Pendant les jours qui ont précédé les négociations de Vienne, les médias occidentaux n’ont cessé de faire circuler la rumeur selon laquelle les chances de parvenir à un accord seraient minces, alors que les négociations n’avaient pas encore commencé.
Au niveau officiel, les ministres britannique et israélien des Affaires étrangères ont réitéré les revendications passées contre l’Iran dans une note conjointe la veille du début des pourparlers de Vienne.
Le mémorandum indiquait que Londres et Tel-Aviv lutteraient contre les « ambitions de l’Iran ». Ce ton ainsi que la ligne de conduite des médias mentionnés ont clairement montré que ce sont les Occidentaux qui ne sont pas sérieux quant à l’obtention d’un résultat satisfaisant pour toutes les parties, et que si les négociations échouent, ils ne peuvent pas en blâmer l’Iran.
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Or, les négociations ont finalement commencé lundi. « La réunion de la Commission mixte de l’accord nucléaire est terminée. Les participants au septième tour de pourparlers, qui a commencé avec beaucoup de succès, ont convenu de prendre de nouvelles mesures urgentes », a déclaré sur Twitter Mikhaïl Oulianov, le négociateur en chef de la Russie.
« Tous les participants ont écouté avec intérêt les propos et les sensibilités de la nouvelle délégation iranienne et celle-ci a clairement souligné qu’elle cherchait quelque chose de sérieux », a déclaré Enrique Mora, coordinateur en chef des pourparlers nucléaires, à l’issue de la réunion de Vienne. Il paraît que la stratégie du parti pro-israélien a échoué à Vienne.
Dans la foulée, le journaliste israélien Zvi Bar'el a fait paraître un article, le 30 novembre, sur le site web de Haaretz, avec pour titre « La pression maximale d’Israël a échoué à Gaza. Pourquoi cela fonctionnerait-il en Iran ? »
Dans sa campagne intense contre les pourparlers avec l’Iran, Israël présente la nécessité de poursuivre les sanctions sévères et de s’opposer au « chantage iranien » comme un moyen vital et efficace de forcer l’Iran à annuler son programme nucléaire.
Cela a toujours été une stratégie israélienne constante, automatique et désormais dépassée.
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Réclamer plus de sanctions contre l’Iran, cela donnerait à ce pays le visage d’un État rationnel, motivé par des considérations coûts-bénéfices. Selon cette conception, la crise économique dans laquelle il est embourbé et son isolement (incomplet) dans le monde (…) sont les facteurs censés ramener l’Iran à l’accord initial et s’assurer qu’il ne développera pas de bombe nucléaire.
Mais la demande de sanctions contredit la méfiance d’Israël envers l’accord initial et sa capacité à bloquer les projets nucléaires de l’Iran. Si tel est le cas, en quoi les sanctions seront-elles utiles et en quoi ont-elles été utiles jusqu’à présent ?
Les sanctions à elles seules n’ont pas changé la politique de l’Iran. Le pays est soumis à un régime de sanctions depuis plus de 40 ans. Même la « pression maximale » appliquée par Donald Trump n’a fait aucun changement. L’Iran a signé l’accord nucléaire initial avec Barack Obama en 2015 parce qu’il a trouvé en lui un partenaire disposé à comprendre ses préoccupations et à accepter une version répondant aux besoins de l’Iran. L’Iran respectait l’accord même lorsque Trump a été élu président et il a attendu un an après le retrait des États-Unis (...). Même ainsi, il n’a jamais dit qu’il se retirait de l’accord.
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L’élection de Joe Biden et sa détermination à revenir sur l’accord nucléaire ont donné à l’Iran l’opportunité de revenir à la table des négociations. Cherche-t-il maintenant à gagner du temps pour continuer à enrichir de l’uranium et à fabriquer une bombe ? L’hypothèse en Israël [territoires occupés par le régime israélien, NDLR] est que telle est bien son intention. Si oui, pourquoi l’Iran reprendrait-il les négociations ? Est-il inquiet pour sa réputation, de peur que la communauté internationale ne lui reproche d’avoir violé l’accord, fournissant la justification d’un assaut militaire contre lui ?
Cette interprétation ne contredit pas seulement la conception selon laquelle l’Iran est un État rationnel, elle ignore le fait qu’un assaut militaire nécessite le feu vert de la Russie et de la Chine, les alliés de l’Iran. De plus, les efforts d’Israël pour persuader les États-Unis de poursuivre leurs sanctions reposent sur le fait que Joe Biden n’a pas l’intention d’être impliqué dans un assaut militaire. Ainsi, l’argument israélien selon lequel l’Iran est un État au seuil nucléaire, exigeant une réponse militaire immédiate sans attendre qu’une bombe soit déployée dans un défilé militaire, ne cadre pas avec la demande de sanctions ou avec la réalité.
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Israël aurait dû intérioriser cette leçon il y a longtemps, car depuis 14 ans, il mène une version miniature désespérée de l’application d’une « pression maximale » dans la bande de Gaza. La justification de l’imposition d’un blocus étouffant sur Gaza a changé au fil des ans, mais en principe, le blocus visait à empêcher le Hamas de menacer militairement Israël, de renoncer à ses armes et même de générer une révolution dans laquelle un public appauvri, frustré et désespéré puisse le renverser.
La signature d’un accord avec le Hamas, comprend Israël, ne lui accordera pas la reconnaissance par le Hamas, ne changera pas son idéologie, ni ne conduira à son désarmement. C’est le genre d’accord que les puissances essaient de conclure avec l’Iran, seulement avec un bonus – un gel du programme nucléaire iranien.