L’ancien Premier ministre français redoute qu’un abandon par Donald Trump de l’accord de 2015 conclu avec l’Iran ouvre une crise « majeure » de prolifération nucléaire dans le monde.
« Une décision de Donald Trump de ne pas certifier l’accord de 2015 sur le nucléaire avec l’Iran et de renvoyer une décision au Congrès est susceptible d’avoir des conséquences profondes pour l’ordre international ».
Dans un entretien en marge du 15e Forum de Rhodes, organisé les vendredi et samedi 6 et 7 octobre, par le think tank berlinois Dialogue des Civilisations (DOC), présidé par le russe Vladimir Iakounine, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre français sous Jacques Chirac, a affirmé qu’un tel refus « enverrait un message contre-productif à la Corée du Nord ».
Une déclaration qui intervient alors que le président américain s’apprête à ne pas certifier l’accord avec l’Iran laissant ainsi le soin de décider au Congrès qui aura à partir du 15 octobre soixante jours pour se prononcer. Si sa décision est négative, des sanctions américaines seront appliquées à nouveau contre l’Iran.
Pour l’ancien Premier ministre, qui en 2003 à l’ONU avait exprimé avec force l’opposition de la France à l’intervention militaire américaine en Irak, le risque serait de renvoyer l’Iran à ce que George Bush avait désigné comme « l’axe du mal ».
« On ne peut pas chercher une solution avec la Corée du Nord en lui demandant de répondre aux exigences de la communauté internationale en matière de non-prolifération. Et dans le même temps, alors que l’Iran qui, comme l'estime l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), satisfait aux exigences de la communauté internationale, balayer tout cela d’un revers de plume ».
Une décision qui serait liée à l’ouverture de « deux boîtes de négociation » sur la stratégie d’influence de l’Iran au Moyen-Orient et sur sa politique dans le domaine de développement des missiles balistiques.
Dominique de Villepin, a-t-il rappelé, avait été l’initiateur en 2003 comme ministre des Affaires étrangères avec ses homologues allemands Joshka Fischer et britannique Jack Straw de discussions avec l’Iran.
Des discussions qui ont finalement abouti douze ans après à l’accord du 14 juillet 2015 avec Téhéran et le G5+1, les cinq permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France) plus l’Allemagne. Il est clair à ses yeux qu’un abandon de cet accord menacerait « de déclencher une crise de prolifération majeure avec le risque de placer le monde dans une situation de guerre, voire de guerre nucléaire. Comme on le voit avec la Corée du Nord ».
« Nous sommes dans un monde très complexe, très dangereux où nous avons besoin de principes », a-t-il plaidé. Pour lui, il est nécessaire « de travailler à des mesures de confiance » notamment avec des inspections des États suspects en matière de prolifération.
Au-delà, l’ancien chef du gouvernement français estime qu’il est nécessaire de suivre des principes comme le refus de la politique du « changement de régime ». Ce qui par des biais différents « nous rapproche de pays comme la Chine ou la Russie ». Il est également nécessaire « d’affirmer le principe de la primauté du politique sur le militaire dans la recherche de solution aux crises ».
En outre, pour Dominique de Villepin, « la complexité du terrorisme fait que la plus mauvaise façon de traiter cette question c’est par le biais militaire qui nous fait méconnaître une des réalités fondamentales du terrorisme : c’est qu’il se nourrit de la faillite des États ».
Ainsi par les interventions militaires, « nous nourrissons encore plus l’instabilité des États, c’est ce qui s’est passé en Afghanistan, en Irak, d’une façon dramatique au Yémen ou encore en Libye. Des États faibles que l’on ne dote pas de la capacité de gouvernance ne sont pas en mesure de répondre aux problèmes de leur pays et constituent une matrice de développement de nouvelles formes de terrorisme ».
Source : Les Échos