Ce lundi 11 janvier, les présidents azerbaïdjanais et arménien se retrouvent une nouvelle fois en conclave à Moscou sans que la Turquie d'Erdogan, principal vecteur de la guerre pro US/pro OTAN d'octobre au Caucase Sud soit invité à Moscou. Ces deux derniers jours, alors même que l'armée turque continue à s'acharner sur Ain Issa en Syrie sans pour autant pouvoir déverrouiller cette localité stratégique sur M4, l'armée syrienne et la Russie s'en sont pris aux sites de contrebande de pétrole turc dans le Nord syrien.
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— Last Defender (@LastDef) January 9, 2021
C'est que l'Azerbaïdjan a commencé ses livraisons commerciales de gaz naturel à l'Europe via le pipeline Trans Adriatic (TAP), ce jeudi, à l'instigation d'Anakra qui n'en revient pas d'avoir perdu la guerre otanienne au Caucase Sud, au bout de 44 jours de combats dans le Haut-Kabarakh qui est pour l'heure sous contrôle total des troupes russes qui y détiennent une méga base aérienne avec non pas 2500 comme annoncé, mais bien 10 000 effectifs des forces spéciales. Juste avant que le Congrès confirme la présidence Biden cette semaine, la revue américaine Foreign Policy dressait une liste de 10 guerres à déclencher ou à poursuivre en 2021 dont celle qui devrait opposer la Turquie à la Russie, allant même jusqu'à en déterminer le lieu : « ce sera ou en Libye, ou en Syrie ou bien dans le Caucase-sud ».
Vu que le « Sultan » Erdogan largement favorisé sous Trump a déjà vécu une tentative de coup d'Etat en 2016, tentative concoctée par la CIA d'Obama, il n'aurait plus aucun autre choix que de se soumettre. Mais la Russie comment compte-t-elle s'y prendre ?
La réunion de ce dimanche à Moscou se tient à l’initiative du président russe Vladimir Poutine qui a eu, avant ce sommet, un entretien téléphonique avec son homologue français Emmanuel Macron et une réunion avec les responsables de sécurité et de politique extérieure russes, portant sur le Karabakh.
La Turquie est la grande absente de cette réunion tripartie alors qu’elle était l’acteur principal du conflit du haut-Karabakh, à titre de membre de l’OTAN face à une Russie quelque peu surprise par le fait qu'Ankara ait si rapidement renversé la table, sans tenir compte des accords turco-russes en Syrie ou en Libye. « Il est vrai que l’un des objectifs de l’OTAN est de maîtriser la Russie et l’encercler depuis l’ouest et le sud pour ainsi réduire son champ d’influence et de pouvoir. Ce qui explique d’ailleurs le silence complice de l’OTAN et donc de l’Europe face aux agissements interventionnistes de la Turquie au Caucase du Sud. En effet, les intérêts vitaux de l’Alliance atlantique, de l’Union européenne et des États-Unis face à la Russie, exigent qu’ils soutiennent la présence militaire turque en tant que membre influent de l’OTAN dans la région du Caucase du Sud », note un analyste.
L’analyste juge pourtant difficile d’assimiler l'outrecuidance d'Ankara qui bien conscient de ses limites a tenté de changer certaines équations sur l’échiquier régional, défi qu'il vient de renouveler en poussant Bakou à ouvrir le transfert du gaz azerbaïdjanais vers l’Europe. Ankara tente-t-il un étau géopolitique autour de la Russie, la défiant au nom de L'OTAN, pour la première fois après l’effondrement de l’ex-Union soviétique, quitte à remettre en cause sa suprématie régionale ? Visiblement et avec Biden au pouvoir, il se peut que la Turquie poursuive encore plus audacieusement ses ingérences en Abkhazie, Ossétie du Sud en Géorgie et en Crimée.
« Parallèlement aux changements géopolitiques au Caucase du Sud, le projet d’exportation du gaz via l’Azerbaïdjan vers le sud de l’Europe s’est achevé, ajoutant ainsi une autre pièce au puzzle de l’Occident dans sa guerre hybride contre la Russie pour que le continent européen puisse se libérer peu à peu de sa dépendance envers la Russie. En effet, l’inauguration des gazoducs trans-anatolien (TANAP) et trans-adriatique (TAP) depuis la mer Caspienne jusqu’à l’Italie dans le sud de l’Europe peut être considérée comme un coup dur à la puissance énergétique de la Russie, poursuit l'expert qui ajoute :
“Cela s’avère plus important lorsqu’on se rappelle des sanctions US auxquels fait face le projet de transfert du gaz russe en Allemagne, dit Nord Stream II. Si jamais l’Allemagne se voit en mesure d’assurer ses besoins en gaz naturel via d’autres sources, en l’occurrence le gaz azerbaïdjanais, elle lâchera sans doute le projet Nord Stream II et cela serait une grande victoire aussi bien pour les États-Unis que pour les puissances européennes, et certes un coup dur aux revenues en devise de la Russie. Et les répercussions s'en feront sentir en termes de projets militaires et économiques russes partout au monde, y compris au Moyen-Orient. La Turquie joue là le rôle d'un frein”.
Mais la Russie se laissera-t-elle faire ? “Quoi qu’il en soit, la Russie a son propre plan de contre-attaque. Tout au long du conflit Azerbaïdjan/Arménie, elle a évité de prendre parti pour l’un ou l’autre pour pouvoir jouer plus tard le rôle de ‘gendarme régional’, ce qui lui a assuré une présence militaire puissante au Caucase du Sud. Elle a aussi entrepris toutes les mesures préventives pour contrer l’entrée des rivaux et des ennemis potentiels dans son pré carré, parmi d’autres, la prise du contrôle du Haut-Karabagh et la supervision des corridors de transit de transport et d’énergie. Mais le succès à long terme de ces mesures dépend de la capacité de la Russie à maintenir sa puissance économique ; ce qui n’est pas d’ailleurs très prometteur vu les fortes fluctuations du marché pétrolier et les sanctions occidentales. Mais l'atout de la Russie est d'abord son alliance économique avec la Chine et son partenariat militaire avec l'Iran : Au Moyen-Orient, la Turquie ne sera pas faire avancer ses plans trop facilement tant que ces plans s'opposent à ceux de la Résistance, et ce au grand bénéfice de la Russie”.