TV

Afghanistan: que compte faire un partenariat Iran-Chine-Russie?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie, Nikolaï Patrouchev (G), et son homologue iranien, le contre-amiral Ali Chamkhani (D), lors d'une conférence sur la sécurité régionale, décembre 2019 à Téhéran. ©ISNA

Et si c'était un piège monté où est tombé de tête l'Amérique? La débandade US en Afghanistan a provoqué un séisme dans le camp US/OTAN et alliés en Asie centrale. Parmi les trois parties qui bénéficieraient de ce retrait il y en a une qui a l'air d'être plus apaisée que les deux autres. Cette partie suit d'ailleurs et depuis longtemps une "politique afghane" parsemée de rencontre officielle et officieuse avec les talibans qui n'ont jamais été du goût des délégations US à Doha. 24 heures après la chute de la capitale, Mark Milley, chef d'état-major US promet une nouvelle flambée de terroristes dans la région mais cette partie sait que Milely ment : la guerre par procuration US en Asie centrale a vécu, Daech ayant échoué en 2018 et re-échoué en 2020 en Irak et en Syrie. Mais quelle est cette partie, qui a été la première à se déclarer solidaire du choix du peuple afghan? L'Iran. La débandade US en Afghanistan est-elle un coup monté de la Résistance auquel a adhéré la Chine puis la Russie?

La Russie et la Chine calibrent leurs calculs pour forger un partenariat stratégique encore plus étroit mais tout compte fait il leur semble que rien ne peut sans l'Iran. La lettre très significative du président chinois à Raïssi, médiatisée simultanément avec la chute de Kaboul, a suscité de nombreuses questions. Pékin sera en harmonie avec la stratégie régionale russe et cette stratégie se superpose parfaitement à celle de la Résistance. Certains iraient même jusqu'à dire que la Chine et la Russie s'adaptent à la stratégie gagnante de l'axe de la Résistance qui depuis 2020 ne fait que faire tomber des pans entiers du mythe de la superpuissance US en Irak, en Syrie, au Yémen, dans le golfe Persique, mais aussi en Afghanistan. Car il y a quelques chose de très " Résistantiel" dans cette manière de faire des "Talib" qui ont repris la capitale avec 1000 hommes face à une Amérique qui prétendait avoir formé une Armée "afghane" ultra- sophistiquée composée de 300 000 hommes. 

Pour la Chine et la Russie, le lien avec la Résistance est un atout nécessaire voire vital maintenant que l'Afghanistan est affranchi du poids US. La coordination de cette triade a un impact sur la stabilisation de la situation en Afghanistan. Mais il y a plus; l'axe sino-russe craint une implantation US en  Asie centrale et cette crainte ne saura affranchie qu'à la faveur d'une étroite coopération avec la Résistance. L’adhésion de l’Iran à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) est d’ores et déjà considérée comme un grand pas en avant vers ce partenariat stratégique, surtout que l'OSC ne pourrait se confiner éternellement à son aspect d’économique et n'a d'autre choix que devenir aussi militaire pour contrer l'OTAN. 

Il y a une semaine, Moscou a fait savoir Téhéran que l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) est parvenue à un consensus sur l’admission de l’Iran en tant que membre à part entière du groupement. Le secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie, Nikolaï Patrouchev, a communiqué cette nouvelle lors d’un appel avec son homologue iranien, le contre-amiral Ali Chamkhani. Plus tard, M. Chamkhani a indiqué sur Twitter que Patrouchev et lui avaient également discuté de la situation en Afghanistan, en Syrie et dans le golfe Persique. De manière significative, l’appel téléphonique de Patrouchev marque la première communication stratégique de haut niveau entre Moscou et Téhéran depuis l’investiture d’Ebrahim Raïssi en tant que le nouveau président iranien. L’appel téléphonique de Patrouchev a abordé les domaines clés dans lesquels la Russie et l’Iran travaillent ensemble, à savoir, la Syrie, l’Afghanistan et le golfe Persique. Vu la composition de l’équipe de sécurité nationale proposée par Raïssi, la politique étrangère de l’Iran va dans le sens d’un renforcement du partenariat stratégique avec la Russie.

Au fait, le candidat au poste de ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a ouvertement déclaré plus d’une fois que l’Iran devait donner la priorité aux relations avec les pays de « l’Est », comme en témoignent les remarques suivantes faites en février : « Comme l’a répété le Leader de la Révolution islamique, dans notre politique étrangère, nous devons préférer l’Est à l’Ouest et les pays voisins aux pays lointains afin de préserver les intérêts nationaux de notre pays. L’établissement de relations avec les pays qui ont des intérêts communs avec nous est préférable aux relations avec ceux dont les intérêts pourraient même entrer en conflit avec les nôtres.  Le XXIe siècle est le siècle de l’Asie. La République islamique a toujours prêté attention à l’Asie. Il existe de nombreuses capacités importantes et encore inexploitées dans les pays asiatiques tels que la Russie, la Chine, l’Inde, la Malaisie, l’Indonésie et les pays du sous-continent avec lesquels nous avons des intérêts communs. Quelle que soit la décision prise à la Maison Blanche, elle ne changera en rien les perspectives de la République islamique en matière de préservation, de renforcement et de développement des relations stratégiques avec Moscou et Pékin et ses perspectives à long terme vers l’Asie. » 

Or ce sont les déclarations qui doivent être juxtaposées à la détérioration des relations entre les États-Unis et la Russie. Les espoirs naissants d’un nouveau départ dans les relations russo-américaines s’estompent à Moscou. Biden ne dispose pas du capital politique nécessaire pour surmonter l’animosité anti-russe bien ancrée aux États-Unis. La Chine sent probablement aussi la dérive de la politique américaine, elle qui est constamment poussée à l'offensive en mer de Chine, pour cause des provocations US. 

Le président russe a déclaré jeudi 12 août qu'« il est impossible de résoudre efficacement un certain nombre de problèmes dans ce domaine tout seul et que la Russie devra joindre ses efforts à ceux de ses partenaires afin d’assurer également sa propre sécurité ». Or c'est là la stratégie de la Résistance et ce, depuis des années. La Chine et l’Iran semblent ainsi être au cœur des préoccupations de Poutine. La Russie et la Chine calibrent leurs calculs pour forger un partenariat stratégique encore plus étroit qui ne serait complet qu'avec l'Iran. Les exercices militaires massifs Chine-Russie, qui se sont achevés vendredi, et qui étaient les toutes premières manœuvres opérationnelles et stratégiques entre les deux pays laissant la place à une force combinée contre les États-Unis qui ratera tout face-à-face si l'acteur "Résistentiel" lui manque. Le commandant en chef de l'aérospatiale du CGRI, Hajizadeh, résumait à peu près ainsi cette inévitable nécessité en ces termes dans le cadre de l'affaire Mercer Street : "Les États- Unis et leurs alliés sont parfaitement conscients de nos capacités dans le golfe Persique et au-delà. ils savent que nous avons la force de les frapper, mais aussi et encore la volonté de le faire." Ce dernier point manque souvent à la Russie et à la Chine qui croient encore qu'un Empire agonisant pourrait se permettre un rapport de force basé sur la dissuasion. 

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV