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Pourquoi Assad ne pourra croire l'Atlantiste Erdogan?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan. ©Getty Images

Évoquant la demande de réconciliation de la Turquie avec le gouvernement syrien, Al-Mayadeen déclare que l’occupation militaire de la Syrie par Ankara, la poursuite du soutien du gouvernement turc aux rebelles de l’Armée syrienne libre (ASL) et la question des réfugiés syriens empêchent la normalisation des relations entre Damas et Ankara.

Dans un rapport publié le 16 août, la chaîne Al-Mayadeen affirme que le premier obstacle à la reprise des relations entre la Syrie et la Turquie est l’occupation progressive des terres syriennes par Ankara, qui constitue à présent 9 % de l’aire géographique du pays. Or, c’est seulement en août 2016 qu’Ankara a annoncé son implication directe dans la crise syrienne, et ce, sous prétexte de défendre la sécurité nationale et d’éliminer les Unités de protection du peuple (YPG), une milice pro-kurde syrienne étroitement liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré par la Turquie comme groupe terroriste.

Sur le plan militaire, les forces turques ont soutenu les rebelles au gouvernement syrien (l’ancienne Armée libre et l’Armée nationale syrienne] dans plusieurs opérations. Ce soutien a conduit à la création de quatre régions frontalières, chacune portant le nom de l’opération militaire d’Ankara pour contrôler le territoire syrien. Entre 2016 et 2017, l’opération Bouclier de l’Euphrate a conduit à un resserrement du contrôle turc sur la périphérie nord de la province d’Alep.

En 2018, les rebelles syriens, avec la coopération de l’armée turque, ont pris le contrôle de la banlieue nord-ouest de la province d’Alep après l’opération Rameau d’olivier. En 2019, suite à l’opération Fontaine de paix, la Turquie a pu prendre le contrôle de la plupart des zones à l’est de l’Euphrate, soit une bande frontalière longue de 100 km et profonde de 33 km, comprenant une partie de la banlieue nord de Raqqa située au nord de l’autoroute internationale M4 (autoroute Alep-Lattaquié) et une partie de la banlieue nord-ouest de Hassaké.

Plus tard en 2020, l’armée turque a lancé l’opération Bouclier du Printemps dans la province d’Idlib, dernier bastion des groupes rebelles syriens, dans le cadre de ses tentatives répétées d’étendre son influence à l’est de l’Euphrate qui se sont toujours heurtées à l’opposition russo-américaine et à la résistance des Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par Washington.

Après tout, Ankara et les groupes armés qu’il soutient contrôlent aujourd’hui environ 16 666 kilomètres de la zone géographique de la Syrie, en dépit de sévères condamnations du gouvernement syrien. De fait, si un accord est conclu entre Damas et Ankara, le retrait de la Turquie de Syrie sera la première question à être abordée lors des négociations.

À cet égard, les experts suggèrent une solution selon laquelle, les régions du nord de la Syrie seraient retirées de la propriété de la Syrie et de la Turquie, mais deviendraient une zone tampon qui jouerait en même temps un rôle économique pour les deux pays. Malgré la tenue des sommets de Téhéran et de Sotchi sur la résolution de la crise entre la Syrie et la Turquie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, poursuit son idée de créer une « zone de sécurité » profonde de 30 à 40 kilomètres le long de la frontière nord de la Syrie qui, pour Damas, se transformera en un lieu de conflit entre les deux parties.

L’avenir de « l’Armée nationale syrienne »

Vient en deuxième lieu le soutien de la Turquie aux rebelles syriens qui est le deuxième sujet de conflit entre Damas et Ankara : l’armée turque soutient l’Armée nationale syrienne dans les batailles terrestres, mais aussi d’autres groupes armés syriens qui contrôlent des régions du nord de la Syrie suite à l’opération turque.

Formée avant la première opération turque en Syrie, l’Armée nationale syrienne comprend un certain nombre de groupes rebelles armés connus au début sous le nom de Front de libération nationale, mais appelés en 2016 par la Turquie « Bouclier de l’Euphrate ». Plus précisément, l’armée turque apporte une aide financière à ces groupes armés, les approvisionnements en nourriture et assure leur formation militaire.

Pour réconcilier avec Damas, Ankara n’aurait qu’à abandonner ces groupes armés en coupant les aides financières et l’approvisionnement en arme. Ceci étant, l’Armée syrienne libre se trouve face à un dilemme l’obligeant à faire des compromis avec le gouvernement de Damas et mettre de côté les divergences pour ainsi éviter une guerre qui l’anéantira.

Comment Erdogan exploitera-t-il les réfugiés syriens ?

Quant au dossier des réfugiés syriens, il entrave à son tour, la reprise des relations entre Damas et Ankara. Selon les statistiques, environ 3,7 millions de Syriens vivent en Turquie. Depuis août 2022, la Turquie a accordé la citoyenneté à environ 200 950 d’entre eux. Le ministre syrien de l’Intérieur a annoncé que jusqu’au 31 mars 2022, 113 654 Syriens ont le droit de vote en cas d’éventuelles élections.

En pleine crise économique en Turquie à un an de l’élection présidentielle, les réfugiés syriens qui pèsent lourds dans la politique intérieure du pays, ont rendu la tâche difficile à un président turc qui veut remporter un troisième mandat présidentiel à tout prix : soit qu’il les attire à lui - pour qu’ils le choisissent - en construisant des logements et en fournissant des services dans les zones sous contrôle turc, soit qu’il résolve le problème autrement.

Annonçant sa volonté de renvoyer un million et demi de réfugiés volontaires syriens dans la bande frontalière occupée par Ankara, Erdogan tente à présent de se montrer vainqueur devant les partis turcs et les électeurs. L’annonce du lancement du projet pour accueillir les réfugiés syriens dans 13 villes résidentielles, étendues sur une zone allant de Jarablus à l’ouest jusqu’à Ras al-Aïn à l’est, en est la preuve.

Afin de lancer ce projet dont l’objectif est de renforcer le contrôle turc sur la bande frontalière avec la Syrie et de montrer l’influence considérable de la Turquie, Erdogan a envoyé son ministre de l’Intérieur dans la ville de Sarmada dans la province d’Idlib en Syrie ; une ville sous le contrôle de l’armée turque et des groupes armés à la solde d’Ankara.

Les objectifs hostiles de la Turquie en Syrie ne s’arrêtent pas là. Ankara envisage d’y changer le tissu démographique de la région en expulsant les citoyens kurdes syriens en faveur de la création de centres de population fidèles à Erdogan. La turquification, le changement de monnaie dans les zones sous contrôle turc, l’ouverture d’écoles et d’universités et le changement des noms de rues et de places en Syrie font partie des ambitions turques qui font obstacle à la reprise des relations Damas-Ankara.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV