Il y a quelque chose de parfaitement intelligent dans la position russe vis-à-vis de l’affaire Mercer Street. Au-delà des preuves parfaitement ridicules que met en avant le trio USA/GB/Israël, basées en grande partie sur des spéculations, Moscou y voit une occasion en or pour tourner la vis à Sa Majesté qui pas plus tard qu’au mois d’avril a eu l’outrecuidance d’envoyer ses commandos débarquent en pleine Crimée aux côtés des Ukrainiens, car Londres se savait plus ou moins à l’abri, la Russie ne cherchant pas réellement le face-à-face.
Que la Grande-Bretagne tienne donc la tête du camp anti-Iran au sein du Conseil de sécurité, pour couvrir un Israël qui vient de brûler les doigts dans un feu naval qu’il a lui-même allumé sans soupçonner un seul instant jusqu’où cela pourrait le mener, c’est là une occasion parfaitement recherchée par la Russie pour renvoyer la patate chaude en pleine figure de Londres. Lundi 2 août, le directeur du deuxième département asiatique du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré qu’il n’existait aucun document prouvant l’implication de l’Iran. « Nous n’avons pas la moindre raison de croire que l’Iran est impliqué dans l’attaque », a déclaré M. Zamir Kabulov à l’agence de presse Sputnik. Il a souligné que la Russie refusait de corroborer de telles accusations parce qu’elle n’avait aucune preuve pouvant les appuyer. « Quand il y aura des faits, alors nous définirons notre position », a-t-il ajouté.
« La Russie estime qu’il est nécessaire d’établir les faits avant de prendre des mesures concernant l’attaque de la semaine dernière contre le pétrolier Mercer Street », a déclaré mercredi 4 août à la presse le premier représentant permanent adjoint de la Russie auprès des Nations unies, Dimitri Polyansky, lorsqu’on lui a demandé si le Conseil de sécurité de l’ONU devait aborder la question.
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« Nous étudions toujours les détails, il y a beaucoup d’informations contradictoires, beaucoup d’analyses “hautement probables” que nous rejetons totalement. Nous devons donc établir des faits », a-t-il souligné, ajoutant qu’il n’était pas nécessaire « de se précipiter vers des conclusions ou des actions ».
La moquerie saute aux yeux : les preuves que le CentCom et Cie disent avoir réuni contre l’Iran ne valent pas grand-chose aux yeux d’une Russie qui a de quoi remettre à leur place les Britanniques si elle se mettait par exemple à ouvrir ses archives sur les « Casques blancs » en Syrie ou de façon un peu plus terre à terre, de publier toutes pièces qu’elle possède sur l’implication britannique dans des attaques chimiques contre non seulement l’armée syrienne, mais encore les populations des zones syriennes occupées par la Turquie entre autres. La représentante du Royaume-Uni auprès de l’ONU a repris les allégations des ministres des Affaires étrangères du G7 qui accusent Téhéran d’être à l’origine de l’attaque contre le navire israélien Mercer Street. L’ambassadrice britannique Barbara Woodward a déclaré à la presse que « le Royaume-Uni a informé le Conseil des preuves dont il dispose », « et ces preuves sont sans appel : le Royaume-Uni sait que l’Iran est responsable de cette attaque ».
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À partir de là, que l’axe Londres-Washington se prépare à une nouvelle confrontation avec la Russie et très probablement la Chine au Conseil de sécurité. Car après tout, il n’existe aucune raison pour que Sa Majesté soit ménagée, elle qui continue à envoyer sa Queen Elizabeth et son HMS Defender à harceler la Russie en mer Noire et ailleurs. Moscou a d’ailleurs plus d’une raison de se montrer ferme, lui qui a déjà assuré la protection des cargos iraniens en Méditerranée pour éviter que l’entité israélienne ne s’en prenne à eux et n’empêche que leur cargaison soit livrée à la Syrie.
Bref à cette réunion du Conseil de sécurité que les Yankees et les British s’apprêtent à tenir pour inverser la place du bourreau et de la victime, se rattraper sur le terrain diplomatique ce qu’ils n’ont pas eu en terrain militaire, la Russie pourrait faire la sensation... et pas seulement en y apposant son veto... Elle pourrait même y exiger la formation d’une coalition anti-OTAN avec pour mission de clouer le bec aux vrais pirates de mer..