À en juger la teneur du dernier communiqué du département d'État US sur les événements en cours en Irak, il semblerait que l'Amérique ait manqué sa cible en Irak : la CIA et sa base irakienne déguisée en ambassade s'étaient donné quelques jours pour en finir avec le gouvernement Mahdi, coupable d'avoir refusé de sanctionner l'Iran, d'avoir cherché à doter l'Iran d'une DCA souveraine, de s'être rapproché dangereusement avec la Russie et d'avoir signé des contrats de quelques milliards de dollars avec Pékin.
La tête de Mahdi est aussi mise à prix pour avoir rouvert le stratégique point de passage Qaem qui relie l'Irak à la Syrie et partant l'Iran à la Méditerranée. Mais la rue n'a pas vraiment suivi l'Amérique, d'où ce coup de colère anti diplomatique de Pompeo qui a accusé, vendredi, Bagdad d'avoir menti dans son enquête sur le nombre des victimes d'une semaine de manifestation en Irak, plaçant encore un peu plus les Américains dans une inconfortable posture. S'il est vrai que les médias dominants ont tout fait, ces derniers jours, pour faire déclencher une guerre chiito-chiite dans les provinces du sud, envoyant des éléments armés et cagoulés au milieu de la foule pour qu'ils tirent invariablement sur les forces de l'ordre et les manifestants, les sources irakiennes rapportent une nette recrudescence des violences dans les grandes villes. L'Amérique a péché par trop d’assurance en lui-même et en ses capacités à déstabiliser l'axe de la Résistance.
Trois événements tendent désormais à changer définitivement la donne en défaveur des Américains : l'Ayatollah Sistani, source d’imitation qui a très clairement dénoncé vendredi les ingérences US, mettant en garde les Américains. Un communiqué des Hachd qui se sont ligués sur la position des manifestants et soutenus leur droit à protester contre l'injustice sociale, tout en affirmant qu'ils combattraient quiconque voudrait porter atteinte à la sécurité nationale irakienne. Et the last but not the least, ce communiqué du chef de la fraction Al-Fath, seconde fraction majoritaire au Parlement dirigé par Hadi al-Ameri, lequel communiqué reconnaît effectivement que le régime parlementaire, à l'origine de la corruption et des ingérences les plus insanes des États Unis dans tous les secteurs stratégiques irakiens après l'invasion de 2003, est daté et qu'il faudrait que le régime parlementaire cède la place au régime présidentiel, et ce, suivant un référendum constitutionnel.
Indiquant que le système parlementaire a échoué en Irak, Hadi al-Ameri, commandant en chef des Hachd al-Chaabi a déclaré dans un communiqué publié dans la soirée du vendredi 1er novembre que la réforme de la Constitution reste la solution à la crise politique qui a frappé l’Irak. Mettant l’accent sur la nécessité d’effectuer des réformes et des changements fondamentaux dans la Constitution irakienne, Hadi al-Ameri affirme : « Le système parlementaire en Irak est à bout de souffle, il n’y a donc pas d’autre solution que de le transformer en un système à même de répondre aux besoins urgents du pays ».
Sous un régime parlementaire, le Premier ministre est le plus haut pouvoir exécutif en Irak, tandis que le poste présidentiel est largement honorifique. M. al-Ameri précise que les conseils municipaux et les gouverneurs font partie des organismes dont l’échec a été prouvé, tout en appelant à les abolir et à permettre au peuple d’élire directement le gouverneur. Et bien c'est là qu'al-Ameri, commandant en chef adjoint des Hachd botte la touche : ces instances que l'occupation américaine a fait accoucher aux forces d'un régime politique confessionnaliste offrent le terrain adéquate aux entreprises de soudoiement US, et ce, depuis des années. Sans ces instances, les Américains auraient diablement du mal à "corrompre" les autorités locales et à s'immiscer dans les prises de décisions étatiques en Irak.
Mais les États-Unis devraient s’inquiéter d'un régime présidentiel en Irak qui ne laissera sans doute pas en rade ces pactes et accords militaires, économiques et commerciaux très avantageux que le régime parlementaire a signés avec les Américains. Cet Irak-là, ne permettra pas non plus à l'OTAN, à la France et autre de bombarder le pays quand bon leur semble. Les prémices en sont déjà bien prévisibles dans la rue. Un mois d'efforts subversifs US, relayés non seulement par les médias saoudien, américain et israélien, mais aussi par des dizaines d'ONG pro-occidentales a fini par se solder en des cris de "mort à l’Amérique", "mort à Israël" poussés par les manifestants.
Rassemblés vendredi, le 1er novembre, sur la place Tahrir dans la capitale Bagdad, des centaines de manifestants ont ainsi piétiné et brûlé les drapeaux américains et israéliens en signe de protestation contre l’ingérence de Washington et de Tel-Aviv dans les affaires internes de l’Irak, a rapporté Fars News.
Soutenant les manifestations pacifiques, Ahmed al-Safi, représentant de l'Ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite en Irak, affirme que la Marjaiat s’oppose aux incendies et au pillage des biens publics et privés ainsi qu’à la propagation du chaos et à l’effusion de sang. Mettant en garde contre la guerre civile qui met en péril l’avenir de l’Irak, M. al-Safi a fait remarquer : « Personne ne peut s’emparer de la volonté du peuple irakien et lui imposer sa décision ».
Pour le reste, le gouvernement a déclenché sa première opération "main propre": La Commission pour la transparence a annoncé dans un communiqué avoir ordonné l’arrestation de 60 fonctionnaires et responsables locaux impliqués dans des dossiers de corruption. Ayant auparavant émis le mandat d’arrestation contre 38 anciens et actuels membres des conseils municipaux, la Commission pour la transparence a également émis des ordonnances à l’encontre d’un actuel et de deux anciens ministres ainsi que de cinq députés du Parlement. Pour la petite histoire, le ministre iranien de l'Énergie, en visite vendredi à Bagdad a officiellement inauguré la connexion des réseaux électriques Iran-Irak-Syrie. Les temps sont durs pour les Américains.