Cela ne relève pas de la rationalité politique que le président turc Recep Tayyip Erdogan tourne le dos aux gouvernements syrien et irakien alors que les élections présidentielles et législatives auront lieu dans presque deux semaines, des élections qui s’annoncent décisives pour la Turquie, et surtout pour le président en personne et pour l’AKP, le parti au pouvoir.
Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du quotidien en ligne Rai al-Youm, a examiné, ce dimanche 10 juin, les dernières évolutions du nord de l’Irak et la décision d’Ankara de bloquer l’accès à l’eau.
« Il est déplorable de voir des Irakiens traverser le Tigre à pied après que la Turquie a décidé de diminuer de 50 % l’accès des Irakiens à l’eau en vue de remplir son barrage d’Ilisu. Le gouvernement turc en a déjà fini avec le nord-est de la Syrie en parvenant à un accord avec le chef du Pentagone James Mattis. Cet accord prévoit la mise en place de patrouilles communes américano-turques dans la ville de Manbij. Maintenant, Erdogan a plus de temps pour se focaliser sur le nord de l’Irak. L’armée turque a déjà expédié des contingents dans le nord de l’Irak et les responsables turcs ont fait part d’une série d’attaques visant les bastions du PKK à Sinjar, à Qandil, voire à Makhmur, au sud de Mossoul. Lors d’un entretien télévisé, retransmis ce vendredi 8 juin, le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé de lancer bientôt cette offensive militaire. »
Abdel Bari Atwan a ajouté qu’une agression contre le Nord irakien et la réduction de l’eau du Tigre seraient difficilement acceptées par le gouvernement et le peuple irakiens. Selon le célèbre analyste du monde arabe, « ces deux mesures attiseront les sentiments antiturcs du peuple irakien ».
Atwan a ensuite apprécié la décision de Recep Tayyip Erdogan d’ordonner la fin de l’accumulation d’eau dans le barrage d’Ilisu, ce qui permettra une nouvelle crue du Tigre.
« Le déploiement des forces de l’armée turque dans le nord de l’Irak dans l’objectif annoncé de mettre fin aux activités des bandes affiliées au PKK constitue une violation flagrante de la souveraineté de Bagdad, qui n’y a jamais donné son feu vert », a expliqué M. Atwan.
L’analyste a déclaré que la Turquie faisait face à plusieurs défis venant de toutes parts, et que pour pouvoir y survivre, elle avait besoin d’alliés.
« Le président Erdogan ne peut pas se passer des Syriens et des Irakiens. Il devra donc respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de leurs pays et éviter toute mesure pouvant affecter le niveau des eaux du Tigre et de l’Euphrate. »
Le rédacteur en chef de Rai al-Youm a conclu que cette solution serait la seule en mesure d’apaiser les tensions et d’empêcher la dégradation des relations historiques qu’entretiennent les Turcs avec leurs voisins syriens et irakiens.