TV
Infos   /   A La Une   /   Iran   /   Moyen-Orient   /   L’INFO EN CONTINU

Le message hypersonique iranien à Vienne

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Images publiées en rapport avec le test du propulseur spécial du CGRI. ©Mashregh News

« Les propos prononcés jeudi dernier par le commandant de la force aérospatiale du Corps des gardiens de la Révolution islamique (CGRI) devraient être commentés, pas comme un cas épars, mais sur un fond d’évolutions régionales et compte tenu des prises de position officielles de Téhéran et des commandants militaires iraniens haut gradé », a écrit un journal iranien en allusion aux vastes dimensions du récent exercice militaire de la force Qods du CGRI. « Tout laisse croire que l’Iran cherche à augmenter la portée de ses missiles balistiques », ajoute l’article.

« L’Iran a annoncé avoir effectué de nouveaux tests de missiles et cette nouveauté est en rapport avec l’utilisation d’engins lourds au propergol solide dans des missiles dont le corps est construit de matériaux composites », écrit le journal Farhikhtegan, avant de rappeler que le commandant de la force aérospatiale du CGRI, le général Amir Ali Hajizadeh, a annoncé cette nouvelle, pour la première fois, le jeudi 13 janvier.

« Le général Hajizadeh, qui parlait à la tribune d’un rassemblement d’érudits religieux dans la ville iranienne de Qom, a annoncé que le pays avait testé avec succès un engin de missile à propergol solide capable de délivrer une poussée de 66 tonnes, pouvant être utilisé dans les fusées porte-satellites ». La nouvelle devient doublement importante, étant donné que les tests de missiles de ce genre constituent une énorme avancée vers la fabrication du missile balistique intercontinental (abrégé en anglais en ICBM), comme l’ont mentionné d’ailleurs des sources occidentales, rapporte le journal.

« En effet, le porte-satellite iranien Simorgh avait déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment dans les milieux médiatiques de l’Occident, qui avaient alors prétendu que ce missile était capable, techniquement parlant, de porter une ogive de 700 kg jusqu’à une portée de 7500 km. Or, cela fait des années que des pays n’utilisent pas des missiles à propergol liquide comme le Simorgh dans les projets de construction de missiles militaires à longue portée ».

Les explications du général Hajizadeh sur le test réussi d’un engin à combustible solide utilisable sur des missiles porte-satellites iraniens sont à elles seules beaucoup plus importantes que les spéculations des sources occidentales au sujet des missiles à l’instar de Simorgh, précise le journal Farhikhtegan. « Bien que l’Iran ait annoncé n’avoir pas l’intention de construire des missiles balistiques à des portées supérieures à 2000 km, le nouvel engin testé par la force aérospatiale du CGRI permettra au pays de franchir cette barre », ajoute l’article.

Il faudrait également rappeler que le commandant en chef du Corps des gardiens de la Révolution islamique, le général Salami, avait averti en novembre 2017 qu’au cas où l’Europe ferait signe de vouloir intervenir dans la question des missiles iraniens, l’Iran saurait à son tour augmenter la portée de ses missiles afin qu’ils puissent atteindre le continent vert. Cet avertissement, le commandant en chef du CGRI l’a répété encore une fois un an plus tard, au cours des marches marquant l’anniversaire de la victoire de la Révolution islamique, en février 2018.

C’est pourquoi les récentes déclarations du commandant de la force aérospatiale du CGRI devraient être présentées non pas comme un cas épars, mais sur un fond d’évolutions régionales et en prenant en compte les prises de position officielles iraniennes, surtout les déclarations des commandants militaires hauts gradés iraniens, d’après lesquelles le pays cherche à augmenter la portée de ses missiles balistiques.

En outre, là où le général Hajizadeh parle de l’utilisation en grande quantité de matériaux composite, au lieu de métal, dans la construction des corps des fusées porte-satellites, c'est le signe, selon les experts, que ces dernières pourront adopter une vocation militaire, étant donné que les missiles construits de composite sont naturellement beaucoup moins lourds et beaucoup plus rapides.

Aspects techniques particuliers du nouveau test balistique iranien

Le propulseur à propergol solide est plus simple à concevoir qu’un propulseur à propergol liquide, et peut délivrer des poussées très importantes à coût relativement faible.

Les propulseurs à propergol solide sont aujourd'hui utilisés pour des applications militaires (missiles), car ce type de propulseur peut être rapidement mis en œuvre (pas besoin de chargement d’ergols avant le lancement) après une longue période de stockage.

Ce type de propulseur est donc idéal pour effectuer de longues missions de surveillance qui nécessitent une capacité de tir rapide. Le test réussi de propulseurs à combustible solide est à lui seul un signe clair du progrès du pays dans le domaine balistique. En outre, à la différence des missiles utilisant l’engin à propergol liquide, les missiles qui utilisent des propulseurs à propergol solide peuvent être tirés depuis des plateformes de lancement amovibles difficiles d’ailleurs à viser par l’ennemi.

Jusqu’en 2020, en Iran, seuls les missiles avec une portée inférieure à 2000 km utilisaient le propulseur à propergol solide ; même le programme aérospatial iranien se bornait aux engins au combustible liquide.   

Une plateforme idéale pour développer des missiles hypersoniques?

Les missiles hypersoniques utilisent les missiles balistiques comme une plateforme de lancement, en ce sens que le missile hypersoniques est installé à la place de la tête d’un missile balistique pour ainsi atteindre une altitude d'une dizaine de km par rapport à la surface de la terre. (Dans un récent test de missile nord-coréen, un missile balistique a fait atteindre le missile hypersoniques dont il était le porteur, à une altitude de 60 km.) C’est à une aussi haute altitude que le missile hypersoniques se sépare du missile balistique pour commencer sa trajectoire vers une cible déterminée, un missile de croisière à titre d’exemple.

Lire aussi :

Dronophobie : nouveau « gadget » contre les drones iraniens

Sur ce fond, l’on pourrait dire qu’en acquérant la capacité de construire des missiles balistiques capables de supporter un lourd tonnage de port, l’Iran ne cherche pas uniquement à construire l’ICBM. Au lieu d’augmenter la portée, les missiles iraniens pourront se permettre désormais le port de « têtes » à vocation militaire de lourd tonnage, pour faire ainsi leur entrée dans la phase de production des missiles hypersoniques.

Vers des missiles antisatellites iraniens

Bien que la construction du nouveau propulseur à propergol solide iranien ne puisse pour le moment servir de base pour lancer la production en grand nombre de missiles antisatellites et les utiliser dans les opérations de surveillance militaire, l’Iran maîtrise déjà la technique d’interception des satellites dans l’espace et sera capable tôt ou tard de cumuler cette technique avec la puissance de ses missiles antisatellites afin de se procurer une puissance militaire significative en la matière.

Difficile désormais d’intercepter les missiles iraniens

Le propulseur testé par le CGRI profite d’une capacité du contrôle de la poussée vectorielle, lui permettant de changer à une grande vitesse la trajectoire du missile. Il sera donc possible de prévoir des trajectoires aléatoires pour des missiles utilisant ce type de propulseur. Autrement dit, l’utilisation des propulseurs à propergol solide qui assure une certaine manœuvrabilité, plus précisément une capacité de contrôle de la poussée vectorielle, permettra aux missiles iraniens du futur de rendre imprévisible leur trajectoire à haute altitude et à de longues portées, pour ainsi devenir largement capables de franchir la première, mais aussi la dernière couche de la défense antiaérienne multicouche de l’ennemi.

Objectifs et messages politiques

La publication de nouveaux détails sur le programme balistique iranien alors même que les pourparlers avec les 4+1 avaient lieu à Vienne, pourparlers censés aboutir à une levée des sanctions imposées à l’Iran, montre que le nouveau test de missile iranien transmet aussi un message politique clair extrêmement important ; et il s’agit d’un message fort à efficacité à la fois à court et à long terme.

À court terme, les interlocuteurs de Téhéran dans les négociations de Vienne auraient dû saisir un message en ce sens que la question des missiles iraniens offre un champ séparé, comme quoi les négociations sur le nucléaire ne se permettront désormais aucune allusion ni aucun amalgame avec les questions liées au programme balistique iranien.

En outre, le récent test de missile du CGRI, qui montre un progrès indéniable dans le domaine du développement des propulseurs sophistiqués, transmet au camp d’en face un message clair qui doit être pris au sérieux à long terme voire à jamais ; en ce sens que la RII n’accepte aucune limite lorsqu’il s’agit de développer ses missiles.

Cet acquis important montre également que les efforts pour recourir au « snapback » ou retour automatique des sanctions onusiennes contre l’Iran n’ont aucun impact sur la détermination de Téhéran dans les négociations.

Le nouveau test balistique du CGRI a dans une large mesure rendu stérile la politique américano-occidentale consistant à établir des délais pour l’aboutissement des pourparlers sur la levée des sanctions. Des réactions inhabituelles ou non-conventionnelles occidentales au récent test balistique du CGRI, dans le sens d’un durcissement des pressions sur l’Iran, devraient d’ailleurs nous conduire à une conclusion, en ce sens que même au cas où le Plan global d’action conjoint (accord de 2015 sur le nucléaire iranien, PGAC) serait revivifié, l’Occident continuera ses efforts pour violer cet accord sous divers prétextes.

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV