C'est hallucinant la vitesse par laquelle Riyad veut revenir au Liban : après avoir joué aux veuves effarouchées autour de l'affaire Kardhahi puis traité le Hezbollah de tous les noms y compris de terroristes et lancer les hordes de Geagea à l'assaut du sud du Liban, Riyad a rompu ses liens avec Beyrouth, totalement indifférents aux cris d'effroi poussés par ses accointances locales. Ce jeudi pourtant, son ambassadeur vient de gagner en catimini Beyrouth, sur fond d'éloges émis depuis le bureau de roi à l'adresse de Mikati que ce même Riyad qualifiait d'incompétent de ne pas avoir pu mettre à la porte du gouvernement le Hezbollah.
Mais quelle mouche a piqué Riyad? Selon une toute dernière information, les Saoudiens sont dans tous leurs états tout comme les Emiratis depuis qu'Ansarallah a établit une enième équation de force "Ciblage des infrastructures saoudiennes, eau, électricité et pétrole Contre levée de l'embargo". Et la panique est si profonde que l'axe Riyad/Abou Dhabi en a été à frapper à la porte du Hezbollah pour une médiation. Et si ce n'était que des infrastructures!
Le 23 mars par exemple la coalition a prétendu avoir détruit deux navires piégés que le mouvement Ansarallah prévoyait de déployer dans une attaque contre deux gros pétroliers dans le sud de la mer Rouge, rapporte SouthFront : « Les Houthis s’apprêtaient à lancer les deux engins explosifs improvisés à eau depuis la province de Hudaydah sur la côte ouest du Yémen. Les Houthi intensifie ses attaques hostiles contre les sources d'énergie », lit-on dans le communiqué de la coalition d’agression.
Déjà le 20 mars, la coalition avait dit avoir détruit une embarcation piégée d’Ansarallah au large du port de Hudaydah, prétention non approuvée qui renvoie évidemment à la crainte de voir les combattants d’Ansarallah cibler les navires de guerre de la coalition via des bateaux télécommandés depuis plusieurs années. La coalition dirigée par l'Arabie saoudite prétend avoir détruit au moins 108 navires piégés par Ansarallah depuis le début de son intervention au Yémen il y a bientôt huit ans, ce qui pose d'emblée la question suivante : si autant de bateaux piégés ont été détruits pourquoi alors une si grande panique?
Y transitent environ 3 millions et 200 000 barils de pétrole par jour et plus de 21 000 navires marchands passent par Bab al-Mandeb, ce qui en fait le passage le plus important au monde et le plus incubateur pour les navires. Après le détroit d'Hormuz et le détroit de Malacca, qui s'étend entre la Malaisie et l'île indonésienne de Sumatra, c'est la mer Rouge et le golfe d'Aden, séparant Djibouti en Afrique et le Yémen en Asie qui pèsent de tout leur poids sur le commerce internationale via ce détroit.
Mais ce n'est pas tout : car dans la perspective d'un blocage, il n'y a aucun détroit plus facile que Bab el Mandeb à fermer. Et comment?
L'île yéménite de Perm sépare le corridor, qui fait environ 30 km de large (la distance entre Ras Minhali et Ras Syan), se situant en deux canaux, d'abord le canal oriental "Bab Iskandar" qui mesure 3 km de large et 30 mètres de profondeur (entre Ras Menhali et l'île de Perim) et ensuite le Canal de l'Ouest qui a une largeur de 25 km et une profondeur de 310 mètres, et par où passent divers types de navires marchands et de pétroliers facilement sur deux axes opposés. Ceci veut dire qu'un blocage à coup de missiles avec en toile de fond le ciblage des navires de guerres comme le droit international le permet totalement à Ansarallah maitre de Hudaydah n'exigerait que les engins de courte portée, presque des roquettes.
Mais il y a aussi le canal de Suez qui n'est pas trop loin. En cas de fermeture du détroit, le pétrole des États du Golfe Persique n'atteindra pas le canal de Suez, ce qui perturbera tout mouvement commercial via ce canal, quitte à pousser les pétroliers à naviguer vers le sud jusqu'au cap de Bonne-Espérance ou lus loin et ce, pour atteindre les marchés européens et américains, ce qui fera inévitablement grimper les coûts de transport à plus de 45 millions de dollars par jour.
Au cours des dernières décennies, Israël n'a cessé de tenter de contrôler Bab el Mandeb de diverses manières, les échanges commerciaux israéliens via le ce détroit s'élevant à environ 130 milliards de dollars en 2017, une moyenne de 69 milliards de dollars pour les importations et 61 milliards pour les exportations, tandis que le volume de ses importations maritimes se chiffrait pendant cette même période à 43,4 milliards de dollars.
Or ce projet nécessite avant tout de "sécuriser" le contrôle de la mer Rouge et de ses lignes de navigation, en plus du contrôle de Bab al-Mandeb et des routes maritimes qui y accèdent par le golfe d'Aden. D'où d'ailleurs la tentative des Émirats de contrôler les ports yéménites surplombant la mer Rouge à l'ouest et le golfe d'Aden au sud à quoi il faut ajouter la propention émiratie à construire des installations militaires des bases pour elle sur l'île de Socotra, à Mocha en y hébergeant des forces israéliennes.
Un blocage de Bab el-Mandeb, cela veut dire la fin de toutes ces aventures et cela aussi bien MBS que MBZ le savent pertinemment. Cette condition à remplir - c'est-à-dire le contrôle de la mer Rouge et des voies navigables qui lui sont associées - n'est pas facilement ce qu'elle était avant la guerre contre le Yémen, à la lumière de l' émergence d'une nouvelle puissance qui prend conscience de l'importance de ces voies navigables à l'entité d'occupation et à d'autres pays, et envisage sérieusement son utilisation comme carte de pression pour lever le siège du Yémen et imposer ses conditions.
Puis il y a des missiles guidés navals, comme le missile chinois C-801, qui a été utilisé pour cibler le navire émirati "Swift". Et évidemment des bateaux drones suicides dont l'un a été utilisé pour cibler la frégate saoudienne "Al-Madina" en janvier 2017, et dont les images mettent en scène le hors-bord qui entre directement en collision avec la coque de la frégate avant de la perforer.
Mais Ansaralla possède aussi des équipes d'hommes-grenouilles, qui ont pu mener jusqu'ici et à bien plusieurs missions, dont celle qui a conduit à la prise de contrôler d'une torpille sans pilote « Remus-600 », produite par le groupe norvégien des industries de défense « Kongberg ». La saisie du navire espion Rawabi fin 2021 serait aussi leur œuvre. Et puis, Ansarallah est passé maitre en termes de minage avec des mines marines submersibles « Mersad 1 » et « Mersad 2 » qu'ils possèdent... MBS a raison de paniquer et de frapper à la porte du Hezbollah.