Peu d'analystes se sont penchés ce mardi sur ce curieux message du président azéri Aliev à l'adresse de Biden où le premier rendait hommage au second pour avoir présenté ses vœux aux nations fêtant le Norouz! Le motif parait évidemment curieux, mais à lire le contenu du message d'Aliev on comprend mieux le sens intimement anti russe de la manœuvre : « Aujourd'hui, la République d'Azerbaïdjan est un État qui poursuit des politiques indépendantes fondées sur la volonté et les intérêts de son peuple. La libération des terres historiques de l'Azerbaïdjan a mis fin à près de 30 ans d'agression militaire de l'Arménie contre l'Azerbaïdjan, alors que notre pays lui-même mettait en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU qui étaient restées sur papier pendant près de 30 ans. En tant que partisans de la paix, nous sommes prêts à lancer des négociations sur un traité de paix avec l'Arménie sur la base des principes fondamentaux du droit international, tels que l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'inviolabilité des frontières internationalement reconnues de notre pays. Nous espérons que les États-Unis soutiendront le programme de paix de l'Azerbaïdjan fondé sur une vision d'avenir".
Et de remercier Joseph Biden pour sa lettre de félicitations et ses aimables paroles à l'occasion de Norouz puis d'ajouter : « Des travaux de restauration et de reconstruction post-conflit sont actuellement en cours sur nos terres libérées. Nous serions ravis de voir également des entreprises américaines impliquées dans ce processus. Je crois qu'en tant qu'amis et partenaires, nous continuerons à faire des efforts conjoints pour développer davantage notre coopération avec un potentiel significatif dans tous les domaines pour le bien des intérêts de nos pays et le bien-être de nos peuples."
Plus d'un analyste estime que c'est Erdogan qui parle là à travers la voix d'Aliev quitte à s'attirer les faveurs de Washington qui ne semble pas être pleinement satisfait de ce que fait Ankara en Ukraine. Et pourtant le Sultan y met beaucoup du sien, faisant à la fois comme en Syrie la tache de trafiquant d'homme et d'arme. A vrai dire après le choc du livre qui l'a poussé à se jeter dans les bras d'Israël, le Sultan se trouve, en dépit de moult services rendus aux USA sur la pente raide.
Cette semaine, le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu, après une visite dans la capitale russe, s'est rendu à Lviv, où il s'est entretenu avec son homologue ukrainien Dmitry Kuleba. Puis à son tour, Erdogan, lors d'une conversation téléphonique avec Poutine, a suggéré de tenir des entretiens avec le président ukrainien Vladimir Zelensky à Ankara ou à Istanbul. Dans le même temps, la partie turque, sans rendre compte des détails des négociations, parle de "nouvelles chances d'un cessez-le-feu en Ukraine". « Un accord de paix est possible. Maintenant, la seule question est de savoir quand et comment cela sera réalisé », a même déclaré le représentant du président turc, Ibrahim Kalin. Disons qu'Ankara essaie simultanément de jouer sur deux tableaux.
Dans une interview au New York Times, le conseiller d'Erdogan a appelé l'Occident à "entendre le cas de la Russie, car après la crise ukrainienne, une nouvelle architecture de sécurité devrait être établie entre la Russie et le bloc occidental". Et si seulement, comme le pense Cavusoglu, le MAE turc Moscou accepte l'offre de Kiev d'accepter la Turquie comme l'un des garants de la sécurité de l'Ukraine, Ankara peut s'attendre à recevoir un « rôle » dans la nouvelle architecture de sécurité proposée. Certes, la Russie ne désavoue pas ces efforts de la Turquie et l'a même salué par la voix de Sergueï Lavrov qui a déclaré que "Moscou apprécie les efforts d'Ankara pour résoudre la crise en Ukraine, tout en ajoutant un " bien que les positions de la Russie et de la Turquie sur cette question ne coïncident pas". Au fait bien au contraire du cas idlibin où la Russie a voulu bien croire Erdogan, en Ukraine c'est une méfiance totale que Moscou affiche à l’encontre des Turcs. La Turquie est loin de s'engager en Ukraine dans une pure charité de maintien de la paix loin s'en faut et son rôle de trafiquant est connu des Russes. La question est dès lors la suivante : jusqu'où pourrait-elle tirer à hue et à hia ou autrement, en Ukraine le Sultan saura-t-il faire la maligne faire lme m^me coup qu'à Idlib en ayant le pied entre deux mondes?
À cet égard, des experts proches du gouvernement turc estiment que si Moscou réussit en Ukraine, "il est peu probable que le pays reste sous la forme dans laquelle il existe", et soutiennent que la diplomatie turque, dans les contacts avec Moscou et Kiev, est essayant de réaliser le scénario de la neutralité ukrainienne "à la suédoise". Peut-être, mais il y a une partie qui n’apprécie guère ce somnambulisme et qui n'a du tout la patience russe. laquelle? les États-Unis. La tentative déterminée de la Russie de restaurer sa dignité stratégique offre objectivement à la Turquie la même chance. Mais le problème est qu'il sera difficile pour Ankara d'adopter une "position équilibrée" concernant la crise ukrainienne pendant longtemps, car le collectif occidental ne laissera probablement pas le navire turc basculer sur les ondes diplomatiques de ce monde. La pression sur Erdogan s'intensifie. Le Pentagone a confirmé que Washington négociait avec Ankara pour envoyer des S-400 russes à Kiev en échange du retour de la Turquie au programme de chasse américain F-35 de cinquième génération et de la levée des sanctions. Une telle action est entreprise même si Ankara, en vertu de l'accord, n'a pas le droit de transférer le S-400 à un tiers sans le consentement de la Russie.
La discussion autour du S-400 démontre que ce sujet revient à l'ordre du jour des relations américano-turques à la lumière des événements en Ukraine et que la Maison Blanche menace d'inclure Erdogan "dans une liste unique de sanctions avec Poutine", pour le forcer à marcher sur le fil du rasoir. Erdogan tiendra-t-il longtemps le coup? Une chose est sure : son écroulement fera bien des heureux en Syrie, en Irak, en Libye et en Méditerranée où il n'a cessé de nuire aux peuples de la région.