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L’opinion publique jordanienne se rapproche du triangle Iran-Russie-Syrie

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Un char Merkava Mark IV de l’armée israélienne participe à un exercice militaire dans les hauteurs du Golan occupé, le 2 mai 2018. ©AFP

Le célèbre analyste du monde arabe s’est penché, à travers un article publié dans le quotidien Rai al-Youm, sur les récentes évolutions en Syrie.

Abdel Bari Atwan prévoit l’ouverture d’un nouveau front dans le sud de la Syrie compte tenu des nouvelles qui arrivent chaque jour sur l’envoi en masse des forces militaires de la Garde républicaine et du quatrième bataillon de l’armée syrienne vers Deraa par le biais de l’autoroute internationale Damas-Deraa. « Ce nouveau combat, a-t-il dit, visera à déloger les terroristes du Sud et à rouvrir un point de passage international qui se trouve sur la frontière entre la Jordanie et la Syrie. »

Les agissements auxquels on assiste dans le sud de la Syrie s’ajoutent aux nouvelles faisant part d’un plan des États-Unis de créer trois régions autonomes sur le sol syrien : une région autonome kurde dans le Nord-Est (Hassaké, Qamichli, Kobané et d’autres villes au peuplement kurde), une région sunnite tribale le long de la rive orientale de l’Euphrate en passant par les gisements d’hydrocarbure de l’est de Deir ez-Zor et une autre région autonome dans le Sud couvrant Quneitra, Soueïda et Deraa. Celle-ci ressemblerait plutôt à un émirat indépendant.

« Pour atteindre cet objectif, les États-Unis ont implanté des bases militaires dans le nord de la Syrie, plus précisément à Raqqa, ancienne capitale autoproclamée des terroristes de Daech, ainsi que dans la région d’al-Tanf, près des frontières de la Jordanie. Par ailleurs, les Américains soutiennent les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les forces tribales du Sud par leurs armes sophistiquées, dont des pièces d’artillerie, des blindés et des missiles antichars de type TOW.

En réalité, Washington fait de son mieux pour plaire à Israël, qui lui a déjà demandé de ne pas permettre aux militaires syriens et iraniens ni aux combattants du Hezbollah de s’installer dans le Sud et près du Golan. Or, les tentatives des États-Unis sont loin d’empêcher le triangle Syrie-Russie-Iran d’ouvrir un nouveau front dans le Sud, d’autant plus que ce puissant triangle a réussi à libérer la Ghouta orientale et, avant ça, Alep, Deir ez-Zor, Palmyre et d’autres villes syriennes. »

Abdel Bari Atwan a assuré que l’armée régulière syrienne ne laisserait en aucun cas la mise en place d’un émirat autonome dans le Sud ni la rupture de ses frontières terrestres avec la Jordanie, qui servent de portail via lequel la Syrie exporte ses marchandises vers l’Arabie saoudite, les émirats du golfe Persique et l’Égypte, car un tel événement aurait des conséquences économiques, politiques et stratégiques défavorables pour la Syrie.

Pour Atwan, le front du Sud fait partie des priorités de l’armée syrienne, car elle risque d’y entrer dans une confrontation directe avec l’armée israélienne, les forces américaines ou les groupes soutenus par Israël.

Abdel Bari Atwan s’est ensuite attardé sur une question délicate : « Que fera le gouvernement jordanien en cas de déclenchement d’une guerre près de ses frontières du Nord ? »

« Ces jours-ci, toutes les réactions du gouvernement jordanien se limitent à des “démentis”. Le porte-parole du gouvernement jordanien ne cesse de publier des communiqués dans lesquels il dément quelque chose. Par exemple, il a récemment démenti le tir de missiles “inconnus”, en provenance de la Jordanie selon certaines sources, visant Alep et Hama. La question la plus importante à laquelle la Jordanie n’a pas encore réagi est la demande par Donald Trump de l’envoi de forces arabes en Syrie pour remplacer les soldats américains ou pour combattre aux côtés de ces soldats pour tenter de créer trois régions autonomes kurde, sunnite et tribale. À cette proposition, l’Arabie saoudite a dit “oui” et l’Égypte l’a d’abord acceptée puis rejetée. Elle a été saluée par le Qatar alors que la Jordanie n’a rien dit à ce propos. Or, une réponse positive de la part d’Amman semble plus probable, car la Jordanie aura certainement du mal à dire “non” à Washington dans la conjoncture économique très difficile qu’elle traverse. »

Abdel Bari Atwan a réaffirmé que la Jordanie serait parmi les perdants en cas de déclenchement d’une guerre dans le sud de la Syrie, car elle ferait face à un afflux de migrants syriens, amassés à ses frontières, même si elle optait pour une posture de neutralité.

Il a rappelé que l’opinion publique de la Jordanie se sentait, à présent, plus proche que jamais du triangle Iran-Russie-Syrie, notamment depuis la décision de Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Qods et la révélation de la volonté des États-Unis de démembrer les pays de la région.

« La logique demande que la Jordanie se tienne à l’écart des plans des États-Unis et des conséquences déstabilisatrices de ces plans en Syrie et au Moyen-Orient, d’autant plus que tous les plans du genre ont échoué pendant les sept dernières années. C’est sur fond de ces échecs que plusieurs pays, dont le Qatar, se sont finalement décidés à tourner le dos aux plans américains. L’Arabie saoudite, elle aussi, pourrait faire la même chose, car l’armée syrienne a fait preuve de sa puissance extraordinaire en déjouant tous les pronostics et en reprenant la majeure partie des terres qu’elle avait perdues. »  

Abdel Bari Atwan a recommandé aux responsables jordaniens de ne pas se laisser impliquer dans la guerre qui sera très probablement déclenchée dans le sud de la Syrie, car ce qui garantit la sécurité et la stabilité de la Jordanie est son refus de faire partie des plans des États-Unis.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV