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Niger: la CEDEAO commettra-t-elle une erreur de trop ?
Ce jeudi 10 août, les quinze pays d’Afrique de l’Ouest réunis au sein de la CEDEAO ont pris une décision qui les rapproche d’une intervention militaire au Niger.
La CEDEAO menace donc clairement le Niger d'intervention militaire.
À la fin de leur sommet extraordinaire organisé à Abuja, au Nigeria, les dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest ont ainsi annoncé jeudi soir la mobilisation et le déploiement de « la force en attente de la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger », comme l’a déclaré le président de la Commission, le Gambien Omar Touray. Et d’ajouter, néanmoins, que « la priorité est donnée à la résolution pacifique » de la crise.
L'intervention de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) au Niger pourrait déboucher sur un état de guerre dans toute l'Afrique, a déclaré à Sputnik Antinekar al-Hassan, conseiller politique du Président nigérien déchu Mohamed Bazoum. « Je ne pense pas que la CEDEAO commette cette erreur en intervenant militairement au Niger, car si elle intervient militairement, cela signifie que toute l'Afrique sera en guerre », a-t-il indiqué.
En effet, dès les premières heures du coup d'état nigérien, dans des courriers communs adressés à l'ONU et à l'Union africaine (UA), les ministres malien et burkinabè des Affaires étrangères ont appelé les organisations internationales à leur responsabilité pour empêcher toute intervention militaire au Niger.
Dans leur courrier, les chefs des diplomaties malienne et burkinabè « réitèrent leur ferme condamnation de toute intervention militaire de la CEDEAO ». Ils estiment, sans citer nommément de pays, que cette perspective « cache mal les agendas de puissances étrangères prêtes à aggraver une situation sécuritaire déjà précaire. »
Les représentants de Ouagadougou et Bamako dressent un parallèle avec l'intervention occidentale de 2011 en Libye, qui « a causé l'effondrement de l'État et la déstabilisation du Sahel ». Côté CEDEAO, le 8 août, le porte-parole du président nigérian Tinubu a assuré que la diplomatie est la meilleure voie à suivre pour résoudre la crise au Niger, mais aucune option n'est écartée par les pays de la région.
Pour les ministres malien et burkinabè des Affaires étrangères, la persistance de l'organisation ouest-africaine, « dans cette approche contre-productive », « conduirait à la dislocation de la CEDEAO ». Ils en appellent donc « à la responsabilité de l'ONU et l'Union africaine » pour empêcher, disent-ils, « une action armée contre un État souverain » dont « l'ampleur des conséquences serait imprévisible ».
Les heures à venir sont donc décisives dans cette affaire.
La CEDEAO commettrait-elle l'erreur de trop à savoir mener une intervention militaire au Niger au risque de faire effondrer toute l'Afrique dans une nouvelle crise ?
Niger : vers un monde nouveau
par Jacques Vuillemin
Après le coup d’État qui a renversé le président du Niger Mohamed Bazoum la communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a lancé un ultimatum de 7 jours pour rétablir l’ordre constitutionnel. Sous peine d’utiliser la force. Cet ultimatum a expiré la nuit dernière ; Paris appuie cette initiative de la CEDEAO. Certes Paris a des intérêts à défendre dans ce pays. Mais si une éventuelle intervention de la France sous quelque forme qu’elle soit se réalise, il sera difficile d’évoquer la défense de la démocratie.
Un pays dont le président a imposé une réforme malgré l’opposition des syndicats et d’une large majorité de la population, et bousculé la démocratie à coups de 49-3 peut difficilement donner des leçons de démocratie. Et puis, plusieurs chefs d’État de la CEDEAO sont eux-mêmes en manque de légitimité.
Par ailleurs, les interventions militaires précédentes de la CEDEAO n’ont pas vraiment laissé de bons souvenirs dans les populations. L’usage de la force contre un pays dont la population est l’une des plus pauvres du monde malgré les richesses naturelles se traduirait par une catastrophe humanitaire. Le Mali, le Burkina, la Guinée se sont déclarés solidaires du Niger et prêts à agir militairement à ses côtés.
Au Nigeria, leader de la CEDEAO, des voix s’élèvent contre une intervention militaire et le Sénat s’est prononcé contre. Dans ces conditions, une intervention me paraît bien improbable. Au-delà des postures, des déclarations, des menaces, il m’apparaît que nous assistons à la fin d’un monde et à l’émergence d’un monde nouveau.
Depuis des dizaines d’années, l’occident apporte une aide au développement des pays africains. Pour quel résultat ? À quoi sert une aide si elle n’a pas pour objet de permettre aux pays aidés de s’affranchir à terme de cette aide pour se développer seuls ? Les pays africains ont pris conscience de cette situation et veulent se détacher de l’aide occidentale. Ainsi, nous assistons à la fin d’un monde ancien unipolaire dominé par l’Occident et l’Amérique et à l’émergence d’un monde nouveau multipolaire avec la Chine, la Russie, l’Inde et l’Afrique.
Niger: analyse de Luc Michel
Le général Abdourahamane Tiani a annoncé la formation d’un gouvernement. L’ancien chef d’état-major des armées, Salifou Mody, obtient le portefeuille de la Défense.
Ce gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine nommé lundi, est composé de 21 membres. Les ministres de la Défense et de l’Intérieur sont des généraux du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), respectivement le général Salifou Mody (ancien chef d’état-major des armées remercié début avril par Mohamed Bazoum) et le général Mohamed Toumba. Luc Michel, géopoliticien s'exprime sur le sujet