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Syrie : pourquoi le président US devrait-il privilégier les plans d’Erdogan ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les troupes de l'armée turque près de la frontière syrienne à Hassa, dans la province de Hatay, le 21 janvier 2018. ©AFP

« Les États-Unis semblent rester persuadés de pouvoir procéder au démembrement de la Syrie par le biais de la Turquie voisine. Mais le président turc doit savoir que l’Iran et la Russie ne laisseront jamais seul Damas face à une agression turque contre l’Est syrien. »

Dans une note publiée par le journal libanais Al-Binaa, l’analyste libanais Wafiq Ibrahim, revient sur la décision de Washington de retirer ses forces de Syrie en rapport avec les préparatifs d’une incursion turque contre l’est de l’Euphrate.

« L’Est syrien n’est pas une rue à Istanbul », tel est le titre de l’article d’Al-Binaa qui se poursuit en ces termes :

« Le président turc, Recep Tayyip Erdogan annonce avec une confiance en soi excessive que ses forces sont prêtes à attaquer l’Euphrate-Est dès lors que les Américains en auront retiré leurs forces ; ce qui devrait durer trois mois. Erdogan parle comme si l’armée turque allait se préparer pour une attaque contre des bandes de voyous dans les rues d’une ville de la Turquie et non pas dans une région appartenant à la souveraineté syrienne d’une superficie d’environ 50.000 km² et où se trouvent des dizaines de milliers de combattants kurdes auxquels s’ajoutent des éléments de plusieurs groupes extrémistes de différentes nationalités, majoritairement stipendiés par les services de renseignement d’Ankara.

De plus, Erdogan aurait oublié que l’est de l’Euphrate recèle aussi des bases aériennes française et britannique et des forces militaires de ces deux pays. Même si l’on suppose que les Américains retirent leurs forces de leurs treize sites militaires majeurs à l’est de l’Euphrate, dont leurs bases aériennes et même si les forces spéciales US évacuent les trois principales bases américaines dans cette région, les forces tribales arabes soutenues par les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, outre les forces françaises et britanniques, seront encore présentes à l’est de l’Euphrate. »

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D’après le journal Al-Binaa, le président turc aurait oublié que l’Euphrate-Est est sous la souveraineté du gouvernement syrien reconnu par les Nations unies et qui a préparé des plans progressifs afin de libérer les moindres zones restant toujours occupées, un gouvernement qui n’a jamais cédé un pouce de terrain du pays sous la pression.

Le journal rappelle que le gouvernement syrien a déjà libéré la moitié des zones occupées par des terroristes qui, avec l’appui des services de renseignement américain, turc et jordanien, s’étaient infiltrés en Syrie en empruntant les frontières de la Turquie, de l’Irak et de la Jordanie. « Peut-on imaginer que le gouvernement syrien renonce maintenant à Idlib et à d’autres zones au nord et nord-est du pays ? », écrit le journaliste libanais, et d’ajouter que le gouvernement syrien a déjà envoyé des forces à Deir ez-Zor et d’autres zones de conflit pour compléter la libération des zones occupées. « La Syrie est déterminée à protéger ses citoyens des complots funestes de la Turquie », précise le texte.

Et quant aux alliés de la Syrie, l’analyste libanais fait allusion à la récente visite du président iranien à Ankara. Le président Rohani aurait transféré à son homologue turc un message en ce sens que la Syrie repousserait toute attaque en provenance de Turquie, et que Téhéran et Moscou n’hésiteraient pas à la soutenir.

Et les Russes ? Ils connaissent bien la raison de toute attaque ou tout recul des Américains ; il y a certes un rapport avec leur situation sur les champs de bataille et sur la scène économique mondiale, écrit le journal qui ajoute :

« Dans l’optique des stratèges russes, les Américains se trouvent à l’heure actuelle dans une véritable impasse à l’est de l’Euphrate et au nord de la Syrie. Ils savent très bien qu’il leur sera impossible de contraindre les parties syrienne, iranienne et russe à accepter leurs plans de partition en Syrie. C’est pourquoi ils ont de nouveau décidé d’accepter l’approche turque en Syrie. »

Faisant allusion aux inquiétudes sécuritaires d’Ankara liées aux Kurdes syriens et leurs liens avec les Kurdes de Turquie, le journal ajoute :

« C’est là que se révèle le plan des États-Unis de transférer leurs forces de la Syrie vers des bases à la frontière syro-irakienne ; auxquelles devraient également s'ajouter des forces otaniennes et surtout françaises, britanniques et probablement allemandes.

Par ailleurs, les États-Unis ont permis à la Turquie d’avancer jusqu’à une profondeur de 40 km sur le territoire syrien. Ankara pourrait ainsi y faire revenir des dizaines de milliers de réfugiés syriens. Cela permettrait à Washington de réaliser son plan de démembrement de la Syrie et devrait également dissiper les inquiétudes d’Ankara quant au projet kurde. Ce faisant, les États-Unis auront réussi à éloigner la Turquie de l’axe russo-iranien. Le risque d’une confrontation directe Syrie-Turquie sera ainsi considérablement renforcé et la donne des relations entre Ankara, d’une part, et Téhéran et Moscou, de l’autre, va de plus en plus se compliquer. »

Les Kurdes et leur perpétuelle erreur de calcul

« Les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) auraient donc mis trop d’espoir dans les promesses américaines. Ils se laissent toujours instrumentaliser par le camp atlantiste. Tout récemment, ils ont demandé aux Français de leur établir une zone d’exclusion aérienne dans le Nord syrien, tandis qu’Israël, aussi, leur fait miroiter la promesse d’appui militaire et de protection aérienne. Cette question a d’ailleurs poussé des courants kurdes critiques des FDS d’accélérer les concertations avec le gouvernement syrien, dans l’espoir de sauver les Kurdes syriens et de les empêcher de poursuivre ‘‘le chemin de suicide’’. »

Pour finir, l’analyste libanais se montre optimiste sur l’avenir de la Syrie et de ses alliés qui, malgré tout, seront capables d’instaurer un ordre régional qui défiera non seulement les États-Unis, mais aussi la Turquie, Israël et les régimes arabes rétrogrades du golfe Persique.

 

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV