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Syrie : Ankara/Washington, synergique ou antinomique?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des soldats turcs au nord de la Syrie, dans la province de Hatay, en Turquie, près de la frontière syrienne, le 23 janvier 2018. ©AP

Les récentes évolutions en Syrie émanent de la contradiction qui oppose les pays rivaux, soucieux de leurs intérêts. Le samedi 20 janvier, l'armée turque a lancé une offensive militaire d'envergure contre la ville d'Afrin, dans le nord de la Syrie. Afrin, située dans le nord de la province d'Alep, est contrôlée, depuis des années, par les miliciens kurdes des Unités de protection du peuple (YPG). Les forces turques, impliquées dans la bataille d'Afrin, sont secondées par les éléments de l'Armée syrienne libre (ASL).

La question des Kurdes reste toujours un grand défi pour le gouvernement turc qui craint toute évolution pouvant provoquer l'opinion publique kurde en Turquie. D'où sa décision de se dresser devant les Kurdes syriens qui venaient d'établir des relations amicales avec la Maison Blanche et de recevoir une importante quantité d'aides, surtout sur le plan militaire. Les Kurdes, qui ont réussi à s'emparer de Raqqa et de certaines localités de Deir ez-Zor, sont considérés par Ankara comme étant des "groupes terroristes". À présent, les raids aériens et les attaques terrestres de l'armée turque contre les Kurdes du nord syrien sont si intenses que ces derniers ont fait appel à l'armée syrienne pour les protéger devant la Turquie.

Qu'est-ce qui inquiète Ankara? Ce ne sont certes pas les Kurdes qui inquiètent la Turquie, mais les localités syriennes qu'elle compte occuper.

De son côté, la Russie a proposé aux dirigeants kurdes d'accepter le déploiement de l'armée syrienne à Afrin, mais les YPG ont dit "non" à la suggestion russe en raison de l'importance stratégique que revêt Afrin. A vrai dire, les Kurdes ont facilité la tache à Ankara qui sans la présence de l'armée syrienne, avancera beaucoup plus rapidement que prévu dans le nord syrien. 

Ankara avait auparavant placé sa "ligne rouge" aux alentours de la présence des miliciens kurdes sur la rive orientale de l'Euphrate, mais il semble avoir changé d'avis. Selon Russia Today, la Turquie vient d'annoncer que ses troupes se dirigeraient vers Manbij après la fin de l'opération d'Afrin et qu'elles prendraient ensuite la direction de toutes les localités, contrôlées par les Kurdes jusqu'aux frontières irakiennes.

Washington joue encore la carte turque contre Assad  

Le quotidien canadien The Globe and Mail indique que l'extension des opérations militaires de l'armée turque en Syrie sera assortie des conséquences catastrophiques pour les Américains. En effet le journal met en garde contre les conséquences d'un lâchage des Kurdes par Washington :

"Ankara constatait, pendant des années, l'envoi des aides américaines à destination des Kurdes via les frontières de la Turquie. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont été instrumentalisées par Washington pour les conflits en Syrie. Elles ont agi d'une manière très homogène et elles ont fait preuve de très bonnes compétences de combat. Les caractéristiques des FDS, qui se sont ajoutées à la couverture aérienne de la coalition américaine, les ont aidées à enregistrer pas mal de victoires. Là, Washington reste campé sur ses positions si bien que Donald Trump n'a donné aucune garantie, lors de sa conversation téléphonique avec Recep Tayyip Erdogan, sur une restriction des activités des Kurdes. En effet, la communauté internationale, surtout la Turquie, a négligé, durant des années, l'appartenance des miliciens kurdes au PKK en raison de l'hostilité qu'elles éprouvaient vis-à-vis du gouvernement syrien. Cependant, la Turquie a commencé à se sentir en danger dès que les miliciens kurdes ont renforcé leurs positions en Syrie".

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En réalité, la motivation la plus importante de la Turquie pour lancer les opérations de "Rameau d'Olivier" se résume dans une initiative américaine, annoncée il y a deux semaines par le secrétaire d'État américain Rex Tillerson, quant il a fait part de la formation d'une Force de sécurité frontalière, composée des Kurdes et des Arabes syriens dont le nombre s'élève à 30 000 personnes. Pour Ankara, la formation d'une telle force militaire représente une menace sérieuse contre la sécurité nationale de la Turquie.

Il paraît que la présence des 2 000 soldats américains dans les zones, contrôlées par les Kurdes syriens, a poussé Donald Trump à demander aux dirigeants turcs d'opter pour la retenue et d'empêcher l'intensification des conflits dans le nord syrien. Cependant, les responsables d'Ankara ont assujetti ces faits au gel des aides militaires américaines destinées aux miliciens kurdes. Cette suggestion ne semble pourtant pas plaire aux autorités américaines.  

Mais tout ceci n'est que l'envers du décor. Selon le quotidien américain The Los Angeles Times, "la guerre a quasiment pris fin en Syrie et Bachar al-Assad a repris le contrôle des localités les plus importantes et les plus peuplées de la Syrie. En plus, Bachar al-Assad profite toujours d'une bonne cote de popularité et ses partisans sont beaucoup plus nombreux que les pays occidentaux puissent le confirmer. Après sept années de crise et de tensions, les États-Unis n'ont pratiquement rien gagné en Syrie; autant essayer d'y avoir une base permanente. La Turquie et les Kurdes devront aider les Américains pour atteindre cet objectif. 

Quelles sont les chances de succès de Washington? 

Le quotidien américain Foreign Policy indique que les États-Unis se trouvent au centre des tensions qui viennent d'être déclenchées en Syrie, juste après la fin de la guerre dans ce pays.

"Les responsables américains confirment vouloir contrôler 28% du territoire de la Syrie à l'aide des Forces démocratiques syriennes. Cette décision nuit toutefois aux intérêts des grands acteurs de la scène syrienne dont et surtout la Turquie. La plupart des éléments qui se battent aux côtés des Kurdes à Afrin sont les mercenaires, soudoyés par la Turquie. C'est bien après les événements de l'été 2016 (pendant lequel la Turquie a normalisé avec la Russie, NDLR) que ces mercenaires ont été convaincus qu'ils ne pourraient plus gagner la guerre devant Bachar al-Assad. C'est pourquoi ils se sont tournés vers Ankara", ajoute Foreign Policy.

Les nouvelles tensions sévissant dans le nord de la Syrie ne sont plus le fait des évolutions sur le terrain de combats qui elles vont dans le sens d'une victoire d'Assad et ses alliés. La guerre à Afrin est destiné à semer le "désordre" dans une tentative de stabilisation que Assad a commencé et qu'il mène d'une main de maître. Erdogan et Trump suivent le même objectif : neutraliser Assad, faire de lui un président de pacotille, tout en répartissant la Syrie ne morceau. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV