TV

Alep : entre trêve humanitaire et troisième guerre mondiale ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les habitants des zones sinistrées ont besoin d'aides humanitaires.

Un commentaire de M. Antoine Charpentier, analyste des questions internationales.

Une énième trêve humanitaire a lieu à Alep où l’État syrien, comme stipulé dans l’accord, a ouvert deux passages afin que la population civile, notamment les plus vulnérables comme les blessés, les enfants et les personnes âgées, puissent sortir vers l’ouest d’Alep. Quant aux combattants, l’État syrien a laissé le choix à ceux qui le souhaitent de rendre les armes en rejoignant les postes de l’armée, bénéficiant de l’amnistie présidentielle toujours en cours, ou de partir vers une destination de leur choix comme l’a déjà évoqué M. Staffan de Mistura [1], qui a proposé dans un élan de générosité de les accompagner personnellement. L’État syrien a encore une fois donné une preuve de son respect des décisions prises par la communauté internationale.

L’État syrien a encore une fois prouvé sa bonne volonté, ainsi que son souhait de trouver une solution politique pour mettre un terme à la guerre qui se déroule sur son sol. Il a accepté une nouvelle trêve malgré les événements passés à Deir ez-Zor lors du dernier cessez-le-feu. La Russie a fait pression sur son allié syrien à la demande des Français et des Allemands pour prolonger la trêve. Ce que l’État syrien s’est employé à faire.

Les mercenaires de l’est d’Alep n’ont pas trouvé mieux que d’empêcher les civils de quitter les lieux en bombardant les passages ouverts par l’armée syrienne, laquelle a gardé son sang-froid, et s’est retirée vers l’arrière sans riposter. Les snipers sont également entrés en action afin d’empêcher les civils de faire mouvement vers l’ouest d’Alep. Certains voient dans le comportement des groupuscules armés, ainsi que dans l’escalade verbale de leurs sponsors, un certain désarroi, mais leur attitude révèle surtout une volonté de persister dans la logique de guerre.

Les États-Unis et leurs alliés disent avoir de l’influence sur les combattants de l’est d’Alep, mais ils ne montrent aucune bonne volonté pour trouver une quelconque solution politique. En même temps, ils ne cessent pas d’exiger des trêves humanitaires. Toutefois, la question qui mérite d’être posée est la suivante : le terme humanitaire concerne vraiment les civils, ou les combattants ? Le but est-il de trouver une solution politique ? Ou de trouver des issues pour les combattants de l’est d’Alep, en ralentissant l’avancée de l’armée syrienne et de ses alliés ? Pourquoi les trêves échouent aussitôt qu’elles sont instaurées ?

Les données du terrain démontrent qu’à chaque fois que l’armée syrienne est sur le point de remporter une bataille, les adversaires de la Syrie se précipitent pour instaurer un cessez-le-feu ainsi qu’une trêve humanitaire, trouvant en parallèle les moyens pour faire échouer le processus.

Une éventuelle sortie du Front al-Nosra de l’est d’Alep ne signifie guère la fin de la guerre en Syrie. Ses ennemis mèneront encore et toujours une guerre par procuration. L’intérêt d'évacuer les combattants du Front al-Nosra de l’est d’Alep, ou encore de laisser Daech se replier sur l’est de la Syrie suite à sa débandade de Mossoul, est-il une stratégie afin de disséminer les combattants ailleurs sur le territoire syrien ?

Mais où est la coalition internationale, dont nous avons tant entendu parler face au repli de Daech sur l’est de la Syrie ? Pourquoi ne frappe-t-elle pas les convois de Daech afin d’être en cohésion avec les discours de ses dirigeants qui souhaitent de toutes leurs forces éradiquer le terrorisme ?

En parallèle de ces faits, les Américains menacent la Russie d’un éventuel affrontement direct au risque d’une troisième guerre mondiale. Il convient de préciser que la guerre du bloc occidental contre la Russie a déjà commencé depuis longtemps, et dans plusieurs domaines. À titre d’exemples : les sanctions économiques, les péripéties des Jeux olympiques et actuellement la volonté de l’Union européenne d’interdire les médias russes en Europe, sans oublier le problème ukrainien. Le complexe de supériorité exagéré d’une partie de l’establishment américain pousserait-il le monde au bord du brasier ?

Enfin, le conflit syrien demeurera une guerre par procuration en raison de l’incapacité des États-Unis à intervenir directement en Syrie. Sans négliger le fait que dans un scénario de frappe directe des États-Unis en Syrie, certains de ses alliés au Moyen-Orient pourraient constituer une carte de pression très importante.

Sauver l’hégémonie américaine primerait-il sur la vie de milliers et de milliers d’innocents, dont le peuple américain fait partie ?

Antoine Charpentier

 

[1] Face à l’avancée de l’armée syrienne arabe à Alep, et dans un excès de désespoir, M. de Mistura a proposé d'accompagner personnellement 900 combattants d’Al-Nosra, sur les 4 000 enfermés dans les quartiers est d’Alep, afin de les évacuer vers les destinations de leur choix. Mais qui sont ces 900 combattants ? Et que deviendraient les autres combattants qui resteraient à Alep ?

 

Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV