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Nucléaire iranien, une partition à trois pour mettre au pas l'empire?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Une alliance de facto Iran-Russie-Chine contre l'empire?(illustration)

"Puisque Trump a quitté l'accord nucléaire, nous devrons peut-être apprendre à vivre avec un Iran nucléaire", titrait le chroniqueur de Washington Post ce lundi en reprochant à Trump d'"être tombé dans le piège d’Israël et d'avoir commis l'erreur de calcul de politique étrangère la plus désastreuse qui soit depuis l'invasion de l'Irak en 2003".  "Dans le cadre de l'accord nucléaire de 2015, l'Iran s'est débarrassé de 97 % de son combustible nucléaire et a limité son enrichissement d'uranium à seulement 3,67 % de pureté. Son temps de « rupture » ​​pour produire suffisamment de matière pour fabriquer une bombe nucléaire a été estimé à plus d’un an. Le retrait de Trump a permis à l'Iran de relancer son programme nucléaire".

L'Agence internationale de l'énergie atomique a rapporté l'année dernière que l'Iran disposait de 12 fois la quantité d'uranium enrichi autorisée par l'accord. Et l'Iran enrichit également l'uranium à 60 pour cent de pureté, juste en deçà des 90 pour cent nécessaires pour fabriquer des armes nucléaires. Puis son "temps d'évasion" a été réduit à trois semaines seulement. Même si il faudra plus de temps pour fabriquer les ogives nécessaires à la création d'armes nucléaires, l'Iran est bien plus près de cette étape redoutée qu'il ne l'était en 2018, poursuit l'auteur qui ne peut s'empêcher de rappeler à quel point les frappes aériennes tant évoquées contre l'Iran à Washington tout aussi qu'à Tel Aviv relèvent des chimères : " L'administration Biden a tenté de relancer l'accord nucléaire. Mais l'Iran se sent brûlé par le retrait de Trump, et son nouveau président pur et dur, Ebrahim Raïssi, n'a pas montré beaucoup d'intérêt pour un compromis... Cela signifie que les États-Unis et Israël pourraient se rapprocher de la décision qu'ils redoutent depuis si longtemps : bombarderont-ils l'Iran ou lui permettront-ils d'obtenir la bombe ? Dans le passé, j'aurais dit que le bombardement était l'option la moins mauvaise, mais je n'y crois plus".

Car "fort de  85 millions d'habitants, l'Iran est beaucoup plus grand et beaucoup plus fort que les adversaires que l'Amérique n'a pas pu vaincre en Irak et en Afghanistan. Et son programme nucléaire est bien plus avancé que ceux de l'Irak ou de la Syrie lorsqu'Israël a bombardé des installations nucléaires présumées dans ces pays en 1981 et 2007, respectivement. Puis le nucléaire iranien est dispersé sur des dizaines de sites fortifiés et cachés, tous protégés par un système de défense aérienne sophistiqué. L'usine d'enrichissement de combustible de Fordow est enfouie au cœur d'une montagne. Abattre Fordow, si cela peut être fait, nécessiterait probablement le Pénétrateur Massive Ordnance Penetrator de 30 000 livres. Et Israël n'a ni cette bombe ni le bombardier qu'il faut – que ce soit un B-2 ou un B-52 –pour la larguer. Les États-Unis pourraient, bien sûr, fournir à Israël ces munitions, ou ils pourraient eux-mêmes bombarder les installations iraniennes... Mais même des frappes réussies ne feraient que retarder le programme nucléaire iranien. Et ce, mis à part des risques réels que toute attaque pourrait déclencher et qui est une guerre totale au Moyen-Orient. Car l'Iran n'est pas du genre à laisser passer ce genre d'action ni non plus ses alliés..." 

Mais à quoi rime ce genre d'article qui tend à envahir ces jours ci non seulement la presse US mais encore la presse sioniste? Avouons que le lecteur de la Résistance n'en dirait ni n'en écrirait mieux. À vrai dire, derrière ces arguments bien défendables que nous sortent les journalistes les plus anti-iraniens que comptent les médias mainstream, il existe à vrai dire une crainte qui va bien au-delà de l’émergence d'un Iran nucléaire. À Vienne de ce décembre 2021, il y aurait comme l’émergence d'une alliance à trois que redoute depuis si longtemps l'Occident, une alliance qui impliquerait l'Iran, la Chine et la Russie. Une sorte de synergie qui tend à reproduire le même schéma face au maximalisme et à l'expansionnisme occidental. Et comment? 

En effet, le premier cycle de négociations à Vienne soutenu par une importante équipe de négociateurs iraniens, a donné peu de surprises à quiconque a écouté ce que l’administration Raïssi n'a cessé de dire si clairement ces derniers mois. Le négociateur en chef iranien, Ali Bagheri-Kani, a présenté deux projets pour examen ultérieur lors de cette session et des sessions suivantes, et a promis un nouveau projet à son retour de Téhéran en milieu de semaine. Or le changement clé renvoie ici à la déclaration post-électorale de Raïssi : "le PGAC n’est pas la première priorité". Son administration regarde désormais vers l’Est, quitte à draper l'Iran d'un nouveau cadre stratégique. L’implication immédiate pour Vienne a donc été de réaffirmer la priorité des intérêts purement iraniens.

Il semble d'ailleurs que les Européens (les E3) aient été quelque peu surpris, car ils pensaient peut-être que les menaces américaines de sanctions paralysantes, la perspective que l’Europe se joigne à ces sanctions en cas d’échec des négociations et l’avertissement des E3 qu’Israël se préparait à frapper l’Iran intimideraient l'Iran. Or rien de tel : L’équipe iranienne se sait en position d’avantage. l'Iran a même supprimé toutes les clauses de compromis convenues précédemment. Pourquoi ce virage? Il devrait y avoir visiblement quelque chose de très vaste, qui va bien au-delà des pourparlers de Vienne puisque l’Iran a énoncé ses « lignes rouges » : Aucune discussion sur les missiles balistiques iraniens ; aucune discussion sur le rôle régional de l’Iran ; et aucun gel de l’enrichissement, tant que le mécanisme de levée des sanctions et de garantie de leur non-réapparition n’est pas convenu – un retour au cadre initial de l’accord de 2015. L’Iran exige des garanties contraignantes que les sanctions ne seront pas réimposées de manière arbitraire.

En effet, ce virage iranien ne pourrait être compris sans se référer à un contexte plus large : la position iranienne est presque identique, dans son contenu, à celle énoncée par la Russie à l’égard des États-Unis dans le dossier de l’Ukraine ou encore à celle à celle de la Chine à l’égard de Taïwan. La demande de Poutine à Washington est que les intérêts et les « lignes rouges » de la Russie soient reconnus et acceptés et que des accords juridiquement contraignants soient conclus concernant la sécurité de la Russie en Europe orientale ; le président Poutine a également averti que tout empiétement des infrastructures ou des forces de l’OTAN en Ukraine ne serait pas autorisé et que la Russie prendrait des mesures décisives pour l’empêcher. Un peu comme l'Iran qui a déclaré que toute attaque israélienne contre ses installations nucléaires ne serait pas tolérée, ou comme le président Xi qui l’a indiqué lors du sommet virtuel qu’il a tenu avec Biden le 15 novembre que toute tentative de sécession de Taïwan ne serait pas autorisée et qu’elle serait suivie d’une réponse militaire.

Or en géopolitique, des coïncidences de cette nature ne se produisent pas spontanément. L'Iran, la Chine et la Russie sont-ils stratégiquement coordonnées, politiquement et militairement de concert? Ce qui stupéfait The Washington Post, les E3 et l'axe US/Israël est ceci : C’est la première fois que d’autres leur dictent leur conduite, définissent leurs lignes rouges – au lieu de recevoir des instructions sur les lignes rouges américaines. Et cet "autre" est un géant à trois côtés, Iran, Russie, Chine... 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV