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La solidarité du Yémen avec la Palestine en fait un acteur clé de l'Axe de la Résistance

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Xavier Villar

Le Yémen est devenu un acteur clé de l’Axe de la Résistance après une série d’attaques audacieuses contre des navires liés à Israël dans la mer Rouge, en solidarité avec le peuple opprimé de la bande de Gaza assiégée.

Le pays arabe a clairement indiqué que ces actions se poursuivraient jusqu'à ce que le régime israélien mette fin à son agression et au blocus du territoire côtier où se déroule la pire crise humanitaire.

Un haut responsable du mouvement de résistance Ansarallah a déclaré dans une récente interview que le Yémen « n'abandonnera pas la cause palestinienne, quelles que soient les menaces venant des États-Unis, d'Israël ou d'autres pays occidentaux », dénonçant les menaces dirigées contre l'armée yéménite.

Le ministre yéménite de la Défense, le major-général Mohammad al-Atifi, est allé plus loin, avertissant qu'il fallait transformer la mer Rouge en un « cimetière » de l'alliance dirigée par les États-Unis si celle-ci prenait des mesures contre l'intégrité territoriale du Yémen.

Sa déclaration intervient après que les États-Unis ont annoncé la formation d’une alliance de dix membres dans la mer Rouge, ce qui s’est déjà révélé un échec majeur en raison du retard dans la mise en œuvre du plan.

Le soutien du Yémen à la Palestine depuis le début de la dernière agression génocidaire israélienne contre Gaza a été inébranlable. En plus des actions susmentionnées visant à cibler des navires liés à Israël, l’armée yéménite a également procédé à une série de lancements de missiles contre l’entité sioniste.

D'un point de vue stratégique, ces actions ont un impact considérable. Depuis le 15 décembre, à la suite d'une attaque de drones et de missiles balistiques contre deux navires marchands, quatre des plus grandes compagnies maritimes du monde, représentant plus de 50 % de la capacité mondiale de transport de conteneurs, ont suspendu leurs voyages à travers Bab el-Mandeb, le passage étroit à l'extrémité sud de la mer Rouge.

D'un point de vue discursif, le soutien du Yémen s'aligne sur une tradition de longue date, démontrée dans le slogan central du mouvement de résistance Ansarallah, notamment le slogan « Mort à Israël ».

Cette déclaration fonctionne de manière similaire à l'expression bien connue en farsi « Marg bar Amrika », traduite par « Mort à l'Amérique ». Les deux expressions servent de signifiants politiques au sein d’un discours anti-occidental et visent à transformer les fondements du pouvoir politique dans la région.

Ces expressions sont des manifestations essentiellement politiques qui dénoncent une idéologie raciste et coloniale représentée par les signifiants du régime israélien et des États-Unis.

Le soutien à la Palestine est constant au Yémen depuis les années 1960. Cependant, à partir de 2014, avec l'opération conjointe entre les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite contre le mouvement Ansarallah, un changement significatif s’est produit, révélant la dynamique du soutien palestinien dans le paysage politique du Yémen.

D’un côté, les factions soutenues par les monarchies du Golfe (Persique, ndl) ont maintenu des liens étroits avec l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, tandis que le mouvement de résistance Ansarallah a choisi de soutenir ouvertement et sans vergogne les groupes de résistance palestiniens, en particulier le Hamas et le Jihad islamique.

Politiquement, cette division reflète les deux positions existantes dans la région concernant la question palestinienne.

D’un côté, des pays comme l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis maintiennent une position étroite à la fois avec les États-Unis et avec l’entité sioniste. En août 2020, les Émirats arabes unis ont ratifié les « Accords d'Abraham », signifiant la « normalisation » des relations avec le régime.

Même si l’Arabie saoudite n’a pas encore « normalisé » ses relations avec Israël, son penchant pro-occidental et sa position anti-Axe de la Résistance peuvent être interprétés comme une trahison de la cause palestinienne et de ses aspirations anticoloniales.

D’un autre côté, le mouvement de résistance Ansarallah interprète la région dans une perspective de décolonisation, soulignant que la présence du paradigme occidental est source d’instabilité et d’oppression.

Dans le cas yéménite, comme dans le cas palestinien, cette oppression se manifeste par un génocide avec le soutien de l’Occident. En termes plus politiques, on pourrait affirmer qu’il existe au Yémen, comme dans le reste du monde musulman, une oppression épistémique générée par le discours occidental.

En outre, il existe une oppression matérielle ontique sous forme de destruction, de mort et de conditions de vie pires que la mort. De toute évidence, les deux formes d’oppression sont interconnectées, l’oppression épistémique facilitant l’oppression matérielle.

Cette approche nous permet de comprendre que les tentatives actuelles des États-Unis pour forcer le Yémen à lever son blocus maritime contre Israël ignorent complètement ses motivations politiques, voire émotionnelles : ils répondent au blocus par le blocus.

Le Yémen a conditionné la levée de son blocus à la cessation du siège brutal de Gaza, une situation de brutalité continue que le peuple yéménite ne connaît que trop bien.

Insinuer, comme le font plusieurs analystes, que la réponse du Yémen est due à son rôle présumé de « mandataire iranien », ne parvient pas à comprendre la centralité de la Palestine dans un discours qui perçoit la région comme une lutte entre la justice (aql dans la grammaire islamique) et la création d'un système illégitime (batil).

En outre, réduire le rôle du Yémen à celui d’un « mandataire iranien » ne tient pas compte des affinités discursives entre le pays arabe et les autres groupes et États de l’Axe de la Résistance.

La seule utilité de ce type d’analyse est d’imposer une perspective occidentale sur la région et d’imposer une division entre amis et ennemis qui ne profite en rien au monde musulman et à son autonomie.

En d’autres termes, réduire le Yémen ou Ansarallah à un « mandataire iranien » ne fait qu’aider le discours occidental erroné, responsable de l’occupation coloniale sioniste en Palestine.

Comme les responsables iraniens et yéménites l’ont affirmé à plusieurs reprises, les récents développements en mer Rouge sont planifiés et exécutés par l’armée yéménite elle-même, et elle est tout à fait capable de le faire.

La solidarité du Yémen avec la Palestine, en particulier, ainsi que la solidarité oummatique qui sous-tend l'Axe de la Résistance, peuvent être expliquées en citant l'universitaire Sara Ahmed, qui soutient que « la solidarité implique un engagement et un travail ». 

La solidarité du Yémen avec la Palestine, en particulier, ainsi que la solidarité oummatique qui sous-tend l'Axe de la Résistance, peuvent être expliquées en citant l'universitaire Sara Ahmed, qui soutient que « la solidarité implique un engagement et un travail, ainsi que la reconnaissance du fait que, même si nous n'avons pas les mêmes sentiments, ne vivons pas la même vie ou n'avons pas le même corps, nous partageons un terrain d'entente ».

Ce terrain d’entente fait référence à la sphère politique qui fonctionne comme un discours définissant les frontières entre ce qui est juste et ce qui est injuste, entre pratiques humaines et déshumanisantes.

Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur basé en Espagne.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV