Des experts des Nations unies ont exprimé leur inquiétude face aux informations faisant état d'un recours excessif à la force par la police lors des manifestations en France au début de cette année contre les projets controversés de réforme des retraites du président Emmanuel Macron.
« Le manque de retenue dans l'usage de la force contre des membres de la société civile pour exiger leur participation légitime aux processus de prise de décision concernant leur avenir, l'accès aux ressources naturelles, la protection des droits de l'homme, la dignité et l'égalité serait non seulement anti-démocratique, mais profondément inquiétant pour la protection de l'État de droit », ont déclaré les experts onusiens dans un communiqué publié jeudi 15 juin.
Ils ont appelé les autorités à entreprendre un examen complet de leurs stratégies et pratiques policières afin de permettre aux manifestants d'exprimer leurs préoccupations et de faciliter les manifestations pacifiques et la participation aux affaires publiques.
Les experts ont noté que les manifestants de tous les groupes d'âge et de différents mouvements sociaux - y compris les syndicats et les écologistes - ont promu et adopté des méthodes pacifiques, et les revendications des organisateurs ont été clairement énoncées avant les rassemblements.
« La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes pour disperser la foule : des munitions que la France est le seul pays européen à utiliser dans les opérations d'ordre public », ont déclaré les experts.
Selon les informations, la répression policière a fait des dizaines de blessés, dont des manifestants, des journalistes, des élus et des passants.
La brigade de motards Brav-M aurait menacé et battu des manifestants à Paris, et la police de Sainte-Soline aurait tiré des balles en caoutchouc avec des motos à quatre roues. Des informations faisant état d'arrestations arbitraires de plusieurs personnes ont également été publiées dans différentes villes.
« Nous savons que certains actes de violence isolés ont endommagé des biens publics et blessé des membres des forces de sécurité, mais le nombre de blessés et l'intensité des violences signalées sont alarmants », ont déclaré les experts.
Ils ont de nouveau appelé les autorités de Paris à promouvoir la liberté d'association en prenant les mesures nécessaires pour enquêter sur les actes de violence pendant les manifestations et poursuivre les auteurs.
Depuis le début de l'année, des milliers de personnes se sont mobilisées dans différentes villes françaises pour dénoncer les propositions gouvernementales de réformes des retraites et de gestion de l'eau face à l'urgence climatique.
Les experts ont également exprimé leur inquiétude face à la tendance croissante à la stigmatisation et à la criminalisation des individus et des organisations de la société civile pour sensibiliser aux conséquences du changement climatique, pour justifier l'usage excessif, fréquent et intensifié de la force à leur encontre.
« Le droit de réunion pacifique est un droit fondamental qui constitue la base même des systèmes de gouvernance participative fondés sur la démocratie, les droits de l'homme, l'État de droit et le pluralisme », ont-ils déclaré.
« Nous rappelons à la France que toute stratégie policière doit respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, dans le seul but de faciliter les rassemblements pacifiques et de protéger les droits fondamentaux des participants - y compris leur droit à la vie et à l'intégrité physique et psychologique », ont conclu les experts.
Ces dernières semaines, les critiques des groupes de défense des droits de l'homme se sont multipliées au sujet de la brutalité de la police française dans la gestion des manifestations opposées à la réforme des retraites de Macron.
Les organismes de surveillance des droits ont exprimé leur inquiétude face à ce qu'ils ont qualifié de détentions « arbitraires » et à l'usage excessif de la force par la police.
Cependant, les responsables de la sécurité ont défendu leurs actions, affirmant qu'ils répondaient aux émeutiers violents et aux groupes anarchistes qui infiltrent fréquemment les manifestations françaises pour provoquer des affrontements.
La Ligue française des droits de l'homme a accusé les autorités de « porter atteinte au droit des citoyens de manifester en faisant un usage disproportionné et dangereux de la force publique ».
« Le virage autoritaire de l'État français, la brutalisation des rapports sociaux par la police, les violences de toutes sortes et l'impunité sont un scandale majeur », a déclaré le président de la ligue, Patrick Baudouin.
Des groupes de défense des droits ont également fait part de leurs inquiétudes quant à l'utilisation répétée par la police du « kettling » (pratique de la nasse en français, ndlr), également appelé « trap and detain » aux États-Unis, une tactique de contrôle des foules consistant à encercler les manifestants dans une petite zone.