Qu'est-ce que cela signifie pour dix pays européens d'« acquiescer » aux conditions de Poutine, de payer leurs importations de gaz et de pétrole en « roubles » et de couper le gaz immédiatement à cause des réticences de la Pologne et de la Bulgarie ? Et comment Moscou et Pékin se sont-ils préparés à l'avance pour mettre en place l'infrastructure nécessaire pour faire tomber le « royaume » du dollar, des années avant le début de la guerre d'Ukraine ?, s’interroge le rédacteur en chef du journal en ligne Rai Al-Youm, Abdel Bari Atwan.
« Nous avons appris en Occident que le critère le plus précis pour déterminer le vainqueur ou le vaincu dans les guerres n'est pas la « propagande » médiatique, mais plutôt les chiffres économiques, en particulier les bourses, les cours des actions et les devises des pays impliqués dans ces guerres. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les chiffres ne mentent pas, alors que les politiciens sont des professionnels du mensonge, de la falsification et de la tromperie, et des réunions «théâtrales», comme la dernière tenue par Joe Biden dans l'une des bases américaines en Allemagne, dans laquelle 40 ministres de la Défense de l'OTAN et certains de ses partisans dans le tiers monde y ont participé », indique le journal.
Dans l’optique d’Abdel Bari Atwan, l’affirmation de l’agence économique mondiale américaine « Bloomberg » selon laquelle, dix acheteurs de gaz russe en Europe ont déjà ouvert des comptes dans « Gazprom Bank », et payé leurs importations de gaz russe en « roubles », signifie qu'ils ont acquiescé à la décision du président russe Vladimir Poutine en riposte aux sanctions américaines qui ont d’ores et déjà commencé à s’affaiblir et à perdre une grande partie de leur élan et de leur effet, comme le montrent les preuves.
Selon Atwan, il s’agit d’un dangereux « renversement » des concepts dominants depuis la Seconde Guerre mondiale, qui dit que l’Occident, dirigé par l’Amérique, est le plus organisé dans la planification des guerres et des blocus économiques, et d’une manière qui terrifie les opposants (choc et effroi). Et ces deux mois de guerre en Ukraine ont prouvé l’échec de cette théorie jusqu’à présent, du moins, compte tenu des développements actuels de cette guerre à tous les niveaux, et en particulier au niveau économique.
« Il est clair que la partie russe était prête à tous ces développements et à faire face et à contrecarrer les sanctions américaines, que ce soit en imposant la monnaie nationale russe pour payer les exportations de gaz ou de pétrole, ou en luttant contre l’inflation et en la ralentissant, et en prenant toutes les mesures nécessaires pour maintenir le prix du rouble, ce qui explique la relative stabilité que connaît actuellement l’économie russe », souligne le journal.
Igor Morgulov, vice-ministre russe des Affaires étrangères a révélé dans une interview à l’agence Ria Novosti que « Moscou et Pékin ont construit toute l’infrastructure nécessaire pour la transition vers un nouveau système financier basé sur les deux monnaies nationales des deux pays (le yuan et le rouble) et une augmentation du commerce bilatéral entre eux, le taux de change commercial ayant atteint environ 38,5 au cours des deux premiers mois (janvier et février) de l’année en cours.
« Les déclarations de Mme Ursula von der Leyen, présidente de l’Union européenne, dans lesquelles elle décrit l’insistance russe à payer ses importations de gaz en roubles comme un « chantage » qui reflète le niveau de douleur en Europe et en Amérique, et son appel aux pays européens de ne pas succomber à ce chantage russe, qui constitue une violation des sanctions occidentales américaines, nous incitent à lui demander , si l’Union européenne accepte la livre égyptienne, le dinar algérien ou le dirham marocain pour le paiement des importations européennes ? Cette Union n’insiste-t-elle pas sur l’euro et le dollar, et cette insistance ne constitue-t-elle pas aussi du « chantage » ? », a fait noter le journal.
Ce que nous voulons dire, c’est que le « royaume » du dollar et ses cousins qui sont des monnaies occidentales telles que l’euro et la livre sterling ont commencé à souffrir de signes de désintégration et de fissuration, dans l’intérêt du Chinoi (yuan) et du Russe (rouble), monnaies qui étaient au centre des moqueries du monde occidental et de ses médias, ses centres de recherche et de ses experts politiques et économiques.
« Le rapprochement de certains pays arabes avec les deux pays, c’est-à-dire la Russie et la Chine, et la rébellion contre la domination financière américaine qui dure depuis 80 ans, est une tendance « sage » et inévitable, car l’avenir économique mondial, et peut-être celui de l’armée aussi, se déplace rapidement de l’Ouest vers l’Est, et il serait également sage que les gouvernements arabes commencent à lier progressivement leurs monnaies à un panier de devises, y compris le rouble russe et le yuan chinois, et abandonnent progressivement le dollar afin d’éviter les cas actuels de faillite réelle pour des pays comme le Liban et le Sri Lanka, et peut-être dans plus d’un autre pays arabe, où l’incapacité de payer les versements de la dette est devenue la norme apparente dans bon nombre de ces pays… », a conclu le journal.