TV
Infos   /   A La Une   /   Iran   /   France   /   L’INFO EN CONTINU   /   #LIBERERBASHIR

Bashir Biazar détenu en France : son avocat craint que son arrestation ne soit politique

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Bashir Biazar, un journaliste iranien, militant anti-guerre et partisan de la cause palestinienne, placé en détention administrative dans la ville de Metz.

Cela fait plus de trois semaines que Bashir Biazar est arrêté et emprisonné en France pour des accusations largement décrites comme « politiquement motivées ». Son avocat Rachid Lemoudaa affirme que son dossier est juridiquement vide ; il craint même que son arrestation ne soit politique.

Le 3 juin dernier, Bashir Biazar, un journaliste iranien, militant anti-guerre et partisan de la cause palestinienne, a été interpellé par la police française à Dijon et placé en détention administrative dans la ville de Metz.

Biazar, installé en France depuis deux ans et demi aux côtés de sa femme et de ses deux enfants, est visé par un arrêt ministériel d'expulsion présenté comme une « urgence absolue » ; il se trouve toujours en détention.

Le 6 juin la détention administrative de 48 heures de Bashir a été prolongée de 28 jours. Cela a été dénoncé par Kazem Gharibabadi, chef adjoint du pouvoir judiciaire iranien chargé des affaires internationales, également secrétaire général du Haut Conseil d'Iran pour les droits de l'homme qu’il a qualifié d’illégal et contre les droits de l'homme.

Lors d’une interview exclusive avec Le Point, son avocat français, Me Rachid Lemoudaa, a reconnu que cette décision l’a surprise : « La décision me choque d'autant plus que mon client présente toutes les garanties prévues par le législateur français pour être assigné à résidence. Il est titulaire d'un passeport en cours de validité, peut justifier d'une adresse stable et fiable, possède un domicile propre et a des enfants scolarisés en France. Bashir Biazar a donc été privé de sa liberté, en violation des principes même du droit. »

Me Lemoudaa s’est aussi exprimé sur l’état de santé de son avocat : « Il va très très mal et a parlé d'entamer une grève de la faim. Mais ce qui me choque encore davantage, c'est que M. Biazar est une personne qui se trouvait en France en situation régulière puisqu'il était en possession d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises. Il accompagnait son épouse, une chercheuse qui préparait sa thèse de doctorat. Donc ce n'est pas quelqu'un qui cherche à se maintenir irrégulièrement sur le territoire français. Il n'a jamais été condamné, ni dans son pays ni en France, et respecte les lois de la République. Le 3 juin dernier, il a été convoqué de manière déloyale. On lui a fait croire que sa situation allait être examinée, or, en arrivant sur place, il a découvert qu'il est visé par un arrêté d'expulsion pris par le ministre de l'Intérieur à la date du 22 mai. Il n'a même pas été en mesure d'apporter sa version des faits, ce qu'on appelle le principe du contradictoire, un droit cardinal sur lequel repose notre État de droit, et a été immédiatement placé en rétention. »

Plus loin dans cette interview exclusive avec Le Point, Rachid Lamoudaa s’est dit inquiet que l’arrestation de Biazar ne soit politique : « Je le crains, car je n'ai rien trouvé de juridique dans ce dossier qui puisse justifier une telle privation de liberté de mon client. Mais je ne peux, en tant qu'avocat, vous l'affirmer avec certitude. Si cela relève de la politique, alors celle-ci n'a pas sa place dans le droit. Parce que cela me paraît d'une extrême gravité de porter atteinte à des libertés fondamentales, quelle que soit l'origine de la personne. Les lois de la République prohibent une privation de liberté sans motif légitime. D'ailleurs, permettez-moi de souligner que la liberté est la règle en droit français, et la rétention ou la détention l'exception. »

L’avocat de Biazar a donné également des explications au sujet des reproches qu’on porte contre son avocat pour ses prises de position sur les réseaux sociaux au sujet de la Palestine.

« Cela me surprend encore plus. Tout le monde a eu droit à la lecture des propos tenus par mon client, qui sont d'ailleurs publics. Il n'y a rien de secret. Ces posts qui ont été publiés sur les réseaux sociaux, notamment sur son compte Instagram, portent, par exemple, sur l'action de ce député français de l'Assemblée nationale [Sébastien Delogu, NDLR] qui a brandi le drapeau palestinien à l'Assemblée nationale, rien de plus. Cela relève de la liberté d'expression, tout simplement. M. Biazar n'a rien dit qui soit vecteur de haine ou aille à l'encontre des intérêts de la nation, d'autant plus que ses propos, tenus en persan, visaient l'opinion publique iranienne. J'ai même pris soin de les faire traduire par un traducteur assermenté par la justice française, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté ou interprétation erronée. Il n'y avait rien qui puisse justifier une telle rétention administrative qui est, à mes yeux, arbitraire. »

Répondant à la question du Point sur les accusations que portent les autorités françaises disant que Bashir Biazar était un agent d’influence lié aux services de renseignements iraniens, Me Lemoudaa était clair : « J'ai pu lire cela comme vous. Mais il ne suffit pas d'accuser une personne comme cela, sans apporter la moindre preuve de ses affirmations. On ne peut pas priver une personne de sa liberté sur des suppositions ou des suspicions. Il faut montrer un minimum de preuves. Vous savez, en tant qu'avocat, je suis juriste et non politicien. En défendant les intérêts de mon client, j'agis dans le périmètre du droit, et je défends par ricochet les principes mêmes de la République dans notre État de droit. Dans le dossier, il n'y a absolument rien qui justifie cette accusation. Maintenant, si c'était le cas, il faudra le démontrer et apporter un minimum de preuves pour justifier une telle privation de liberté. Je vous rappelle que c'est à celui qui poursuit qu'incombe la charge de la preuve. »

Me Lemoudaa a également réfuté les accusations au sujet d’une « complicité de torture » contre Biazar : « S'il y a des plaintes, bien sûr, monsieur le procureur de la République est compétent en la matière et a l'opportunité d'entamer des poursuites. Si la plainte est fondée et que des éléments nous échappent, la justice instruira et nous verrons ce qu'elle décidera. Mais, à ce stade, je ne dispose d'aucun élément pour donner mon avis à ce sujet. »

Depuis son arrestation en France, les responsables du gouvernement iranien œuvrent pour sa libération alors que les autorités françaises ont préféré observer le silence que Rachid Lemoudaa ne trouve pas normal : « Moi, en tant qu'avocat, lorsque j'écris à l'administration française, au préfet et au ministre, ils sont tenus de me répondre, même par la négative. Bien sûr, mon intérêt est que mon client recouvre sa liberté, mais s'il a commis quoi que ce soit de répréhensible, il devra répondre de ses actes. Mais à ce stade, je n'ai rien vu de tel. Dans le cadre d'une mesure administrative, il y a des règles et on doit les respecter, des deux côtés. »

Le plus haut responsable iranien des droits de l’homme, Kazerm Gharibabadi a réitéré qu’en sachant qu'un billet retour a été préparé et qu'il n'existe aucun obstacle légal à une sortie (du territoire français), pourquoi la France continue-t-elle à détenir arbitrairement ce citoyen iranien ?

Me Lemoudaa est d’avis : « Mon client est en possession de billets d'avion Paris-Téhéran, qu’il a achetés bien avant cette mesure de rétention. Or malgré la disponibilité de vols directs, en dépit du souhait de M. Biazar de regagner son pays, bien que sa famille réclame également qu'il puisse rentrer et ne reste pas ainsi en rétention sans motif légitime, nous n'avons à ce jour aucune réponse, ni de la préfecture ni du ministère de l'Intérieur. Nous n'avons aucune nouvelle : c'est le silence radio. J'ai eu beau leur réécrire, relancer le préfet de la Côte-d'Or ainsi que le ministre de l'Intérieur, personne n'a répondu. C'est anormal et contraire à la charte Marianne que l'on trouve affichée dans toutes les préfectures de France. »

Gharibabadi a souligné que l’Iran poursuivrait ses efforts pour obtenir la libération de Biazar par tous les canaux disponibles.

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV