Au mois de mars 2019, les Etats-Unis d'Amérique ont annoncé quasi simultanément le déploiement des batteries de missiles THAAD dans le sud d'Israël et en Arabie saoudite. Or ces systèmes n'ont servi les pays hôtes ni pour contrer les missiles de la Résistance palestinienne tirés depuis Gaza ni pour repousser les drones et les missiles qui s'abattent désormais quasi quotidiennement sur le sud saoudien en provenance du Yémen. Alors pourquoi les avoir déployés? Cela fait une semaine que les officiels US accusent les forces de la Résistance irakienne, les Hachd al-Chaabi d'avoir été derrière la frappe au drone spectaculaire du 14 mai contre le pipeline Ouest-Est qui a impliqué sept drones sur une distance de 800 kilomètres et qui a interrompu le flux du pétrole à charger à Yanbu pendant plusieurs jours. Cette allégation littéralement infondée a provoqué l'ire de Bagdad qui demande à Riyad de lui présenter des preuves.
L'Arabie saoudite se serait référée aux rapports américains pour contacter Bagdad :« L’Arabie saoudite a informé, la partie irakienne, du déploiement de systèmes d'interception et de surveillance aérienne à la frontière irakienne », affirme Al-Sumaria citant un responsable de la sécurité de Riyad dans le journal Gulf : « Des responsables de la sécurité saoudienne ont contacté des responsables irakiens après des informations selon lesquelles des drones auraient été lancés à l’intérieur du pays pour attaquer des sites pétroliers saoudiens ».
Sur cette base, le roi Salmane d’Arabie saoudite aurait même mis en garde le Premier ministre irakien Adel Abdel-Mahdi contre les risques d'une "reconduction" de telles attaques sur les relations Riyad/Bagdad, sans pour autant avoir été en mesure d'étayer ses accusations par des preuves concrètes. Mais Riyad n'en est pas resté là. Le roi saoudien aurait également demandé au Premier ministre irakien de "confier à l’armée le contrôle des frontières" et d’éloigner "les groupes armés" (Hachd al-Chaabi) des frontières.
Pour de nombres analystes, ces allégations saoudiennes qui font suite à un article paru dans le Wall Street Journal, ne sont pas anodines: depuis des semaines les Américains tentent de soudoyer les tribus sunnites d'al-Anbar, province limitrophe à la fois avec la Syrie, la Jordanie et l'Arabe saoudite, à l'effet de les faire remonter contre les forces des Hachd al-Chaabi qui opèrent activement à l'effet d'empêcher les infiltrations terroristes depuis Deir ez-Zor voisine ou encore du territoire saoudien. Le nouveau scénario qui se joue en ce moment consiste à éliminer la présence des Hachd sur les frontières avec l'Arabie saoudite ou tout bonnement à al-Anbar et à faciliter ainsi le trafic d'armes et de terroristes.
Mais ce n'est pas tout : le système THAAD est un système de missiles anti-balistiques américain intégré, en service depuis 2008. C'est un système qui intègre de facto l'Arabie saoudite mais aussi Israël aux bases américaines à Diego Garcia (Océan Indien) ou encore à Guam et au Japon. C'est un système qui se connecte aussi aux bases US en Europe de l'Est. En poussant Riyad à déployer THAAD près des frontières avec l'Irak, les Etats-Unis franchissent un pas de plus vers la trilatéralisation de leurs systèmes balistiques au Moyen Orient (Israël, Arabie), et partant, au renforcement de leur front de combat contre l'Iran mais aussi la Chine et la Russie.
La réaction irakienne face à cette allégation et face à la demande de Riyad?
Une source officielle a révélé que le gouvernement irakien avait exigé des preuves à l’appui de ces allégations de l’administration américaine. Dans ce contexte, la commission pour la sécurité et la défense du Parlement irakien a rejeté le 1er juillet les allégations de Riyad selon lesquelles l’attaque de drone contre les installations pétrolières était menée depuis l’Irak. « Si l’attaque au drone contre les oléoducs saoudiens a été menée depuis l’Irak, pourquoi Riyad n’a-t-il pas soulevé la question auprès des Nations unies », s’est interrogé Ali al-Ghanemi, membre de la commission pour la sécurité et la défense du Parlement irakien, en soulignant : « Ces propos ne sont pas corrects et l’Arabie saoudite le sait très bien ».
Au demeurant l'Etat irakien vient d'émettre un décret en dix points, officialisant le statut des Hachd al-Chaabi à titre de composante à part entière des forces armées irakiennes. Cette initiative qualifiée par les experts de particulièrement "opportune" permettrait aux forces de la Résistance de se connecter aux sites militaires américains, toujours dans le strict objectif de déjouer les plans américains. « Ce serait une coordination de plus entre l'axe de la Résistance, la Russie et la Chine dans cette grande bataille qui est livrée par l'Est à hégémonie américaine », note un analyste.