L’Afrique a récemment été honorée par une série de visites de hauts responsables américains, qui se sont rendus sur le continent dans le but de donner un nouvel élan à la coopération américano-africaine. Lors de ces visites, ils ont notamment pointé les inquiétudes de Washington face à l’implication croissante de la Chine et de la Russie.
Il devient de plus en plus difficile pour Washington de trouver sa place en Afrique alors que les pays du continent nouent des partenariats avec Moscou et Pékin, a déclaré Abdou Karim Diakhaté, politologue et directeur du magazine Le Panafricain, dans un entretien à Sputnik.
Selon l’expert, alors que les visites d’officiels américains en Afrique se succèdent, le pays est pris entre deux feux. Washington a cru pouvoir profiter de la perte d’influence de la France dans certaines régions du continent, mais en réalité il se heurte à d’autres concurrents, à savoir la Chine et la Russie, a expliqué Diakhaté.
« Les États-Unis sont entre le marteau russe et l’enclume chinoise en Afrique. La Chine est un partenaire commercial principal de nombreux pays du continent, mais la coopération entre les nations africaines et la Russie connaît une nouvelle dynamique, générant de grands espoirs et dérangeant les États-Unis », a-t-il déclaré.
Il a noté que la principale préoccupation des États-Unis en termes de maintien et de renforcement de leurs relations avec les pays africains est un partenariat croissant entre la Russie et l’Afrique. En effet, de nombreux analystes politiques rappellent que la coopération entre la Russie et certains pays africains est « plus forte que jamais ». Et le prochain sommet Russie-Afrique devrait l’amener à de nouveaux niveaux.
Les tentatives infructueuses des États-Unis pour faire pression sur l’Afrique
La perte importante de l’influence américaine a même poussé Washington à dissuader certains pays africains de collaborer avec Moscou ou Pékin, a-t-il rappelé. Début janvier, le ministre sud-africain de la Défense, Thandi Modise, a notamment dénoncé les « pressions injustifiées » de Washington pour contraindre le pays à couper les ponts avec la Russie.
De plus, en mai de l’année dernière, la Chambre des représentants des États-Unis a approuvé une « loi sur la lutte contre les activités malveillantes russes en Afrique », ouvrant la voie à Washington pour punir les gouvernements africains pour avoir maintenu la coopération avec la Russie, car cela pourrait « saper les objectifs et les intérêts du pays ». L’acte a été largement critiqué par de nombreux responsables africains, qui ont déclaré que l’Amérique ne respecte pas la souveraineté des nations du continent.
Faisant référence à ce type de pression, Diakhaté a souligné que les tentatives américaines de pression sur le continent se solderont probablement par un échec. Expliquant son point de vue, il a loué la « conscience » des nations africaines sur cette question et leur position indépendante dans la politique mondiale. Il a noté que la résilience de l’Afrique pendant la pandémie de COVID-19 a montré en particulier que le continent est capable de prendre soin de lui-même.
Je ne pense pas que la pression exercée par l’Occident sur certains pays africains puisse aboutir. Il y a une prise de conscience [parmi les pays africains] qui dépasse le simple constat, une véritable avancée dans la vision, dont on voit partout les conséquences. Elle se manifeste à travers des positions audacieuses, des déclarations et des actions décisives portées par les élites politiques et une société civile très dynamique en Afrique.
L’isolement de la Russie ?
Le niveau actuel de coopération entre les pays africains et Moscou et leurs liens croissants dans divers domaines d’intérêts mutuels, a souligné M. Diakhaté, prouvent que la Russie n’est pas isolée sur la scène internationale. Comme de nombreux pays africains, les pays arabes s’abstiennent également de soutenir et d’imposer des sanctions contre la Russie. De plus, la position du pays au sein du groupe BRICS garantit qu’il n’est pas isolé.
« Dans un monde multipolaire, l’isolement de la Russie ne me paraît pas possible compte tenu des enjeux géostratégiques et des intérêts divergents des pays […]. Seuls 28 pays sur les 54 qui composent l’Union africaine ont voté en faveur de la résolution condamnant l’opération militaire spéciale russe en Ukraine », a-t-il expliqué.
Les remarques de Diakhaté sur le prétendu isolement de la Russie font écho aux déclarations d’Aymeric Chauprade, récemment interviewé par Sputnik, un géopolitologue français. Selon lui, malgré leurs efforts, les pays occidentaux sont incapables d’isoler la Russie. Sur la scène internationale, Moscou, comme Pékin ou New Delhi, est un partenaire important des pays africains, avec lesquels le continent souhaite approfondir et diversifier ses relations. L’Occident doit donc accepter ce tournant vers la multipolarité.