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Le monde unipolaire cher aux États-Unis n’est plus qu’un mirage

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le président iranien Ebrahim Raïssi s’adresse jeudi 24 août 2023 au 15e sommet des BRICS à Johannesburg. ©president.ir via The Guardian

Dans un monde multipolaire, la domination du dollar ne durera pas éternellement, estime l’expert économique Larry Elliott dans une note publiée le dimanche 27 août par le journal britannique The Guardian.

« Deux grandes réunions internationales ont eu lieu cette dernière semaine. Celle qui s’est tenue dans la station montagneuse Jackson Hole au cœur du massif des Rocheuses (Rockies) dans l’État de Wyoming aux États-Unis était une démonstration de l’emprise américaine sur l’économie mondiale. L’autre événement qui a eu lieu à Johannesburg en Afrique du Sud a démontré le défi lancé à l’Amérique par les principaux pays émergents. »

« Commençons par Jackson Hole, où Jerome Powell occupait le devant de la scène. Ce que le président de la Banque centrale américaine avait à dire sur les taux d’intérêt était clairement important pour les États-Unis, le message était que la bataille contre l’inflation n’était pas terminée et que de nouvelles hausses des taux d’intérêt étaient possibles », ajoute l’expert.

Larry Elliott estime cependant qu’en raison de la place du dollar comme principale monnaie de réserve mondiale, ce que Powell et ses collègues de la Réserve fédérale envisagent de faire dans les mois à venir, affectera la vie des gens bien au-delà des côtes américaines. « Les matières premières comme le pétrole sont évaluées en dollars. Les pays qui empruntent en dollars peuvent voir leurs remboursements s’envoler si la valeur de la monnaie américaine augmente. Les pays ayant un compte excédent utilisent leurs revenus pour acheter des bons du Trésor américain, permettant ainsi aux États-Unis de pouvoir arranger d’énormes déficits commerciaux et budgétaires. »

« Il n’y a rien de nouveau là-dedans. C’est ainsi que fonctionne le système financier international depuis la Seconde Guerre mondiale. Sans surprise, Washington souhaite que le statu quo perdure, car cela permet aux États-Unis de compenser leur déficit sans avoir à prendre des mesures déflationnistes sévères.

Il n’est pas non plus surprenant que l’hégémonie financière américaine ne soit pas universellement populaire. L’une des raisons de la création de l’euro était qu’une monnaie unique européenne devienne une monnaie de réserve rivale du dollar. Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), la semaine dernière à Johannesburg, a marqué une nouvelle tentative de défier l’ordre international dominé par les États-Unis. »

Le Guardian y voit un certain nombre de raisons. « Les États-Unis et leurs alliés occidentaux contrôlent le Fonds monétaire international et la Banque mondiale depuis leur création en 1944, le directeur général du FMI a toujours été un Européen et le président de la Banque mondiale, un Américain. Grâce à leurs sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France peuvent opposer leur veto à toute initiative qui ne leur plaît pas. À eux deux, les États-Unis et l’UE peuvent empêcher les principaux pays en développement d’exercer une réelle influence au sein de l’Organisation mondiale du commerce. »

« Qui plus est, il est clair que le monde actuel ne ressemble pas trop au monde unipolaire que les décideurs politiques américains envisageaient après l’éclatement de l’Union soviétique. La Chine est devenue un véritable rival et a réussi à étendre sa sphère d’influence. La preuve en est une carte mondiale réalisée par l’Institut Capital Economics qui divise le monde en pays fortement alignés ou penchés vers les États-Unis ou la Chine. En dehors des pays riches et développés d’Amérique du Nord, d’Europe, du Japon et d’Australie, il existe peu de pays fortement alignés sur les États-Unis, et les seules économies émergentes notables ayant un penchant vers Washington sont l’Inde et le Vietnam.

En revanche, la majeure partie de l’Afrique est considérée comme étant alignée ou penchée vers la Chine, tout comme la majeure partie de l’Asie et une partie importante de l’Amérique du Sud. »

Les BRICS disposent de leur propre banque qui, contrairement aux conditions strictes exigées par le FMI et la Banque mondiale, propose des prêts sans conditions, rappelle aussi le Guardian. « Le comportement égoïste des pays du G7 - États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Japon et Canada- lorsqu’ils ont accumulé des vaccins pendant la crise du Covid-19 n’a pas été vraiment propice à la “quête d’amis” dans le monde émergent ».

« Le changement dans le paysage géopolitique [du monde] s’est concrétisé par les pays qui étaient invités à rejoindre le club des BRICS lors du sommet de la semaine dernière : trois étaient des producteurs de pétrole (Arabie saoudite, Iran et Émirats arabes unis) ; deux venaient d’Afrique (Égypte et Éthiopie) et un (Argentine) d’Amérique du Sud. »

L’article ajoute pourtant qu’il faudrait des années, voire des décennies, aux BRICS pour créer une infrastructure financière similaire à celle qui soutient le dollar. « Fondamentalement, les investisseurs devraient être aussi disposés à détenir des obligations libellées dans une devise autre que le dollar qu’à détenir des bons du Trésor américain. La domination du dollar n’est pas menacée dans l’immédiat, mais cela ne sera peut-être pas toujours le cas ».

« La décision de l’Arabie saoudite de rejoindre les BRICS constitue également une menace pour la domination du dollar. Le royaume riche en pétrole a traditionnellement été un allié fiable des États-Unis au Moyen-Orient, mais les relations entre Washington et Riyad se sont récemment nettement refroidies. On s’attend à ce que les Saoudiens acceptent de plus en plus le paiement du pétrole des autres membres des BRICS dans leur propre monnaie. »

Le journal britannique fait allusion aux déclarations de la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, laquelle a exprimé ses inquiétudes quant aux « conséquences à long terme du recours aux sanctions financières comme outil de politique étrangère américaine », affirmant qu’il existait un risque que cette approche produise l’effet inverse dans le sens de saper l’hégémonie du dollar.

« Et elle a raison de s'inquiéter. Une monnaie de réserve unique et toute-puissante s’affronte étrangement à un monde multipolaire ». « Ce n’est pas une affaire du jour au lendemain, mais un défi pour le dollar s’annonce », conclut l’article.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV