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A quoi riment les accords militaires signés entre Riyad et Moscou?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
L'Arabie saoudite a décidé d'établir des relations militaires avec Moscou et d’autres pays, qui dans le passé, étaient considérés comme des ennemis ou hostiles envers le régime. Photo prise le 23 août 2021. (Defense.pk)

La visite du vice-ministre saoudien de la Défense en Russie et la signature d'un accord militaire sont les signaux d’un avertissement tacite aux États-Unis lancés par Riyad, qui aurait trouvé une alternative à son allié. En effet, les relations entre Riyad et Washington se sont quelque peu affaiblies. Celles avec Moscou se chauffent. 

Le journal Al-Akhbar cite l’ex-président égyptien Hosni Moubarak, qui a dit cette phrase, bien avant sa démission et le déclin de son pouvoir : « Ceux qui sont couverts par les États-Unis sont en réalité dépouillés ». C’est sans doute depuis quelques années que les Saoudiens se reconnaissent le plus dans cette déclaration.

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 À la lumière du grand tournant actuel, marqué par la fuite des États-Unis d'Afghanistan, Mohammad ben Salmane aurait-il voulu mettre à l’épreuve la volonté de son allié américain de défendre son royaume contre les dangers internes et externes, et aussi, exploiter le chaos pour atteindre son ultime objectif qu’est la bénédiction de Washington pour son ascension au trône. Il a donc envoyé son frère Khaled, vice-ministre de la Défense, à Moscou pour signer un accord de coopération militaire qui ferait figure d’avertissement et de signal aux États-Unis, comme quoi, Riyad peut se procurer d’autres alliés.

Lorsque les troupes soviétiques se sont retirées d'Afghanistan en 1989, l'Arabie saoudite a célébré la victoire de son allié américain, poursuit le journal libanais. Elle avait le « droit » de le faire puisqu’elle avait contribué à cette victoire en y envoyant des « moudjahidines » et en finançant la guerre. Or alors que l’ère de l’hégémonie des États-Unis est arrivée à son terme, que les troupes américaines fuient un pays qui combat par nature ses envahisseurs, Riyad se tourne vers son vieil ennemi et signe un accord de coopération militaire dont les détails n’ont été divulgués par aucune des deux parties.

Riyad a décidé d'établir des relations amicales avec Moscou et d’autres pays, qui dans le passé étaient considérés comme des ennemis ou hostiles envers le régime. Cette nouvelle orientation a coïncidé avec un déclin progressif de l'intérêt porté par les Américains à l'Arabie saoudite. Mais cette relation demeure et fonctionne de manière limitée, dont la plus importante étant la menace pour les Américains de l'existence d'alternatives. Malgré tout, pour l'Arabie saoudite, il est évident que la nature de sa dépendance vis-à-vis des États-Unis rend une telle décision entièrement assujettie à ces derniers.

Al-Akhbar explique qu'une des fonctions de ces relations était de compenser la pénurie d'achats d'armes due aux politiques occidentales qui imposent une interdiction partielle ou totale des ventes d'armes au Royaume par des pays comme le Canada, l'Allemagne et la Belgique.

Mais cette fonction se heurte aux lignes rouges américaines, malgré la préparation d'un accord pour l'achat de systèmes de missiles sol-air S-400 entre Riyad et Moscou en 2018. On n'en a plus entendu parler depuis, étant donné que la nouvelle a éveillé la sensibilité des États-Unis qui craignent pour l’avenir des ventes du Patriot et de leurs avions de combat.

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En conséquence, on ne s'attend pas à ce que les achats potentiels d'armes russes par l'Arabie saoudite dépassent le plafond américain, même si les relations entre l'Arabie saoudite et les États-Unis sont actuellement à leur plus bas niveau de l’histoire. S'il n'en tenait qu'aux Saoudiens, ils auraient trouvé des alternatives ou des compléments à la protection américaine bien plus tôt. Mais l'Amérique tient les responsables du régime saoudien en laisse et ne leur permettra pas de s’orienter vers où ils veulent, même si elle décidait de se retirer militairement du golfe Persique car, cette relation est si fondamentale que sa décomposition est presque impossible. Par exemple, plus de 80 % des armes de l'Arabie saoudite sont américaines, et toute tentative réelle de diversifier ses sources d’achat sera considérée comme un jeu avec le feu.

Cependant, les États-Unis craignent que la Russie et la Chine exploitent toute échappatoire pour obtenir une plus grosse part du gâteau des accords sur les armes.

Le problème de Ben Salmane, continue Al-Akhbar, est que depuis l'arrivée au pouvoir de Joe Biden, il est resté dans le même cercle et veut s'assurer que la nouvelle administration l'acceptera comme roi, tandis qu’elle refuse d’abandonner les poursuites judiciaires à son encontre, comme la divulgation des documents des documents du 11 septembre 2001 qui impliquaient Riyad dans les attentats de New York et de Washington. Riyad risque de devoir verser une indemnisation aux familles des 3 000 tués.

Le prince héritier sait que les États-Unis non seulement refusent de le soutenir, mais qu'ils ne sont peut-être pas prêts à défendre son royaume, notamment face aux menaces internes : des menaces telles que le mouvement des Frères musulmans ou en provenance des dissidents au sein du régime.

Le discours sur la « diversification » est apparu dans la dernière interview télévisée de MBS en avril dernier, au cours de laquelle il a déclaré que les États-Unis n'étaient plus aussi forts qu'avant, et que leur force est en partie due à l'argent saoudien qu'ils ont obtenu au fil des ans. S'il n'est pas réaliste d'espérer une augmentation significative des relations militaires de la Russie et de la Chine avec l'Arabie saoudite, le régime a grand intérêt à s’allier tant avec Moscou qu'avec Pékin : le plus important est qu’en accord avec la Russie, il peut contrôler le prix du pétrole, car ils sont parmi les plus grands producteurs au monde, tandis que la Chine est en concurrence avec l'Amérique sur tous les marchés, y compris le marché du golfe [Persique].

Quant à l'histoire de la défense du régime saoudien ou de ben Salmane contre les menaces internes au régime, c'est une affaire qui ne concerne que les Américains, et il n'est pas question qu'une autre partie s’ingère, à l'exception d'Israël, avec l'approbation des États-Unis et de l'Arabie saoudite. Et si les Américains veulent vraiment mettre en œuvre un retrait du Moyen-Orient qui laisserait des vides sécuritaires, la question dépendra de la forme et de l'ampleur du retrait et des modalités qui l'accompagneront, comme le retour à l'accord nucléaire avec l'Iran, qui peut permettre des arrangements, incluant des relations entre les pays de la région. Ce qui est certain, c'est que les Américains veulent alléger les coûts de leurs fardeaux, comme la protection de tel ou tel régime.

 Al-Akhbar conclut : « La divulgation de la nature de l'accord entre l'Arabie saoudite et les Russes qui inclut la qualité des armes, les prix et les traités de sécurité - le cas échéant – aurait répondu à de nombreuses questions. Mais l'annonce de l'accord, en soi, à ce stade, ne peut être qu'un message aux Américains, dans le but de faire avancer les questions en suspens. D'autant plus que Khaled ben Salmane (le frère cadet du prince héritier saoudien) s'est personnellement rendu à Washington en juillet dernier ; un voyage considéré comme substitut au voyage désagréable et indésirable du prince héritier à la Maison Blanche, obtenant apparemment peu de résultats. »

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SOURCE: FRENCH PRESS TV