Le gouvernement Assad a posé des conditions préalables à la normalisation des relations avec la Turquie.
Alors que les autorités politiques turques envoient des signaux positifs pour établir des relations avec Damas, l'armée turque a transféré, mardi soir, une grande quantité de matériel militaire vers la zone opérationnelle du « Bouclier de l'Euphrate » dans le nord-est de la province syrienne d'Alep.
De plus, les haut-parleurs des mosquées de la région de Qarqamish dans la province Gaziantep au sud de la Turquie ont appelé les habitants de cette zone de ne pas quitter leur maison qu’en cas d’urgence.
Des sources locales bien informées ont confié à Al-Arabi Al-Jadeed qu' « un convoi militaire turc est entré dans la zone de l’opération du Bouclier de l’Euphrate par la porte Bab al-Salamah dans la banlieue nord d'Alep la nuit dernière », et que « du matériel militaire, notamment des véhicules blindés, ont été transférés vers certaines bases militaires de l’armée turque dans la banlieue nord-est d'Alep ».
Ces sources, qui ont requis l’anonymat, ont souligné que l'artillerie de l'armée turque avait pris pour cible certaines bases militaires des Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les Etats-Unis, près de la ville de Tell Rifaat dans la banlieue nord d'Alep.
Simultanément, deux avions de reconnaissance turcs ont survolé l’espace aérien de cette zone et un chasseur a volé près de la frontière avec la Syrie.
Cela intervient alors que la possible normalisation des relations entre Ankara et Damas est devenue un vif sujet de débat dans les milieux politiques et médiatiques turcs.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu a une fois de plus défendu, mardi, ses positions d’antan et annoncé qu'Ankara voulait un accord de paix entre « le gouvernement central de Damas et l'opposition syrienne ». Çavuşoğlu a également remercié le chef du Parti du mouvement nationaliste (MHP) de Turquie, Devlet Bahceli, qui a qualifié de « nécessaire » la normalisation des relations entre Ankara et Damas. De même, on vient d’apprendre que le chef de l'un des partis proches d'Erdogan se rendra bientôt à Damas avec l'invitation officielle du président syrien Bachar al-Assad.
Le journal turc Türkiye Gazetesi, proche du Parti de l’AKP, a annoncé ce mercredi 17 août dans un rapport spécial que Damas avait également des conditions pour la reprise des relations avec Ankara.
Selon le journal, des sources politiques et sécuritaires syriennes ont présenté certaines conditions préalables et revendications importantes de Damas pour la normalisation des relations avec Ankara.
De l’avis des analystes turcs, 11 ans de divergence et de désaccord entre Damas et Ankara et l’animosité du gouvernement turc envers le gouvernement Assad ont compliqué la situation pour une normalisation des relations bilatérales et Ankara doit payer un lourd tribut pour ses politiques erronées.
Voici certaines éventuelles revendications de Bachar al-Assad pour la normalisation :
1- Idlib : l’une des plus essentielles demandes du président syrien à Ankara est de lui remettre Idlib. Etant l’une des plus importantes régions occupées par la Turquie et les extrémistes pro-Ankara, Idlib est devenue un défi sécuritaire majeur pour le gouvernement syrien et naturellement, Assad souhaite que le contrôle de cette zone soit remis au plus vite possible aux forces de l’armée syrienne.
2- Passage frontalier de Cilvegözü : ces dernières années, la Turquie a accordé de nombreuses concessions aux opposants armés de Bachar al-Assad et leur a confié le poste-frontière de Cilvegözü à 900 kilomètres entre la Turquie et la Syrie. Le gouvernement Assad veut que ce poste-frontière et les douanes soient rendus aux gardes-frontières syriens.
3- Gestion du corridor de transport de marchandises : Bachar al-Assad exige également que le contrôle total du corridor commercial Cilvegözü-Damas et celui de la route M4 sur la ligne Alep-Lattaquié qui se relie à Deir ez-Zor et à Hassaké dans l'est de la Syrie soient confiés à l’armée syrienne.
4- Aide à contourner les sanctions : Damas veut également que la Turquie ne soutienne plus les sanctions européennes et américaines contre les bureaucrates, les hommes d'affaires et les entreprises proches de la famille Assad.
Par ailleurs, Yilmaz Begin, analyste proche de l’AKP a annoncé que « Hakan Fidan, chef du service de renseignement turc, a déclaré lors d'un appel téléphonique avec Ali Mamluk, le numéro un du service de renseignement syrien, que la Turquie exigeait que le gouvernement Assad combatte avec le PKK et toutes ses institutions satellites dans les régions kurdes du nord et de l'est de la Syrie ».
Lors des négociations avec la partie syrienne, la délégation d'experts turcs en matière de sécurité a souligné que « la normalisation des relations est un processus. Pour commencer, il vaut mieux que la lutte contre le PKK soit mise à l’ordre du jour ».
« La deuxième étape consiste à contribuer au retour en toute sécurité des réfugiés et aux mesures post-hébergement, avec l'élimination complète de la menace terroriste à la frontière. En ce qui concerne l’étape suivante, les processus d'intégration politique et militaire entre l'opposition et Damas doit être achevé de manière saine et correcte. Ankara souhaite que Homs, Damas et Alep soient des zones-test pour des retours sûrs et dignes dans la première phase, et plus tard ce processus sera élargi », a dit l’expert turc.
On constate bien que les demandes d'Ankara à Damas sont très exagérées et inacceptables et qu’il n'y a aucun signe du mécanisme étape par étape et de la méthode conventionnelle de négociation, c'est-à-dire un pas de vous, un pas de moi. A titre d’exemple, plusieurs zones sensibles et importantes de la Syrie sont occupées par l'armée turque, et même les noms de certaines routes ont été modifiés et le drapeau turc y a été hissé aux côtés du drapeau non officiel des opposants.
Dans une telle conjoncture, il est tout à fait normal que le président syrien, demande à la partie adverse de faire preuve de bonne foi et de quitter d'abord le territoire syrien, de cesser de soutenir les opposants armés et de démanteler leurs sièges.
Ceci étant dit, le gouvernement syrien et la Russie ont des demandes claires pour améliorer la situation à Idlib et pousser Ankara à respecter ses engagements envers les opposants à Idlib.
D'autre part, la conclusion d'un nouvel accord frontalier plus avancé avec Ankara sur la base de l'accord d'Adana est l'un des sujets abordés par les responsables de la sécurité des deux parties.
Damas a demandé à Ankara de prendre des mesures sérieuses et de montrer sa bonne volonté pour la réadhésion de la Syrie à la Ligue arabe, à l'Organisation de la coopération islamique et aux institutions internationales similaires, adhésion qui avait été suspendue en raison de la guerre. En revanche, la Turquie a continué d'insister sur la poursuite des négociations de Genève, des activités du Comité de rédaction de la Constitution démocratique, la tenue d'élections libres et la libération immédiate des prisonniers politiques.