiques, les ogives intégrées se composent de 3 à 14 têtes plus petites. Mais parler d'un "Sarmat" est aussi parler d'une porte-fusée soit d'un moteur puissant capable de produire la poussée nécessaire pour faire déplacer engin sur des distances géantes.
Un teste récemment effectué en ce sens par les forces militaires iraniennes a été couronné de succès. Ce fut au mois de janvier et l'Iran a testé avec succès sa première fusée porte-satellite indigène avec un moteur fonctionnant au combustible solide. Le nouveau moteur à combustible solide, baptisé «Raafe», possède un fuselage en composite non métallique, ce qui augmente l'énergie et entraîne des économies considérables sur les coûts correspondants. IMA Media, en a même publié des images montrant le test réussi. Ce succès a été suivi de la mise en orbite par l'Iran de sa deuxième satellite militaire en avril 2022, Nour-2, ce qui a renforcé l’hypothèse de la maîtrise par l'Iran des moteurs de fusée ICBM. L'Iran s'emploie depuis plusieurs années à développer des capacités locales de lancement de satellites.
Alors un "Sarmat" iranien propre à fausser tous les calculs ennemis et à créer une dissuasion parfaitement étanche est-ce inaccessible? Disons que l'arsenal balistique iranien compte même des engins à nez émousse, ( on pense à Zolfaghar, NDLR) soit une caractéristique propre aux missiles à la vitesse hypersonique ( supérieur à Mach 5 ) et qui vise à réduire la température transmise au missile et de préserver le corps... A regarder de plus près les ingrédients pour un ICBM iranien sont travaillés depuis fort longtemps et chaque type de missile balistique de l’arsenal iranien en porte une marque. Comme si l'hypersonisation de l’arsenal balistique iranien, décidée depuis longtemps, avançait toutes ces années pas à pas pour finalement aboutir...