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Pourquoi la Turquie a-t-elle frappé une base appartenant aux forces spéciales US?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Un soldat américain assis au sommet d'un véhicule blindé à la périphérie de la ville de Ras al-Aïn dans la province syrienne de Hassaké, près de la frontière turque, le 6 octobre 2019. ©AFP

Jeudi soir 10 octobre, un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU stipulant la condamnation de l'offensive turque contre le nord-est de la Syrie s'est heurté au double veto russo-américain, faisant dire aux analystes que la guerre sans merci qu'a lancée Erdogan contre les populations kurdes du nord de la Syrie ne va pas sans un feu vert préalable de la Russie et des États-Unis. Mais évidemment, chaque puissance a ses propres raisons. Alors que la Russie cherche à contraindre les Kurdes à revenir à l'État, les Américains, eux, travaillent ardemment à mettre sur pied et par étape, leur plan B qui devrait sauver ce qui leur reste après leurs défaites successives au Moyen-Orient, en Irak, en Syrie, au Yémen et ailleurs. Peu de temps après que des dizaines de forces spéciales US ont quitté le nord-est de la Syrie à destination de l'Irak, le Pentagone a fait état d'une frappe d'artillerie turque contre l'une de ses bases, évidemment déserte et située non loin de Kobani, dans le nord-est de la Syrie.

Dans un communiqué, le Pentagone a annoncé que l’attaque avait été menée à 9 h (heure locale) et que l’artillerie de l’armée turque avait frappé une région qui se trouvait à 100 mètres de la zone sûre où étaient présentes les forces américaines. Le ministère turc de la Défense n'a pas commenté l'incident.

Selon le Pentagone, « la Turquie était parfaitement consciente de la présence des forces américaines dans cette région ». Le Pentagone ajoute que l’attaque turque n’a fait aucune victime, mais que « Washington s’oppose toujours à l’opération militaire d’Ankara dans le nord de la Syrie ». Ce commentaire renvoie en effet aux propos tenus vendredi par le secrétaire US à la Défense, Mike Esper qui a prétendu n'avoir aucunement lâché les Kurdes et se tenir aux côtés d'eux partout ailleurs, sauf dans le nord-est ! 

Dans la foulée, le magazine américain Newsweek est allé plus loin dans son analyse en affirmant que l'armée turque avait frappé le siège des forces spéciales américaines, opérant dans le nord de la Syrie, alors qu’elle visait les Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes.

Selon un responsable des services de renseignement irako-kurde et un haut responsable du Pentagone, « l'armée turque a frappé par erreur une base des forces spéciales américaines lesquelles avaient intégrées les troupes des FDS à Kobani ».

Une attaque par tirs d'artillerie et menée sur la colline de Mashtenour à Kobani. Selon les observateurs, le silence du ministère turc de la Défense est loin d'être anodin : la Turquie cherche-t-elle à fournir aux Américains le prétexte nécessaire à un retrait total du nord-est de la Syrie en vue d'un redéploiement en Irak voisin ? 

Jeudi, les États-Unis ont transféré depuis la Syrie 50 soldats et une grande quantité d’armes et de munitions vers l’Irak. La chaîne syrienne Al-Ikhbaria TV a confirmé l'info ajoutant que les États-Unis avaient transféré leurs armes et munitions de la Syrie vers l’Irak à bord d'avions de transport.

Ainsi l'opération « Peace Spring » d'Ankara contre les FDS et leurs alliés au sein des Unités de protection du peuple (YPG) serait surtout un bon prétexte pour le redéploiement de troupes en Irak où les tentatives de déstabilisation US contre l'État ont connu leur apogée la première semaine d'octobre. Les frappes d'artillerie et aériennes turques ne visent à vrai dire que les populations civiles du Nord-Est, les FDS ne s'opposant à l'armée turque et à leurs mercenaires que de façon plutôt théâtrale. Le général retraité libanais et expert des questions militaires le soulignait vendredi : "aux premières frappes de l'armée turque, les FDS ont pris massivement la fuite". Peu après, Trump tweetait qu’un accord entre la Turquie et les Kurdes dans la région était l’une des trois options envisagées : " … Nous avons l’un de trois choix : envoyer des milliers de soldats et gagner militairement, frapper très durement la Turquie financièrement avec des sanctions ajoutées, ou faire les médiateurs dans un deal entre la Turquie et les Kurdes ! "

On tend à se demander s'il y a un accord sous la table qui commence à révéler son contenu. Un plan qui consisterait à ce que la Turquie établisse la zone de sécurité qu’elle réclame conformément à l’accord turco-américain de juillet dernier ; que les FDS restent à l’est de l’Euphrate sur une superficie de 22 000 km². En ce sens, la Turquie n'agit que suivant un plan prémédité signé USA. Depuis le début de cette offensive, les forces armées turques et leurs alliés de la prétendue « Armée nationale syrienne » ont capturé plusieurs zones autour des villes de Ras al-Aïn, appartenant à la province de Hassaké, et de Tal Abyad, dans la province de Raqqa.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV