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"Ce que fait l'Amérique ne fait que pousser les Iraniens vers la bombe... n'est-ce un peu à dessin?" (The National Interest)

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
La centrale nucléaire iranienne, à Bouchehr, à 1.200 km de Téhéran. ©SIPA

Pour le moment, rester sur le point de fabriquer une arme nucléaire est probablement plus bénéfique pour Téhéran que de la fabriquer. Mais tout peut basculer en cas de la poursuite des menaces de Washington.

Téhéran a déclaré à plusieurs reprises ne pas être intéressé par la conception d’une arme nucléaire, mais poursuit son progrès en matière de technologie nucléaire. Les autorités du pays précisent leur refus de devenir une puissance militaire nucléaire de différentes manières, allant des raisons religieuses aux arguments stratégiques.

Alors que les pays occidentaux et leurs alliés arabes soupçonnent continuellement l’Iran de chercher à se doter d’armes nucléaires, de nombreux pays dont celui-ci, dotés des atouts techniques pour fabriquer des armes nucléaires, font preuve de retenue pour plusieurs motifs : les avantages de rester derrière le « seuil du nucléaire » peuvent l’emporter sur ceux de la fabrication d’une bombe.

Qui dit que l’Iran cherche une arme nucléaire ?

« Vu les propos tenus par le nouveau président iranien, Ebrahim Raïssi, au sujet du resserrement de la politique étrangère sur le programme de missiles de la République islamique et ses activités régionales, il est encore moins probable qu’auparavant que les pourparlers de Vienne renforcent l’accord nucléaire de 2015, connu sous le nom de Plan global pour action conjointe (PGAC) », indique le magazine bimensuel américain The National Interest, dans un article publié le 27 juin dernier.

« Après que l’ancien président américain Donald Trump a retiré son pays de l’accord nucléaire en 2018 et réimposé des sanctions économiques sévères contre l’Iran, Téhéran a procédé à la production de l’uranium métal et à l’enrichissement de l’uranium à un niveau dépassant les limites du PGAC. À l’heure qu’il est, les critiques de l’accord nucléaire sont à la recherche d’un nouvel accord plus complet plutôt qu’un retour au Conseil de sécurité de l’ONU, dont les clauses sont limitées dans le temps et n’empêchent pas définitivement l’Iran d’acquérir une arme nucléaire », rapporte le journal.

Cependant, ajoute-t-il, l’Iran est loin de laisser croire qu’il aspire à se doter de l’arme nucléaire. Après tout, personne ne sait avec certitude s’il a vraiment décidé de fabriquer une arme nucléaire. Bien que l’Iran puisse être en mesure de militariser ses capacités nucléaires après l’expiration de tout autre accord, il pourrait décider de ne pas armer son programme nucléaire à l’expiration de cet accord. Tout comme de nombreux pays, grands et petits, qui ont emprunté la voie de la nucléarisation à un rythme plus lent que leurs capacités ne le permettaient.

« Dans de nombreux cas, ces pays se sont maintenus pendant des années dans le stade d’avant l’acquisition d’armes nucléaires. Parmi eux, certains qui ont finalement rejoint le club nucléaire, comme Israël et l’Inde, n’étaient pas sûrs de leur objectif ultime et ont passé un temps considérable à discuter de la nature de leur programme nucléaire. La Corée du Nord a, quant à elle, testé sa première bombe atomique en 2006, plus d’un demi-siècle après le lancement de son programme d’armement nucléaire. Toutefois, son programme nucléaire en 1993 était déjà si avancé que les analystes du renseignement américain estimaient que Pyongyang était à un an ou deux de produire deux bombes nucléaires. L’Iran pourrait donc choisir d’être lent à atteindre la bombe, se disant que si le Japon est autorisé à disposer de la technologie du cycle du combustible nucléaire et à rester partie du Traité de non-prolifération nucléaire, il devrait avoir la possibilité de le faire », note le magazine américain.

Pourquoi les puissances nucléaires ne pourraient-elles pas fabriquer d’armes nucléaires ?

Selon The National Interest, la menace de sanctions sévères comme moyen d’empêcher la prolifération nucléaire ne peut être la seule raison de ce ralentissement du processus de nucléarisation. Même en absence de sanctions, le retard dans le franchissement du seuil des armes nucléaires est susceptible d’avoir du sens pour la plupart des puissances nucléaires potentielles sur les plans politique, économique et stratégique.

Politiquement, explique le bimensuel, les armes nucléaires se sont largement révélées inutiles comme moyen d’exercice du pouvoir, car les conséquences du recours à une telle puissance destructrice sont incroyables, sauf en réponse à de graves menaces contre la sécurité. De plus, être sur le point de construire une bombe nucléaire tout en maintenant ou en améliorant les technologies connexes peut fournir aux pays une monnaie d’échange qui est souvent bien plus puissante que leurs capacités réelles. Cela semble être la raison pour laquelle l’Iran s’engage dans des activités nucléaires qui n’ont pas forcément de justification civile. Même un petit pays, qui n’est normalement pas considéré comme très pesant sur la scène mondiale, peut faire pression sur les grandes puissances qui s’opposent à la prolifération nucléaire et en profiter pour obtenir des concessions en menaçant de devenir nucléaire.

Économiquement, la construction et l’entretien d’un arsenal nucléaire sont extrêmement coûteux pour la plupart des pays. Les experts nucléaires américains et sud-asiatiques affirment que l’Inde et le Pakistan ont dépensé chacun plus de 5 milliards de dollars pour leurs équipements nucléaires au début des années 2000. Les puissances nucléaires, en plus des coûts initiaux de construction d’armes, doivent engager des coûts énormes au fil des ans pour entretenir et moderniser les armes nucléaires et leurs vecteurs ; et ces coûts s’accumulent rapidement. Les puissances nucléaires régionales, comme Israël, l’Inde et le Pakistan, dépensent 1 à 3 milliards de dollars par an à cet effet. À noter que l’arsenal nucléaire ne permet généralement pas d’économiser le coût des forces militaires conventionnelles. La plupart des puissances nucléaires, tout en améliorant leurs capacités nucléaires militaires, sont obligées de maintenir et d’améliorer leurs capacités conventionnelles.

Sur le plan stratégique, les armes nucléaires ne garantissent pas nécessairement la sécurité d’un pays ; à moins qu’ils ne disposent de capacités solides et résilientes, explique le magazine. Un pays qui est nouvellement équipé d’armes nucléaires, s’il ne dispose pas de systèmes solides capables de les porter, se trouve généralement dans le dilemme « d’utiliser ou d’éliminer » ses armes nucléaires. En cas de crise, il est plus exposé aux frappes préventives que les États nucléaires potentiels. En revanche, face à une menace d’agresseurs, les pays qui sont sur le point d’acquérir une arme nucléaire peuvent menacer de franchir le seuil en réponse à toute attaque, compromettant ainsi la sécurité et la position de pouvoir de l’agresseur.

Comment les États-Unis pourraient-ils forcer l’Iran à se doter d’une arme nucléaire ?

Pour toutes ces raisons, conclut The National Interest, les nations qui ont la capacité d’acquérir l’arme nucléaire sont souvent arrivées à la conclusion qu’il est dans leur intérêt de ne pas s’y précipiter. Il est également peu probable que l’Iran soit pressé de transformer ses capacités nucléaires en un arsenal nucléaire. Cependant, les calculs de Téhéran peuvent basculer face à la menace imminente des États-Unis qui risquent d’inciter Téhéran à agir rapidement pour construire des armes nucléaires et empêcher une frappe militaire. Ainsi, les menaces militaires qui ont pour objectif d’empêcher la prolifération des armes nucléaires pourraient justement produire un effet que Washington cherche à éviter depuis des années.

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV