Dans une attaque sans précédent contre les libertés civiles en France, les législateurs ont convenu que les forces de police du pays devaient être autorisées à espionner les suspects en activant à distance la caméra, le microphone et le GPS de leurs téléphones et autres appareils.
La mesure approuvée par les législateurs couvre les ordinateurs portables, les voitures et autres objets connectés ainsi que les téléphones.
Les appareils peuvent être activés à distance pour enregistrer le son et les images de personnes soupçonnées d’infractions terroristes, ainsi que de délinquance et de crime organisé.
Les militants des droits ont qualifié la mesure de « charte de fouineur autoritaire ». Le groupe de défense des droits numériques, La Quadrature du Net, a critiqué la disposition en disant qu’elle soulève de sérieuses inquiétudes quant aux atteintes aux libertés civiles fondamentales.
La Quadrature du Net a décrié la proposition comme faisant partie d’un « glissement vers une sécurité musclée ».
Début juin, le Sénat français, la chambre haute, a approuvé une disposition controversée d’un projet de loi sur la justice qui permettait aux forces de l’ordre d’écouter des terroristes et des criminels présumés utilisant leurs appareils.
« Le message a généralement été celui de soutenir la police et de renforcer ses pouvoirs », a déclaré Rainbow Murray, professeur de politique, Queen Mary University of London.
« Et il faut garder à l’esprit que la police a dû faire face à des défis importants, en particulier au cours de la décennie précédente où la France a été soumise à une série d’attentats terroristes et on craignait que la police ne dispose de pouvoirs suffisamment forts pour les contenir, certains de ces pouvoirs ont donc été renforcés », a-t-il expliqué.
De plus, les sénateurs ont approuvé une disposition du projet de loi permettant aux forces de l’ordre de suivre l’emplacement de l’appareil si le propriétaire est soupçonné d’avoir commis un crime.
Ces mesures interviennent au milieu de manifestations sans précédent dans toute la France suite au meurtre d’un adolescent de 17 ans d’origine algérienne par la police fin juin.
Le meurtre de Nahel M. a renouvelé de vieux griefs concernant la brutalité policière et le profilage racial. On estime qu’environ 3 400 à 4 000 personnes ont été arrêtées, dont plus de 1 200 mineurs. La plupart des personnes détenues n’avaient pas de condamnations pénales antérieures.
Pendant ce temps, les restrictions sur les réseaux sociaux en France suscitent des inquiétudes.
Jean-Noël Barrot, le ministre français de la Transition numérique et des Télécommunications, a annoncé qu’à partir du 25 août, Paris introduirait des mesures obligatoires censurant le travail des réseaux sociaux dans le pays.
Selon Barrot, le président Macron l’avait exhorté à « mettre un maximum de pression sur les réseaux sociaux ».
Macron a également proposé la création d’un groupe de travail par le Sénat pour aborder les mesures à prendre en cas de manifestations de masse et d’émeutes. Auparavant, Macron avait affirmé que les manifestants utilisaient Snapchat, Tik Tok et le télégramme pour filmer des événements violents et organiser des rassemblements illégaux.
« Les plateformes de médias sociaux jouent un rôle important dans les événements de ces derniers jours », a dit le président français.
« On a (vu) sur plusieurs d’entre eux, Snapchat, Tik Tok, et plusieurs autres, à la fois l’organisation de rassemblements violents et une forme de mimétisme de la violence, qui chez les plus jeunes entraîne un sentiment d’irréalité, on a le sentiment parfois que certains d’entre eux vivent dans la rue les jeux vidéo qui les ont intoxiqués », a-t-il indiqué.
« Et cela, la loi, y compris depuis quelques mois, a prévu des modifications du contrôle parental que nous souhaitons voir pleinement respectées », a-t-il fait noter.
Macron a également évoqué la possibilité d’interdire l’accès à certaines fonctionnalités des réseaux sociaux.
Le président français a déclaré à environ 300 dirigeants locaux que le pays devait réfléchir à l’utilisation des médias sociaux par les plus jeunes et aux interdictions qui doivent être mises en place.
Ses commentaires ont suscité l’ire de nombreux critiques.
« Ces incidents continuent de se produire, mais cette fois, ils ont été capturés sur vidéo et c’est pourquoi les gens sont furieux. Macron se rend à son concert d’Elton John, puis il blâme les jeux vidéo pour les manifestations, Jeux vidéo ! », s'est exprimé en ces termes le journaliste Richard Medhurst.
« Peut-être que ses policiers jouent trop aux jeux vidéo et c’est pourquoi ils ont sorti leurs armes sur un jeune de 17 ans sans permis de conduire. Et l’un d’eux a dit « Je vais te mettre une balle dans la tête », a-t-il poursuivi.
« Macron veut désormais interdire les « contenus sensibles » sur les réseaux sociaux, car c’est gênant pour lui », a-t-il ajouté avant de faire noter : « Mais si l’Iran ose interdire Twitter ou si l'Égypte coupe Internet, Macron et l’Occident se lanceront dans leur refrain habituel de "c’est de la censure" et "c’est de la dictature", "Pas de liberté d’expression" ».
Le gouvernement français a été accusé de mener des attaques contre les migrants, de profilage racial et d’intolérance religieuse. Cet incident le plus récent a puisé dans le long ressentiment de la brutalité policière parmi de nombreuses minorités françaises et a ravivé un long et douloureux débat sur le profilage racial par la police.