L’annonce par l’Élysée d’une visite imminente d’Emmanuel Macron dans les monarchies du golfe Persique amène beaucoup d’économistes à croire que la France souhaite gagner le marché iranien par le biais des Émirats arabes unis afin de compenser ses préjudices économiques.
Le président français Emmanuel Macron entamera vendredi une tournée de deux jours dans la région du golfe Persique, au cours de laquelle il se rendra aux Émirats arabes unis, au Qatar et en Arabie saoudite. L'Elysée a annoncé mardi que cette tournée débouchera sur la signature de plusieurs contrats avec des entreprises françaises, a-t-on appris d’un article, publié jeudi sur le site web d’al-Jazeera.
Macron sera accompagné dans sa tournée par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la ministre des Armées, Florence Parly, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, en plus du ministre du Commerce extérieur, du ministre de la Culture et, des chefs de grandes entreprises françaises.
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L'agenda de Macron
Bien que la déclaration de l'Elysée soit brève et qu’elle ne fasse pas référence aux sujets les plus importants qui seront abordés lors de la tournée de Macron, les observateurs s'attendaient à ce que l'objectif de cette tournée soit de repositionner la France au niveau politique, diplomatique et stratégique et de renforcer ses relations économiques avec les pays de la région.
Améliorer l'image de la France
De son côté, Jean-Bernard Véron, expert stratégique en relations internationales, ancien directeur de la région Afrique et Moyen-Orient à l'Agence française de développement, estime que Macron cherche, par cette visite, à prouver la présence internationale et régionale de la France dans la région et de confirmer qu'elle reste toujours une force équilibrante dans le monde.
Il a ajouté à Al-Jazeera que Macron cherchait à ré-améliorer l'image de la France dans le golfe Persique et à jouer sur le côté commercial et économique et l'intérêt commun entre Paris et les pays de la région.
Il a indiqué que la France cherchait aussi à se redéployer et à se positionner politiquement, à essayer de jouer un rôle majeur au Moyen-Orient et à éviter de laisser des places à prendre aux concurrents (…).
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Jean-Bernard Véron a souligné que la présence de Florence Parly dans l’équipe présageait de l'importance de l'aspect militaire et sécuritaire de la tournée.
Il a souligné que ce déplacement visait à rendre le terrain propice à la signature des accords pour vendre des armes et des avions de guerre tels que le Rafale et des équipements militaires avancés, en particulier à l'Arabie saoudite qui cherche à développer ses capacités dans sa guerre au Yémen ; sans oublier aussi par l’occasion la signature d’accords avec les Émirats arabes unis malgré la forte concurrence américaine sur le marché.
Agenda économique
De son côté, l'économiste Daniel Melhem a rappelé que la France avait utilisé, tout au long de l’Histoire, ses relations politiques pour se positionner économiquement et stratégiquement dans la région du golfe Persique et « c'est ce qu'elle essaie de faire aujourd'hui ».
Melhem a déclaré à Al-Jazeera que la France était pratiquement à la recherche de nouveaux débouchés commerciaux et économiques dans la région du golfe Persique, d'autant plus qu'elle entretenait des relations approfondies avec les Émirats arabes unis, à travers lesquelles, elle cherchera à ouvrir une brèche avec les États arabes du golfe Persique.
« Nous savons pratiquement que les monarchies arabes ont deux principaux alliés et partenaires commerciaux, à savoir : les États-Unis et la Grande-Bretagne, en plus de l'entrée en jeu de la Chine ces dernières années grâce à d'énormes investissements. », a-t-il dit.
Pour Melhem, la France ne possède pas elle, les énormes potentiels dont disposent les États-Unis ou la Chine pour devenir un partenaire stratégique et essentiel des États arabes du golfe Persique. Ainsi, elle chercherait à compenser ses faiblesses et ses manques à gagner ici et là par une relation privilégiée avec Abou Dhabi.
L'économiste a également affirmé que « l'avantage économique que la France cherchait à obtenir passerait par la technologie, en particulier la technologie des transports et certains contrats d'armement, comme la vente de Rafales, de sous-marins et frégates qui caractérisent l'industrie française, même si [il faut le dire], les États-Unis empêchent [à ce jour] le transfert de ces technologies ».
Regard sur l'Iran
L'autre chose qui n'est pas annoncée à propos de cette visite, selon Melhem, c'est que Paris cherche à entrer sur le marché iranien après l'accord de Vienne, via le marché des Émirats arabes unis.
Concernant l'importance de la tournée de Macron pour relancer l'économie française et lui donner une forte dose dans les accords qui seront signés, notamment à la lumière de la récession que la France a connue en raison de la crise de Corona, Melhem a déclaré : « Je pense que la participation record de la France à Dubaï Expo avec 425 entreprises est un prélude à cette visite. »
Melhem a conclu qu'avec la difficulté de se positionner solidement sur le marché de l'armement dans le golfe Persique qui est contrôlé par les États-Unis et la Grande-Bretagne, Macron cherche à obtenir des accords dans le développement du marché des transports qui distingue la France du reste de ses concurrents, comme le développement de trains à grande vitesse reliant les pays du golfe Persique ainsi que des projets d'"énergies alternatives, propres et respectueuses de l'environnement comme l'éolien et le solaire".