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La Turquie négocie sa débandade à Idlib

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des terroristes sont transférés à l'aide de la Turquie, depuis Idlib en Syrie vers l'Ukraine, pour combattre l'armée russe. ©Fars News

Le journal turc Hürriyet a affirmé avoir pu accéder à des informations selon lesquelles Ankara s’apprête à établir un dialogue avec la Syrie.

Dans le processus qui semble commencer aujourd’hui pour essayer de mettre fin au conflit en Ukraine, Hürriyet voit une nouvelle opportunité censée ouvrir un nouveau chapitre dans les relations Ankara-Damas.

« Vu le rôle qu’elle a assumé au cours de ces derniers mois, en rapport notamment avec la guerre de l’Ukraine, un dossier sur lequel la Russie semble totalement se focaliser, la Turquie se croit capable de créer une bonne opportunité pour résoudre la question syrienne. Certaines sources en Turquie estiment que la politique d’équilibriste d’Ankara est d’une grande importance pour beaucoup de pays surtout les Européens. Un règlement de la crise syrienne, avec la contribution de la Turquie, impactera sans doute beaucoup d’autres dossiers liés à la politique étrangère d’Ankara, disent certaines sources en Turquie. »

En relatant ces sources, le journal Hürriyet ajoute : « Cette politique “réconciliatrice” pourrait aboutir à des pas dans le sens de l’ouverture envers l’Arménie, Israël et la Syrie ; en parlant de l’Égypte, le renouement prendrait en peu plus de temps. (…) Une opportunité existe actuellement pour une amélioration des relations Ankara-Damas. En principe, plus la Turquie essaie de se rapprocher de la Syrie, plus la Russie s’ingère pour empêcher qu’un climat positif s’installe entre les deux pays ; ce qui signifie que la concentration de Moscou sur les opérations en Ukraine, à quoi s’ajoute la pression des réactions mondiales et des problèmes internes touchant la Russie, fournit à Ankara une occasion en or pour renouer avec Damas. »

D’après les sources susmentionnées, « les concertations ayant lieu à Ankara au sujet du rapprochement avec Damas tournent autour de trois axes principaux : l’intégrité territoriale de la Syrie doit être préservée ; la structure homogène de ce pays doit elle aussi être maintenue et les réfugiés syriens devront pouvoir bénéficier d’un rapatriement en toute sécurité ».   

Bien que les points évoqués par Hürriyet restent assez vagues, le journal rappelle que les soucis de préserver l’intégrité territoriale et la structure homogène de la Syrie ne seraient pas sans rapport avec les agissements du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur le territoire syrien, notamment dans la région kurde de Rojava dans le Nord-Est syrien.  

Le journal Hürriyet estime probable qu’un signal en faveur du rapprochement a été transmis au président syrien Bachar al-Assad avant sa récente visite aux Émirats arabes unis. « Cette visite même montre que le président Assad est à la recherche de nouvelles voies et de nouvelles initiatives pour résoudre la crise syrienne et sur ce fond, s’il est établi que la voie “émiratie” soit privilégiée, là aussi la Turquie pourra tenter de changer la donne en sa propre faveur », poursuit Hürriyet.

Quoi qu’il en soit, le lecteur averti regarde d’un œil dubitatif cette grande empathie turque, d’autant plus que sur le terrain, on n’est pas en manque d’évidences prouvant que la Turquie n’a jamais abandonné son jeu trouble envers le voisin syrien. C’est vrai que la crise en Ukraine fournit à Ankara une opportunité de s’activer dans le dossier syrien, mais pas forcément pour aider à résoudre les problèmes du peuple syrien. À peine quelques jours après l’éclatement du conflit en Ukraine, les agences de presse russes faisaient part de l’arrivée des paramilitaires et terroristes étrangers depuis Idlib en Syrie vers l’Ukraine. Les ex-insurgés soutenus par Ankara combattent actuellement l’armée russe en Ukraine, mais ce n’est pas tout.

La partie majeure des réserves de pétrole syriennes est répandue sur l’Est ou plutôt le Nord-Est syrien, où les Forces démocratiques syriennes, ont confié aux Israéliens l’exploitation des puits de pétrole dans les zones sous leur contrôle. Et dans ce processus de pillage et de trafic de pétrole, c’est la Turquie, contradictoirement préoccupée par le maintien de l’intégrité territoriale de la Syrie, qui se charge de faire sortir du pétrole volé du territoire syrien ! Alors que les États-Unis semblent ne pas rater la moindre occasion de nuire à la Russie, à travers des agissements suspects ici et là qui risquent de s’oublier à l’ombre des événements en Ukraine, y compris une tentative d’assassinat ratée contre le président kazakh ou encore une grande explosion dans une boîte de nuit à Bakou, il serait simpliste de croire aux allégations de cette Turquie équilibriste d’Erdogan qui n’a jamais été insensible aux exigences de Washington dans les dossiers régionaux. Pourquoi doit-on donc croire que les signes de rapprochement turcs transmis à Damas à la faveur de la crise en Ukraine seraient bienveillants ?

Toujours est-il qu’après le commencement des opérations spéciales russes en Ukraine, les États-Unis ont alloué un budget gigantesque à l’appui financier aux FDS en Syrie pour l’année 2023. De même, le 7 mars, le site Web Al-Monitor écrivait que « l’administration Biden devrait annoncer cette semaine que les zones contrôlées par les Kurdes et “l’opposition” en Syrie seront exemptées des sanctions adoptées contre le régime du président syrien Bachar al-Assad… Les dérogations à la loi César seront formellement relayées par Ethan Goodrich, le sous-secrétaire d’État adjoint aux affaires du Proche-Orient qui couvre le dossier syrien », ont indiqué les sources.

Les actions américaines en Syrie qui certes ne sont pas sans rapport avec les opérations militaires russes en Ukraine, à savoir, les agissements visant à perturber le dialogue entre les insurgés et Damas, ainsi que le renforcement des paramilitaires séparatistes FDS sur le terrain et en tant que force politique aux réunions du Comité de rédaction de la nouvelle Constitution, vont sans nul doute faire durer la guerre imposée à la Syrie depuis 2011 et y apportera des conséquences militaires et sécuritaires graves. Et la Turquie qui continue à se faire instrumentaliser par le maître américain…

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SOURCE: FRENCH PRESS TV