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Que cherche le roi jordanien en Russie?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le président russe, Vladimir Poutine (G) et le roi de Jordanie, Abdallah II. ©Sputnik/Archives

S'appuyant sur une politique de réalisme, Amman s'est finalement rendu compte que la question du “changement de régime” en Syrie est écartée et qu'il n'y a pas d'autre moyen que de s'engager avec Damas pour compenser les dommages causés à la Jordanie en raison d’avoir suivi la politique de Washington dans cette affaire.

Dans un communiqué publié le vendredi 20 août, le Kremlin a annoncé que le président russe accueillerait le roi Abdallah II de Jordanie lundi (aujourd'hui) à Moscou. Au menu: le dossier syrien et les préoccupations d’Aman pour réformer sa politique étrangère envers Damas afin d'éviter de nouvelles pertes, d’après le site Web Arabi 21.

Un mouvement diplomatique continu a récemment commencé sous la direction de la Jordanie, l'une des questions les plus importantes étant la question syrienne: le Royaume de Jordanie, en coopération avec l'Égypte et certains pays du golfe Persique, cherche à reconstruire la Syrie et à la réintégrer dans la Ligue arabe”, peut-on lire dans une note signée Mohammed al-Arsan publiée par Arabi 21.

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Mobilisation diplomatique

Après que le ministère jordanien du Plan et de la Coopération internationale a annoncé qu'il avait besoin de 2,4 millions de dollars pour financer une réponse à la crise syrienne cette année, la Jordanie, qui, selon les chiffres du gouvernement, abrite 1,3 million de réfugiés syriens, tente de jeter une pierre dans l'eau stagnante du dossier syrien pour faire bouger les choses.

D'anciens responsables et experts politiques jordaniens ont déclaré à Arabi 21 que le tournant politique du gouvernement jordanien par rapport à Damas est dû à la situation actuelle et l'équilibre des pouvoirs sur le sol syrien: le Royaume de Jordanie est donc en quête de ses propres intérêts économiques dans l'ombre de la crise économique étouffante qui s'est abattue sur le pays.

"Il est dans l'intérêt de la Jordanie d'ouvrir ses bras à la Syrie", a déclaré Mamdouh al-Abadi, ancien vice-Premier ministre jordanien en soulignant que la fermeture de la frontière avec la Syrie était un "coup économique" pour la Jordanie.

"Notre position précédente a nui à la Jordanie, le pays a été assiégé, surtout économiquement, par la fermeture de ses frontières et l'importation de marchandises plus chères en raison de la récente augmentation des frais de transport”, a-t-il affirmé.

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Ouverture d’une nouvelle page dans les relations Amman-Damas

Les relations entre la Jordanie et la Syrie se sont détériorées en 2011, suite au déclenchement des conflits en Syrie. Damas a accusé Amman d'entraîner et d'armer des combattants et de faciliter le passage des forces terroristes. D’où la rupture des relations officielles entre les deux pays conduisant à l’expulsion de l'ambassadeur syrien d’Amman.

Ayant implicitement appelé à la destitution du président syrien Bachar al-Assad dans une interview au Washington Post en 2017, Abdullah II a fait marche arrière en juillet dernier; déclarant dans une interview à CNN que Bachar al-Assad et son gouvernement resteront longtemps en Syrie, il a appelé à un dialogue coordonné avec les responsables de Damas.

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Cité par The Independent, le Premier ministre jordanien Bisher al-Khasawneh a souligné, dans la foulée, le rôle jordano-égyptien dans la réunification de la Syrie avec la Ligue arabe et le retour du siège syrien en affirmant : “La Jordanie travaille avec l'Égypte et d'autres pays amis et frères pour ramener la Syrie à sa place dans la Ligue arabe car, cette absence n'est pas constructive ici, un régime officiel arabe [ligue arabe] peut créer un havre de paix pour de meilleures initiatives et un dialogue avec les Syriens en leur rendant leur siège au sein de la Ligue arabe”.

"De nombreuses questions importantes peuvent être discutées avec les frères syriens à travers cette union, dont la plus importante est le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leur patrie”, a-t-il ajouté.

Dossier syrien et la rencontre du roi de Jordanie avec Poutine

“La question syrienne sera évoquée lors de la visite du roi de Jordanie en Russie”, a affirmé l'ancien ministre d'État aux médias Samih al-Maaitah en rappelant : “Lors de sa visite à Washington, le roi jordanien a cherché à renforcer la position de la Jordanie sur l'affaire et a tenté de persuader l’administration américaine qu'en plus de trouver une solution politique à la crise syrienne, elle devrait s’engager [avec Damas].”

Et lui d’indiquer que la décision de la Jordanie est basée sur le fait que le gouvernement de Bachar al-Assad s’est imposée sur le terrain militairement et politiquement aux dépens des forces d'opposition. Selon lui, la Jordanie, comme certains autres pays arabes, dont l'Egypte, pense que la Syrie devrait revenir dans la Ligue arabe, estimant que le retour de la Syrie à la Ligue arabe est avant tout dans l’intérêt politique et économique de la Jordanie.

Or, cette prise de position intervient sur fond des préoccupations de la Jordanie par rapport à la situation sécuritaire à Deraa où les affrontements armés opposent les forces de l’armée syrienne et les terroristes, en dépit des accords de compromis entre le gouvernement syrien et les factions de l’opposition signés sous supervision russo-jordanienne.

Reste à savoir quelles sont les motivations les plus importantes d'Aman pour se tourner vers Damas ?

"La Jordanie appelle à une solution politique à la crise depuis le début de la crise syrienne, bien qu'elle y ait été indirectement impliquée en raison de pressions", a déclaré Khaled al-Shenikat, ancien président de l'Association jordanienne de science politique et professeur d’université.

“Aujourd'hui, après l'intervention russe, la question a pris fin en faveur du gouvernement syrien et des changements concrets ont eu lieu. La Russie est la clé de cette affaire et c’est elle qui mène le jeu. S'appuyant sur une politique de réalisme, la Jordanie s'est rendu compte que la question du changement de “régime” en Syrie est obsolète et n’est plus d’actualité, compte tenu de la domination quasi-complète du gouvernement [de Bachar al-Assad] sur toute la Syrie, à l'exception de quelques petites zones”, a-t-il affirmé.

En allusion aux pertes causées à la Jordanie par la crise en Syrie, il a souligné : “La Jordanie fait pression pour que le problème soit résolu pacifiquement.”

Quant au retour de la Syrie dans la Ligue arabe, il a expliqué : "Ce sujet a été soulevé et je pense que les pays du golfe Persique ne s'y opposent plus. Mais je pense que cette question sera résolue dans un accord global, y compris le règlement de la question de la présence de [paramilitaires] armés près de la frontière jordanienne."

Sur le plan économique, al-Shenikat affirme que la reprise du commerce avec la Syrie via les frontalières est dans l'intérêt de la Jordanie, de même que la Jordanie ne peut fournir l'électricité dont le Liban a besoin, sans l’aval de la Syrie et la communication avec elle.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV