« La Russie, la Chine et l’Iran ont réalisé que l’ordre mondial basé sur les règles de l’Amérique est terminé », a écrit ce lundi 27 décembre le journal israélien Haaretz.
En allusion aux récents rapports des médias occidentaux au sujet des renforts militaires russes près des frontières ukrainiennes avec entre autres le retour de quelques 10 000 soldats russes dans les bases après l’organisation des manœuvres dans cette région, Haaretz estime pourtant plausible que la Russie amorce une lente désescalade.
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« Il n’y a aucune certitude que le président russe Vladimir Poutine ait eu l’intention de lancer une invasion à part entière. Et même sans le faire, il a déjà atteint des objectifs politiques importants en mettant à jour les faiblesses à la fois du gouvernement ukrainien et de l’alliance occidentale de l’OTAN, qui a été d’une franchise embarrassante dans ses déclarations selon lesquelles elle ne viendrait pas en aide à l’Ukraine ».
Et le journal israélien d’ajouter : « C’était la deuxième fois en 2021 que la Russie déployait un grand nombre d’unités militaires à la frontière. En avril, ils ont tous été redéployés sans qu’un coup de feu ne soit tiré, et c’est peut-être ce qui se passera dans les semaines à venir. Mais même si les brigades de combat russes ne parviennent pas à pénétrer dans le Donbass, arrachant le cœur industriel de l’Ukraine et s’emparant de son principal port d’Odessa sur la mer Noire - comme elles s’y entraînent depuis des années - leurs manœuvres n’auront pas été un échec. »
« Que Poutine ait ou non l’intention de prendre le risque de lancer une guerre en bonne et due forme, il veut certainement que ses voisins, et le reste du monde, parvienne à cette conviction qu’il est capable de le faire. Comme tous les nationalistes russes, il ne pense pas que l’Ukraine soit une nation ou un pays à part entière, mais qu’elle devrait à nouveau faire partie de la Russie. Cela ne veut pas dire qu’il est prêt à prendre le risque dès maintenant de mener à bien ce qui sera évidemment beaucoup plus coûteux que l’occupation et l’annexion de la Crimée en 2014. Cela dépend d’ailleurs du coût à payer. L’équilibre du pouvoir militaire est sans aucun doute du côté de la Russie, mais les Ukrainiens quant à eux se battraient férocement (…). »
Haaretz estime que « même sans donner l’ordre de bataille, Poutine a non seulement enregistré des gains en rendant stérile toute idée d’intervention militaire de l’Occident aux côtés de l’Ukraine (comme les dirigeants de l’OTAN l’ont clairement indiqué) et en affaiblissant considérablement la position du gouvernement Zelensky à Kiev. Il a porté un nouveau coup contre ce que Barack Obama aimait appeler “l’ordre fondé sur des règles” ».
Le journal ajoute que « c’est exactement ce qui s’est produit lors du mandat de Trump et lorsque l’Amérique a abandonné tout engagement de façade envers les “règles”, et c’est toujours le cas avec Joe Biden à la Maison Blanche. Et la Russie n’est pas la seule à humilier les règles ».
« Poutine n’aura rien perdu si toutes les forces russes se redéploient dans les semaines à venir. Il aura déjà prouvé qu’il peut choisir le moment et le lieu d’une invasion. Et il en va de même pour la Chine, qui a accéléré le rythme et l’ampleur de ses incursions dans l’espace aérien et maritime autour de Taïwan en 2021 », ajoute l’article.
À ce sujet, Haaretz ajoute : « Le président Xi Jinping a de nombreuses bonnes raisons de ne pas parier sur une frappe contre l’île voisine, mais il fait également valoir au monde que cela dépend de lui. Les Taïwanais ne peuvent rester indépendants que tant que la Chine est prête à leur permettre de l’être. Le message chinois est que Taïwan n’est pas une entité distincte et qu’il continue de survivre juste du temps emprunté ; et personne d’autre ne peut y faire face. Peu importe ce qu’en diraient certains dirigeants taïwanais ; après le retrait d’Afghanistan, les États-Unis ne vont pas entrer en guerre au nom d'un pays lointain, certainement pas sous son président actuel. »
Haaretz prétend également que l’Iran, à son tour, bien qu’il ne soit pas considéré comme étant une puissance mondiale à l’image de la Chine et de la Russie, a su « adopter des tactiques très similaires cette année dans ses négociations lentes et difficiles sur un retour à l’accord nucléaire ».
Haaretz avoue qu’au cours des dernières années, depuis que Trump s’est retiré de l’accord nucléaire en imposant des sanctions et une “pression maximale” à l’Iran, le pays a prouvé être capable de résister à la pression et de continuer à la fois ses activités nucléaires. Le journal israélien estime improbable que la nouvelle équipe négociatrice iranienne à Vienne accorde trop de concessions au camp d’en face ; il n’est pas établi, non plus que les négociateurs fassent un compromis pendant que les centrifugeuses continuent de tourner, ajoute aussi l’article.
« L’Iran n'est pas obligé d’aller jusqu'au bout et de franchir le seuil nucléaire. Il n’a pas besoin d’enrichir son stock d’uranium jusqu’à un plafond militaire. Ce pays a déjà montré que malgré les sanctions, les sabotages et les assassinats attribués à Israël, il est capable de parvenir à un point où sa distance avec cette capacité ne serait pas plus de quelques mois.
Il peut survoler le seuil et choisir son timing. Les États-Unis ne vont pas l’arrêter et Israël, malgré les proclamations acerbes de certains de ses dirigeants et généraux militaires, n’a probablement pas non plus la pleine capacité de le démentir ».
Et le journal israélien de conclure : « Si quelqu’un avait la moindre illusion que tout ce qu’il faudrait pour que les règles soient rétablies était un retour au bureau ovale d’un président outre Donald Trump, 2021 a été l’année où l’absence de toute règle imposée par l’Occident est devenue pleinement perceptible. La Russie, la Chine et l’Iran y ont tous veillé. »
Pour rappel, cet article a été publié le jour où le négociateur en chef iranien Ali Bagheri-Kani est arrivé à la tête d’une délégation à Vienne afin de participer au 8ème round de négociations avec les 4+1.