Les manœuvres militaires conjointes sino-russes se sont multipliées cette année et semblent devenir, selon les experts, un moyen à la disposition de Moscou et de Pékin de renforcer l’alliance stratégique et géopolitique des deux pays et une réponse commune des deux pays aux pressions accrues des États-Unis et de leurs alliés occidentaux.
Selon Interfax, ce mercredi près de 13000 militaires russes et chinois ont entamé une manœuvre conjointe dans la province chinoise du Xinjiang. Les exercices se poursuivront jusqu’au 13 août.
Plusieurs avions de combat russes Su-30 participeront aux exercices pendant lesquels les unités blindées, les chars d’assaut et l’artillerie de l’armée chinoise mèneront les opérations pour détruire les lieux de concentration de l’ennemi fictif.
Le journal russe Kommersant a rapporté mardi que pour la première fois, les militaires russes se serviront d’armements et d’équipements militaires chinois lors de ces exercices.
Les exercices militaires conjoints sino-russes s’avèrent être très importants pour Moscou et Pékin qui se trouvent sous les pressions croissantes des États-Unis et de leurs alliés occidentaux. La Russie et la Chine veulent montrer ainsi le niveau élevé du moral et de la confiance en soi de leurs forces armées et transmettre aussi un message important à leurs adversaires occidentaux : l’alliance sino-russe est inébranlable et il serait impossible pour l’Occident de tirer profit de certaines divergences qui existent naturellement entre Moscou et Pékin.
Vassili Kashin, directeur adjoint de l’École supérieure de l’économie à Moscou, a déclaré au journal Kommersant que les manœuvres conjointes sino-russes en 2021 seraient le point de départ d’une longue série d’exercices militaires conjoints des deux pays pendant les prochaines années. Il a souligné qu'une autre manœuvre aurait lieu au mois de septembre avec la participation des pays membres de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), et a rappelé que Moscou a décidé d’inviter les partenaires de l’OCS à prendre part aux prochains exercices militaires sino-russes.
Jusqu’en 2018, les armées russe et chinoise organisaient chaque année une seule manœuvre conjointe terrestre et/ou maritime, mais depuis le début de l’année en cours, les deux armées ont procédé à trois manœuvres conjointes avec une participation active chaque fois de leurs forces aériennes respectives.
D’après Vassili Kashin, le partenariat militaire sino-russe semble aller au-delà de leur tâche commune pour lutter contre le terrorisme et prend une allure stratégique et géopolitique très nette. Selon lui, ce processus pourrait se renforcer dans le sens d’une alliance entre Moscou et Pékin face à une présence de plus en plus menaçante des États-Unis et de leurs alliés de l’OTAN à la proximité des frontières russes et chinoises.
Alexandre Lomanov, directeur adjoint de l’Institut russe de l’économie mondiale et des relations internationales, affilié à l’Académie des sciences de la Russie, estime pour sa part que la tenue de plus en plus nombreuse de ces exercices militaires conjoints va manifestement au-delà des questions militaires et défensives. Il insiste, comme Vassili Kashin, sur la percée géopolitique de ces manœuvres vis-à-vis de l’Occident.
Cependant, nombreux sont les observateurs occidentaux qui mettent en doute la coopération militaire sino-russe. Ils misent sur les divergences de vues parfois profondes qui existent entre Moscou et Pékin et concluent que cela empêcherait les deux parties d’approfondir leur partenariat militaire et défensif sur une longue durée.
Alexandre Lomanov, directeur adjoint de l’Institut russe de l’économie mondiale et des relations internationales, a déclaré au Kommersant que Moscou et Pékin en sont parfaitement conscients et ils veulent donc donner une riposte ferme aux spéculations des analystes américains et occidentaux en leur transmettant un message clair : « Détrompez-vous ! Vous ne pourrez pas compter sur les divergences de vues entre la Russie et la Chine, car elles se sont bien alliées face à vos hostilités », a ajouté M. Lomanov.
Et enfin, Dmitri Maslyakov, directeur de l’Institut des études Asie-Pacifique, affiliée à l’Académie des Sciences de la Russie, a souligné que les États-Unis et leurs alliés occidentaux souhaitent désunir les Russes et les Chinois, tandis que leurs pressions sans relâches poussent paradoxalement Moscou et Pékin à renforcer leur alliance afin de trouver des moyens plus efficaces pour contrer les pressions occidentales et les menaces contre leurs sécurités nationales respectives.
Le ministère russe de la Défense a déclaré dans un communiqué que Moscou avait envoyé des unités de fusils motorisés, des avions de combat Sukhoi Su-30SM, et des systèmes de défense aérienne pour participer à l’exercice qui visait à lutter contre le terrorisme.
L’Associated Press a publié ce mardi un reportage sur l’exercice militaire conjoint sino-russe dans le nord-ouest de la Chine qualifiant cet exercice de « message à Washington ».
« Les forces militaires chinoises et russes mènent des exercices conjoints dans le nord-ouest de la Chine alors que les liens se renforcent entre les deux pays dans un contexte d’incertitude quant à l’instabilité en Afghanistan », indique le reportage.
Au cours de ces dernières années, les États-Unis et leurs alliés ont accusé à plusieurs reprises la Chine de répression systématique et généralisée de l’identité musulmane au Xinjiang, mais Pékin a nié avec véhémence ces allégations.
« La région du Xinjiang ne partage qu’une frontière étroite avec l’Afghanistan, mais Pékin redoute la menace que pourrait faire peser sur les frontières chinoises un chaos en Afghanistan si les talibans prenaient le contrôle du pays après le retrait des troupes américaines », a rapporté l’Associated Press.
Bien que la Russie et la Chine n’aient pas d’alliance militaire formelle, leur politique étrangère et leurs intérêts stratégiques ont connu une nette convergence ces dernières années en opposition à ceux des États-Unis et de leurs alliés.
L’exercice intervient alors que les deux pays ont qualifié la politique de l’administration Biden et le retrait des alliés occidentaux de Washington d’Afghanistan de « reconnaissance de l’échec des États-Unis ». Ils ont également mis en garde contre l’impact des troubles en Afghanistan, qui pourraient affecter la sécurité d’autres pays dans la région.
Selon les responsables de Pékin et de Moscou, le but de l’exercice est de renforcer des potentiels de planification pour des exercices et des opérations conjoints contre les actes terroristes et de démontrer la détermination et la capacité des deux pays à travailler ensemble pour assurer la sécurité et la stabilité régionales.
« L’exercice reflète la nouvelle hauteur du partenariat stratégique global de coordination pour une nouvelle ère entre la Chine et la Russie, ainsi que de la confiance mutuelle stratégique, les échanges pragmatiques et la coordination entre les deux pays », ont déclaré les responsables.