Selon Alexander Rahr, politologue allemand et chef de la Société eurasienne, le chancelier Olaf Scholz cherche à relancer le leadership économique de l'Allemagne au sein de l'Union européenne (UE), mais il ne peut le faire sans le feu vert des Etats-Unis. Il a donc effectué une visite de travail à Washington pour rencontrer Joe Biden, qui a snobé Berlin lors de ses précédents voyages européens.
Le chancelier allemand Olaf Scholz est arrivé vendredi 3 mars à Washington en petite pompe pour s'entretenir avec le président américain Joe Biden. Leur entretien était centré sur la mobilisation occidentale face à la Russie, mais la presse grand public a laissé entendre qu'il soulevait la question difficile des moyens de mettre fin au conflit en Ukraine.
« En Allemagne, on s'interroge beaucoup sur les raisons qui ont amené Scholz à se rendre à Washington maintenant. Beaucoup pensent qu'il discute de tout au téléphone avec Biden, alors d'où vient le besoin de Biden de faire venir Scholz à Washington ? Je pense que c'est lié au fait que Biden lui-même était récemment en Europe mais avait zappé l'Allemagne. Il a été en Pologne à deux reprises et a clairement souligné que la Pologne était le principal allié des États-Unis en Europe aujourd'hui. Je pense que c'est une gifle pour l'Allemagne », a expliqué Alexander Rahr, repris par Sputnik.
L'Allemagne est confrontée à la récession et à une désindustrialisation progressive en raison de la flambée des coûts de l'énergie qui ont rendu le secteur industriel national non compétitif et provoqué la délocalisation des entreprises allemandes à l'étranger, aux États-Unis et en Chine en particulier.
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« L'Allemagne veut, de toute façon, restaurer son leadership en Europe, et cela ne peut se faire qu'avec l'aide, le soutien et l’aval des États-Unis. Je pense qu'une partie de la conversation prévue portera sur l'élaboration d'une stratégie commune sur la façon dont l'Allemagne peut à nouveau devenir un véritable leader en Europe avec le soutien, l'assistance et la confiance des États-Unis », a indiqué Rahr.
Cependant, Berlin et Washington ont un certain nombre de différences qui doivent encore être résolues. Premièrement, les États-Unis veulent que l'Allemagne intensifie les livraisons d'armes à l'Ukraine, y compris les chars Leopard 2.
Scholz a accepté d'envoyer des chars à Kiev à condition que les États-Unis lui livrent leurs propres chars de combat principaux Abrams. Même si Biden a accepté, les chars américains seront livrés à l'Ukraine d'ici la fin de cette année au plus tôt.
Deuxièmement, la Loi sur la réduction de l'inflation de 2022 (Inflation Reduction Act) et le programme climatique de Washington ont avantagé les entreprises nord-américaines, privant de nombreuses entreprises européennes, et principalement allemandes, d'un accès au marché américain.
De plus, le sabotage des gazoducs Nord Stream est un sujet absolument secret et sensible qui aggrave les tensions entre les deux alliés.
« Il me semble que tout est déjà clair pour Scholz. Je ne crois pas que les services de renseignement allemands ou les structures militaires de l'Europe, qui auraient dû savoir ce qui s'est passé, aient le moindre doute sur le rôle des États-Unis dans [la destruction des pipelines Nord Stream]. Et il y a eu des publications et des enquêtes à ce sujet aux États-Unis. Mais Scholz comprend aussi clairement qu'il est impossible d'agir contre les Etats-Unis, car aujourd'hui ils fournissent à l'Europe, y compris à l'Allemagne, cette sécurité, ce parapluie nucléaire que l'Europe elle-même n'a pas », a conclu l’expert.