Après la visite à Téhéran du ministre indien des Affaires étrangères qui a remis au président élu iranien Ebrahim Raïssi le message écrit du Premier ministre indien, Narendra Modi, les analystes estiment que New Delhi porte un regard spécial sur les relations avec l’Iran et qu’une fois les négociations nucléaires de Vienne arrivées à un résultat tangible, l’Inde reprendra l’achat du pétrole iranien.
Suite à la victoire d’Ebrahim Raïssi à l’élection présidentielle en Iran, le Premier ministre indien lui a adressé ses félicitations et a souhaité le développement des relations entre les deux pays.
Le 7 juillet, le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, qui se rendait à Moscou, a fait escale pendant quelques heures à Téhéran pour remettre à Ebrahim Raïssi le message écrit de Narendra Modi.
Suite à cette rencontre, l’assistant du ministre iranien des Affaires étrangères, Seyyed Rassoul Moussavi, a déclaré aux journalistes que la rencontre de Subrahmanyam Jaishankar avec M. Raïssi était brève, mais très importante : « Nous sommes sûrs que cette rencontre sera la pierre angulaire d’une nouvelle phase des relations entre l’Inde et la République islamique d’Iran sous la présidence de M. Raïssi », a-t-il déclaré.
Au cours de cette rencontre, le président élu iranien a souligné que la stabilité et le développement des relations historiques entre Téhéran et New Delhi notamment sur le plan économique dépendraient de la volonté des deux parties à établir leurs liens uniquement sur la base de leurs intérêts communs.
Il a fait allusion ainsi au fait que son gouvernement exigerait de l’Inde une approche indépendante et une résistance aux ingérences des superpuissances dans les relations bilatérales entre l’Iran et l’Inde.
De son côté, le ministre indien des Affaires étrangères a invité, de la part du Premier ministre Narendra Modi, le président élu iranien Ebrahim Raïssi à visiter l’Inde.
Quelques heures seulement avant cette rencontre à Téhéran, le Conseil des ministres à New Delhi avait examiné les moyens permettant à l’Inde d’entamer une nouvelle phase de ses relations avec la République islamique d’Iran.
Relations économiques irano-indiennes
L’Inde a toujours été un client majeur du pétrole iranien. En 2019, un an après la décision de Washington de se retirer unilatéralement de l’accord nucléaire des grandes puissances avec l’Iran sur son programme nucléaire civil, l’administration de Donald Trump a annulé les exemptions faites à l’Inde pour acheter du brut iranien. Sous les pressions des États-Unis, le gouvernement indien a dû suspendre ses importations de pétrole iranien et les remplacer par le brut du Mexique. Les Indiens ont été obligés aussi de conclure plusieurs accords avec des compagnies pétrolières américaines.
Le pétrole n’est pas le seul secteur des relations économiques entre l’Inde et la République islamique d’Iran. Les deux pays coopèrent aussi dans le cadre du projet du développement et de la modernisation du port iranien de Chabahar, et ce, alors que les sanctions illégales des États-Unis ont fait exception à ce projet stratégique tant pour l’Iran et l’Inde que pour plusieurs autres pays de l’Asie centrale ou du Caucase, compte tenu de la possibilité du transit via le territoire iranien.
Pour l’Inde, les relations avec l’Iran ont un aspect stratégique
M. Pir-Mohammad Molazehi, spécialiste du sous-continent indien, a déclaré à l’agence Fars News que l’Inde portait un regard spécial sur les aspects stratégiques de ses relations avec la République islamique d’Iran.
Par exemple, l’un des facteurs qui comptent beaucoup aux yeux des Indiens, c’est les accords tripartites conclus parmi l’Inde, l’Iran et l’Afghanistan au sujet de la création d’un corridor spécial de transit de passagers et de marchandise pour relier le port iranien de Chabahar au territoire afghan, puis aux autres pays de l’Asie centrale.
En outre, l’Iran, l’Inde et la Russie ont signé un autre contrat portant sur la création d’un corridor nord-sud pour relier l’Inde à la Russie via le port de Chabahar et le territoire iranien.
Selon Pir-Mohammad Molazehi, le changement du gouvernement à Téhéran ne changera rien dans la volonté des Indiens de renforcer le plus tôt possible leurs relations avec la République islamique d’Iran.
« Ce qui compte avant tout pour New Delhi est la possibilité d’exécuter ses accords avec la partie iranienne », estime M. Molazehi.
Évoquant l’arrêt de l’achat du pétrole iranien par l’Inde sous les pressions et les menaces de l’administration Trump, Pir-Mohammad Molazehi souligne que New Delhi a pris cette décision à contrecœur. En outre, ce sont les Indiens qui ont obligé la partie américaine à faire exception au projet du développement des infrastructures du port iranien de Chabahar, compte tenu de l’importance de ce projet pour New Delhi.
Selon M. Molazehi, la coopération avec la République islamique d’Iran est la pièce maîtresse des projets régionaux et internationaux de l’Inde dans la région de l’Asie du Sud-ouest, là où l’Inde se voit engagée dans une rivalité régionale avec le Pakistan et une rivalité internationale avec la Chine.
Quant aux récents événements survenus en Afghanistan, Pir-Mohammad Molazehi souligne qu’il existe un conflit d’intérêts majeur entre New Delhi et Islamabad dans ce domaine, d’autant plus que les talibans sont traditionnellement proches du Pakistan. Pour ne pas tout perdre en Afghanistan, l’Inde semble estimer qu’un rapprochement avec la partie iranienne au sujet de l’Afghanistan serait efficace pour maintenir ses intérêts en Afghanistan.