Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview exclusive au Figaro. Aux questions précises du journal français sur les relations avec la France, la situation interne en Algérie, la crise avec le Maroc, la guerre en Ukraine ou encore la situation au Sahel, le président algérien a répondu sans prendre des chemins détournés.
Au sujet de la crise avec le Maroc, Abdelmadjid Tebboune a réitéré que « c’est le régime marocain qui cause des problèmes, pas le peuple marocain » dont 80 000 ressortissants vivent en Algérie « en bonne intelligence ». D’ailleurs, il affirme avoir applaudi le parcours en Coupe du monde de l’équipe du Maroc qui a honoré le football arabe et maghrébin, tout comme les Marocains avaient soutenu l’Algérie à la CAN 2019.
Sur les médiations entre les deux pays, M. Tebboune s’est de nouveau montré catégorique : « Aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous. » Mentionnant « l’annexion du Sahara occidental par le Maroc », le chef de l’État algérien a confié à son interlocuteur français qu’« il serait bon que l’ONU ne condamne pas uniquement les annexions qui ont lieu en Europe. Qu’en est-il des annexions du Golan par Israël ou du Sahara occidental par le Maroc ».
« C’est pour cette raison que vous avez rompu tout contact avec le Maroc ? », s’interroge-t-on du côté du Figaro. « Pas pour cette seule raison. C’est une accumulation de problèmes depuis 1963 et l’agression des forces spéciales marocaines pour prendre une partie de notre territoire dans l’extrême sud qui expliquent cette rupture », souligne Tebboune. Il ajoute par ailleurs : « Nous avons rompu pour ne pas faire la guerre, et aucun pays ne peut se poser en médiateur entre nous », déclare-t-il.
Interrogé sur les relations avec la Russie, M. Tebboune a révélé qu’il se déplacera en 2023 à Moscou et indiqué qu’il n’approuve pas et ne condamne pas l’opération russe en Ukraine.
Pour Abdelmadjid Tebboune, les relations entre la France et l’Algérie ont besoin, pour s’apaiser, que la France se libère de son complexe de colonisateur et l’Algérie de son complexe de colonisé, soulignant que le regard envers l’Algérie doit changer, car le pays est très différent de ce qu’il était en 1962.
Sur le retour à la normale dans la délivrance des visas, annoncée récemment par le ministre français de l’Intérieur, le président Tebboune a estimé que « c’est simplement dans la logique des choses », soulignant que la mobilité entre les deux pays est régie par les Accords d’Évian et ceux de 1968.
La place de la langue française en Algérie a été aussi abordée. Le président de la République algérienne a d’abord nié tout recul de cette langue, puisque 27 millions d’Algériens la parlent contre seulement 900 000 en 1962. Mais, souligne-t-il, l’Algérie ne s’est pas libérée pour faire partie d’un « Commonwealth linguistique » et que, du reste, « l’anglais a la cote, car c’est une langue universelle ».
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Pour mémoire, la question du sort du Sahara occidental reste la différence historique la plus importante entre l’Algérie et le Maroc. L’Algérie se dit favorable à la tenue d’un référendum au Sahara occidental dans le cadre des résolutions des Nations unies et du plan « James Baker », ex-représentant spécial du secrétaire général de cette organisation, mais le Maroc considère le Sahara comme faisant partie de son territoire. Le Sahara occidental a obtenu son indépendance après le départ des colonialistes espagnols en 1976, et le Front Polisario a pris le contrôle de cette région géostratégique.
Après le retrait de l’Espagne du Sahara occidental, le gouvernement marocain de l’époque a tenté d’annexer cette région géostratégique ainsi que la Mauritanie à son territoire. D’autre part, les acteurs politiques algériens de l’époque ont également aidé le gouvernement mauritanien à défendre son intégrité territoriale et sa souveraineté contre le Maroc, ce qui a rendu plus intenses les différends entre Rabat et Alger.