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Ce plan turc qui tournera au fiasco

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les forces turques en Syrie. ©AFP/Archives

Bien que les conditions régionales et internationales soient favorables à la réalisation du rêve d'Erdogan cherchant à créer une zone de sécurité dans le nord de la Syrie, certains facteurs en ralentissent l'aboutissement.

Plus tôt, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré dans un discours que la Turquie lancerait une nouvelle opération militaire pour établir des zones de sécurité à 30 km de profondeur dans le nord de la Syrie.

Le président, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de l'Intérieur de la Turquie ont à maintes reprises évoqué au cours des derniers mois la nécessité d'établir une zone de sécurité dans le nord de la Syrie pour transférer les réfugiés syriens de Turquie vers ces régions.

Les commentaires de responsables militaire ou politique turcs ou diverses analyses médiatiques des experts de ce pays ne manquent pas pour chercher à préparer l'opinion publique à une nouvelle tentative turque visant à occuper les territoires syriens.

Dans ce cadre, certains facteurs peuvent affecter le type et la date d’une telle opération, entre autres, la situation interne en Turquie, la position des pays, des institutions influençant la politique et l'économie turque et des acteurs importants en Syrie.

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I) La situation interne en Turquie

Au cours des deux dernières années, et surtout pendant ces derniers mois, la Turquie a été aux prises avec une situation économique considérée comme la plus difficile durant des 25 dernières années, avec un taux d'inflation de 70%. Les agences de statistiques indépendantes, quant à elles, évaluent le chiffre à plus de 150 %. D’autre part, les experts l’évaluent entre 200 et 300 %, compte tenu des prix du marché.

Cela pourrait avoir un effet profond sur les nouvelles opérations militaires de la Turquie ; un effet à la fois négatif et positif. D'un côté, il faut dire que la situation économique désastreuse en Turquie a provoqué le mécontentement du peuple et qu’une nouvelle campagne pourrait porter un nouveau coup à l'économie turque et accroître le mécontentement du public à l’égard du parti au pouvoir.

D’un autre point de vue, à l’instar de nombreux pays, la Turquie pourrait prendre des mesures déraisonnables telles que l'invasion d'un pays voisin, afin de créer une alliance qui a été détruite par divers problèmes à l'intérieur du pays.

La situation économique fragile en Turquie et le mécontentement du public pourraient donc être considérés comme une épée à double tranchant.

II) Les facteurs d'influence externes

La guerre de l'Ukraine et les troubles de la Russie : la Russie a été un acteur majeur en Syrie au fil des ans, surtout au cours des cinq dernières années. Toute action entreprise par la Turquie en Syrie au cours des sept dernières années (depuis l'entrée de la Russie en Syrie) a été en relative coordination avec la Russie. En conséquence, la position de la Russie concernant les actions turques est très importante pour Ankara.

Au cours des quatre derniers mois, Moscou a été entraînée dans une guerre acharnée avec l'Ukraine qui ne devrait pas prendre fin de sitôt. Ce qui a conduit la Russie à retirer certaines de ses troupes de Syrie et à les transférer sur le front ukrainien. C'est l'une des incitations pour Erdogan à envahir la Syrie et à réaliser son rêve d'établir une zone tampon et une zone de sécurité dans le nord de la Syrie.

Bien sûr, dans certaines régions, telles que Hassaké et Qamichli, les troupes russes sont toujours présentes et poursuivent des vols militaires, ce qui envoie un message important à la partie turque. Mais en général, on peut dire que la Russie n’a pas l’intention d’empêcher sérieusement la Turquie d'envahir la Syrie, car sanctionnée par la plupart des pays occidentaux, la Russie considère la Turquie comme un répit. Contrairement à la plupart des voisins occidentaux de Moscou, l’espace aérien de ce pays n'est pas fermé à la Turque.

De plus, étant donné que la Finlande et la Suède ont également l'intention de rejoindre l'OTAN, il semble que seule la Turquie ait empêché cette action jusqu'à présent, ce qui est très important pour la Russie.

- La position de l'OTAN : les pays occidentaux membres de l'OTAN avaient précédemment pris position contre les opérations militaires turques en Syrie et avaient même sanctionné Ankara dans un certain cas. Mais, actuellement, en raison de l'influence de la Turquie (concernant la Finlande et la Suède) et aussi pour empêcher la Turquie de s’approcher plutôt de la Russie, ils peuvent ne pas prendre l'ancienne position et jouer un simple rôle d'observateur à cet égard.

- La Position américaine : le seul pays qui a peut-être eu une réaction plus forte à cet égard, c’étaient les États-Unis, qui ont menacé la Turquie de sanctions militaires.

Dans une interview accordée à Sky News Arabia la semaine dernière, un responsable du département américain de la Défense a déclaré que l'administration du président américain Joe Biden avait officiellement annoncé au gouvernement turc à Ankara que toute mesure expansionniste de l'armée turque dans le nord de la Syrie, en particulier dans les régions de Tall Rifaat, Manbij et Aïn Issa, aura des conséquences dangereuses pour les relations bilatérales et les intérêts des citoyens kurdes innocents. La Maison Blanche n'exclut pas la possibilité que le Congrès impose davantage de sanctions au président turc Recep Tayyip Erdogan. Ce qui peut être considéré comme l'une des raisons pour lesquelles Ankara hésite à lancer une telle opération.

- La position de l'Iran : L'Iran, en tant que pays qui a joué un rôle important en Syrie, s'est officiellement opposé à la campagne et a appelé Ankara à l'éviter. Certains médias, dont Al-Monitor, ont également rapporté que Téhéran avait envoyé une délégation de sécurité militaire à Ankara et averti la partie turque sur cette opération.

- La position de la Syrie : Damas a lancé une initiative politique à cet égard et, tout en avertissant la Turquie d'une action militaire, a entamé des négociations avec les parties kurdes et a répondu positivement à leur demande d'entrer dans ces zones et d’être protégée. Ce qui rejette les prétentions d’Ankara voulant lancer une opération pour les expulser de la région.

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Somme toute, on estime que l'intention de la Turquie de lancer une nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie a été renforcée compte tenu des nouvelles conditions régionales et internationales (l’opération militaire russe en Ukraine et le retrait d'une partie de ses forces de la Syrie), mais compte tenu des circonstances intérieures et économiques, de l’éventuelle réaction de Damas et de ses alliés régionaux et de la possibilité de nouvelles sanctions américaines, les conditions de la Turquie et d'Erdogan pour mettre en œuvre son idée expansionniste sont devenues plus complexes que les campagnes précédentes.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV