Les récents évènements en Irak font la une des médias nationaux et étrangers, en particulier les médias régionaux ; alors que les protestations de certains partis et citoyens irakiens contre le résultat des élections législatives s'intensifiaient, la nouvelle sur la tentative d’assassinat ratée du Premier ministre irakien Mustafa al-Kazemi a fait l’effet d’une bombe.
Située dans la zone verte, localité la plus sécurisée de Bagdad voire de tout le Moyen-Orient, la résidence de Mustafa al-Kazemi a été attaquée dans la nuit de samedi à dimanche 7 novembre au moyen de drones piégés : trois de ses gardes du corps ont été blessés, mais al-Kazemi s'en est sorti indemne miraculeusement, a écrit Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du journal Rai al-Youm, dans un article abordant l’incident.
Lancée tout juste après les affrontements sanglants entre les manifestants et les forces de sécurités irakiennes à l’entrée de la zone verte où deux personnes auraient été tuées et sept autres blessées, la tentative d’assassinat ratée est probablement une opération fictive menée par les partis affiliés à al-Kazemi pour d’abord ramener la sympathie du peuple à son égard et assurer ainsi sa réélection et la prolongation de son mandat de Premier ministre, suggère Atwan en ajoutant que la prise pour cible d’al-Kazemi lui a apporté un large soutien régional et international, mais aussi aux résultats des élections législatives qui se sont déroulées sous sa supervision.
Ceux qui soutiennent ce scénario de fausse opération terroriste se réfèrent en effet à la déclaration de la Haute commission électorale indépendante de l’Irak, qui rejette les fraudes électorales et souligne que le résultat du dépouillement manuel des bulletins de vote est pleinement conforme aux résultats obtenus à l’issue du comptage électronique. La tentative d’assassinat permet donc aux partisans d’al-Kazemi d’approuver les résultats des élections législatives pour former une nouvelle coalition au pouvoir avec le soutien du Parlement et loin de l'influence des forces de Résistance.
Pour Atwan la tentative d’assassinat ratée de Mustafa al-Kazemi pourrait faire partie des plans des États-Unis qui cherchent à éradiquer à tout prix les Unités de mobilisation populaire irakiennes (Hachd al-Chaabi) qui sont l’un des principaux alliés de la Résistance ; et ce, par crainte que l’expérience du Hezbollah au Liban ne se reproduise en Irak ; d’où le recours aux opérations d’assassinat par Washington.
Autrement dit, Washington ne tolère point l’influence des alliés de la Résistance qui ont mené des attaques contre la base militaire américaine Aïn al-Asad et font pression sur le gouvernement irakien pour la mise en œuvre de la résolution du Parlement qui stipule l’expulsion de toutes les forces étrangères du pays. Par contre, Washington soutiendrait la formation d’une nouvelle coalition entre trois partis qui ont remporté la majorité des sièges au Parlement irakien à savoir, le courant sadriste, le parti Taqadom de l'ancien président du Parlement Mohammad al-Halboussi et le parti de Massoud Barzani, a noté Atwan en arguant que les Hachd al-Chaabi sont le plus grand obstacle à l’accession au pourvoir d’une telle faction et par conséquent au maintien de Mustafa al-Kazemi.
Et à Atwan de poursuivre que ceux qui tentent d’imputer la tentative d’assassinat aux groupes proches de la Résistance dont les Hachd al- Chaabi, en particulier, les médias saoudiens comme Al-Arabiya, trouveront une réponse écrasante dans les propos de Cheikh Qais al-Khazali, secrétaire général du mouvement Asaeb Ahl al-Haq, qui a déclaré : « Personne ne veut assassiner un Premier ministre dont le mandat est terminé, et quiconque voudrait l'assassiner n'utiliserait pas de drone, car il existe des moyens moins coûteux et plus efficaces pour cibler quelqu'un, si voulions le faire un jour... », tout en avertissant que le sang versé des martyres de la zone verte ne sera pas perdu.
Al-Kazemi a commis une erreur politique en accusant des groupes armés d'avoir cherché à l'assassiner, estime Atwan en ajoutant que le Premier ministre irakien est susceptible de commettre une erreur similaire en ignorant le pouvoir de ses opposants dont les Hachad al-Chaabi. Al-Kazemi, poursuit-il, s’imagine que les Etats-Unis sont son principal soutien et il est loin de se rendre compte que toute tentative de désarmer les Hachd al-Chaabi signifie une déclaration de guerre à la Résistance pour entraîner l’Irak dans le chaos et la guerre civile.
L’opération d’assassinat du Premier ministre irakien, qu’elle soit vraie ou mise en scène, est un crime condamnable qui pourrait conduire à une explosion, a souligné Atwan avant de se référer aux observateurs pour conclure que Washington et al-Kazemi font un pari qu’ils ont peu de chance de gagner.