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Zoom Afrique du 4 avril 2024

Zoom Afrique du 4 avril 2024

Les titres de la rédaction :

  • RDC : Judith Tuluka Suminwa, la Première ministre qui « n’est pas venue pour s’enrichir mais pour travailler »
  • Nigeria : la raffinerie Dangote livre ses premiers volumes de diesel et de carburéacteur aux négociants pétroliers
  • Yaoundé : Camrail veut s’appuyer sur le 3e Congrès africain du numérique ferroviaire pour améliorer ses services
  • En 2023, l’industrie africaine de l’alimentation animale a enregistré le second plus fort taux de croissance mondiale

Les analyses de la rédaction :

1. Afrique : la langue française perd aussi de son influence 

Le monde francophone a célébré le 20 mars dernier la Journée internationale de la francophonie, un événement majeur qui interpelle sur la question de la place de la langue de Molière dans le monde et particulièrement en Afrique, le continent où le français est le plus représenté avec 44% de locuteurs africains. 

En 2050, 85% des francophones du monde viendront non pas de Suisse ou de France, mais d’Afrique, les différents observateurs et linguistes s’accordant à dire que l’avenir de la langue française est sur ce continent. 

Or, vingt-six pays africains sur les 54 sont généralement considérés comme francophones, le continent de Mandela regroupant 60% des locuteurs de cette langue avec 167 millions personnes parlant français. 

Des rapports tendus entre l’OIF et certains pays africains francophones ont fait que cependant la langue n’échappe pas à la réalité géopolitique et les relations sensibles entre la France et certaines de ses anciennes colonies africaines ont une influence sur l’usage du français. 

Par exemple, le Mali a décidé officiellement de rétrograder le français comme langue de travail en 2023 et le Niger voisin a coupé les ponts depuis décembre 2023 avec l’OIF. L’instance internationale a décidé de suspendre le pays sahélien suite au coup de force de juillet 2023 et la destitution de son président Mohamed Bazoum. 

Par ailleurs, la République démocratique du Congo (RDC), considérée à l’heure actuelle comme le plus grand pays francophone après la France, pourrait quitter l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), comme l’a évoqué à Politico, le 19 mars dernier, le porte-parole du gouvernement congolais Patrick Muyaya. 

Niamey a été le témoin des premiers signes de l’OIF en mars 1970 à l’initiative des pères fondateurs de la francophonie – les trois dirigeants africains Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba et Hamani Diori, ainsi que le Prince Norodom Sihanouk du Cambodge. Les dirigeants avaient pour objectif de mettre la langue française au service du développement et du rapprochement entre les peuples. 

Concurrencée par la langue de Shakespeare au Maghreb, la langue française a décliné d’une façon considérable dans le bassin du Maghreb ces dernières décennies. Un constat établi par le président français Emmanuel Macron lui-même en marge du Sommet de francophonie à Djerba en Tunisie en 2022. 

Le président français a évoqué des formes de résistance quasi-politiques en plus de la domination de l’anglais. Dans cette région qui regroupe plus de 33 millions de locuteurs francophones, la langue française a fait l’objet de débats linguistiques et politiques. Pour certains, c’est la langue de l’ex-colonisateur qu’il faut restreindre dans le champ public. 

Pour d’autres, la place de l’anglais dans le monde oblige les autorités compétentes à mettre en avant cette langue au détriment du français, sachant qu’aucun pays du Maghreb n’a le français comme langue officielle, conformément à leur constitution. 

Une langue qui recule dans certains pays mais avance dans d'autres, en majeure partie grâce à la croissance démographique du continent africain, mais aussi à l’engouement de beaucoup de pays pour cette langue, en dépit d’un faible passé historique avec la France, à l’image des 27 pays observateurs de l’OIF, qui eux se trouvent en Amérique latine ou en Europe de l’Est. 

2. L’axe de la Résistance au Sahel 

Le Sahel se révolte contre le néocolonialisme occidental en éjectant les troupes et les bases étrangères, en concevant des monnaies alternatives et en défiant les anciennes multinationales. Après tout, la multipolarité ne peut fleurir sans que des résistances ne pavent son chemin. 

L’émergence d’Axes de Résistance dans diverses géographies est un sous-produit inextricable du long et sinueux processus qui nous mène vers un monde multipolaire. Ces deux choses – la résistance à l’hégémonie et l’émergence de la multipolarité – sont absolument complémentaires. 

L’Axe de la Résistance au Moyen-Orient – à travers les États arabes et musulmans – a désormais pour sœur l’Axe de la Résistance qui couvre le Sahel en Afrique, d’ouest en est, du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso et du Niger au Tchad, au Soudan en passant par l’Érythrée. 

Contrairement au Niger, où le changement de pouvoir contre le néocolonialisme a été associé à un coup d’État militaire, au Sénégal, le changement de pouvoir vient directement des urnes. 

Le Sénégal est entré dans une nouvelle ère avec la victoire écrasante de Bassirou Diomaye Faye, 44 ans, lors des élections nationales du 24 mars. Ancien inspecteur des impôts qui venait de passer quinze jours en prison, Bassirou Diomaye Faye a émergé avec le profil d’un leader panafricain outsider pour renverser la « démocratie la plus stable d’Afrique », dirigée par le président sortant Macky Sall, marionnette de la France. 

Le futur président sénégalais rejoint Ibrahim Traore, 36 ans, au Burkina Faso, Aby Ahmed, 46 ans, en Éthiopie, Andry Rajoelina, 48 ans, à Madagascar, ainsi que la future superstar Julius Malema, 44 ans, en Afrique du Sud, en tant que membre de la nouvelle et jeune génération panafricaine axée sur la souveraineté. Dans son programme électoral, Faye s’est engagé à réclamer la souveraineté du Sénégal pas moins de dix-huit fois.  

La géoéconomie est la clé de ces changements. Alors que le Sénégal devient un important producteur de pétrole et de gaz, Faye s’efforcera de renégocier les contrats miniers et énergétiques, notamment les plus importants conclus avec British Petroleum (BP) et l’exploitant britannique de mines d’or, Endeavor Mining. 

Plus important encore, il prévoit d’abandonner le franc CFA – le système monétaire contrôlé par la France et utilisé dans 14 États africains – et même de créer une nouvelle monnaie dans le cadre de la refonte des relations avec la France, puissance néocoloniale et premier partenaire commercial du Sénégal. Faye, se faisant l’écho du camarade Xi Jinping, souhaite un partenariat « gagnant-gagnant ». 

L’entrée en scène de l’Alliance des États du Sahel 

Faye n’a pas encore dit clairement s’il avait l’intention de chasser les militaires français du Sénégal. Si cela devait se produire, le coup porté à Paris serait sans précédent, car le Petit Roi Emmanuel Macron, en difficulté, et l’establishment français considèrent le Sénégal comme un acteur clé lorsqu’il s’agit de bloquer le Niger, le Mali et le Burkina Faso, pays enclavés, qui ont déjà laissé Paris dans la poussière (du Sahel).  

Ces trois derniers États, qui viennent de former l’Alliance des États du Sahel (AES), sont non seulement un cauchemar pour Paris après des humiliations en série, mais aussi un casse-tête pour les États-Unis, comme en témoigne la rupture spectaculaire de la coopération militaire entre Washington et Niamey, la capitale nigérienne. 

Le coupable, selon l’État profond américain, est bien sûr le président russe Vladimir Poutine. 

De toute évidence, personne dans le Beltway américain n’a prêté l’attention nécessaire à la rafale diplomatique Russie-Afrique depuis l’année dernière, impliquant tous les acteurs clés du Sahel jusqu’aux nouveaux membres africains des BRICS, l’Égypte et l’Éthiopie. 

Alors qu’il considérait auparavant le Niger comme un allié solide au Sahel, Washington est aujourd’hui contraint de présenter un calendrier pour le retrait de ses troupes du Niger, après l’annulation d’un accord de coopération militaire. Le Pentagone ne peut plus être impliqué dans la formation militaire sur le territoire nigérien. 

Il existe deux bases clés – à Agadez et à Niamey – pour lesquelles le Pentagone a dépensé plus de 150 millions de dollars. Niamey n’a été achevée qu’en 2019 et est gérée par le commandement africain de l’armée américaine, l’AFRICOM. 

Les objectifs opérationnels sont, comme on peut s’y attendre, entourés de mystère. La base de Niamey est essentiellement un centre de renseignement, qui traite les données collectées par les drones MQ-9 Reaper. L’US Air Force utilise également l’aérodrome de Dirkou comme base pour ses opérations au Sahel. 

Les choses deviennent alors vraiment passionnantes, car la présence d’une base de drones de facto de la CIA à Dirkou, gérée par une poignée d’agents, n’est même pas reconnue. Cette base obscure permet de collecter des renseignements partout en Afrique centrale, de l’ouest au nord. Il s’agit d’un autre exemple classique de l’ancien directeur de la CIA, Mike Pompeo : « Nous mentons, nous trichons, nous volons. ».

Il y a environ 1 000 soldats américains au Niger qui pourraient bientôt être éjectés. Les Américains tentent par tous les moyens d’endiguer l’hémorragie. Ce mois-ci encore, la sous-secrétaire d’État américaine chargée de l’Afrique, Molly Phee, s’est rendue à deux reprises au Niger. En perdant ses bases au Niger, Washington suivra Paris et perdra le contrôle du Sahel, le Niger se rapprochant de la Russie et de l’Iran. 

Ces bases ne sont pas essentielles pour exercer une surveillance sur Bab el-Mandeb ; il s’agit avant tout du Sahel, avec des drones opérant à leur limite et violant tous les espaces aériens souverains en vue. 

D’ailleurs, une importante délégation de Niamey s’est rendue à Moscou en janvier. La semaine dernière, Poutine a discuté de la coopération en matière de sécurité lors d’appels téléphoniques avec le président intérimaire du Mali, Assimi Goïta, et le président du Niger, Abdourahmane Tchiani, avant de s’entretenir avec le président de la République du Congo, Denis Nguesso. 

3. Sénégal: Sonko, le Premier ministre de la rupture avec l’impérialisme 

Sortie du franc CFA, fin des accords militaires, demande de respect mutuel… Le Sénégal, avec l’arrivée d’Ousmane Sonko au poste de Premier ministre, veut désormais parler d’égal à égal avec la France. 

Il y a quelques mois, il assurait : « Nous n’avons rien contre la France ». Mais l’ancien opposant numéro 1, Ousmane Sonko, est bel et bien le symbole de la rupture avec Paris. Désormais Premier ministre du Sénégal, Sonko va s’appuyer sur un programme qui trouve son essence dans la lutte contre le néocolonialisme. Les Pastef, le parti d’opposition que Macky Sall avait choisi de dissoudre, veut notamment en finir avec le franc CFA ou encore revoir les accords militaires entre la France et le Sénégal. 

Ce programme de rupture a été largement plébiscité dans les urnes : les Sénégalais ont en effet élu Bassirou Diomaye Faye dès le premier tour de la présidentielle, montrant l’attrait des populations locales pour le panafricanisme. Du côté de la France, forcément, on regarde d’un œil inquiet le nouveau paysage politique à Dakar. Macky Sall, accusé de servir les intérêts français, n’est plus là. Place à un Premier ministre prêt à en découdre avec l’Occident. 

Dans le fond, Sonko va dénoter. Mais pas seulement : dans la forme, c’est l’arrivée d’une classe politique qui n’hésite plus à se vêtir des habits traditionnels. De plus, les nouveaux dirigeants sénégalais ont fait leurs armes dans leur propre pays, ce qui est assez inédit : Ousmane Sonko, par exemple, a étudié à l’université de Saint-Louis avant de terminer major à l’École nationale d’administration (ENA) du Sénégal. 

Et c’est toute un environnement de rupture qui s’installe non seulement au Sénégal, par les urnes, mais aussi en Afrique de l’Ouest, voire au-delà, avec des Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et autres chefs militaires qui ont poussé dehors des présidents qu’ils jugeaient illégitimes, avec l’aide de leur population respective. Tous ont désormais en ligne de mire le Fonds monétaire international (FMI) et ses politiques d’austérité, mais surtout la France qui a toujours joué sur un certain chantage avec ses anciennes colonies, basé sur une politique restrictive d’octroi de visas ou d’aides soumises à conditions. 

D’ailleurs, dans un message publié sur son compte X (ex Twitter) dans l’après-midi de ce mardi 2 avril 2024, le président de la transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a félicité le nouveau président élu de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, investi dans ses fonctions ce mardi 2 avril 2024. 

« J’adresse mes vives félicitations et celles du vaillant peuple burkinabè au nouveau président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye FAYE. 

A l’entame de son mandat plein d’espoir pour le peuple sénégalais et symbole d’une nouvelle ère pour une Afrique décomplexée, libre et souveraine, je lui formule mes vœux de succès. 

D’ores et déjà, je lui donne l’assurance de ma disponibilité et de mon engagement à œuvrer avec lui, non seulement au renforcement des relations bilatérales entre nos deux pays ; mais également à la rénovation de la coopération sous-régionale et internationale pour le bonheur et l’intérêt supérieur de nos peuples respectifs », a écrit sur son compte X, le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition, chef de l’État. 

À peine arrivé, Ousmane Sonko met la pression sur la France, qu’il appelle à « revoir sa position » vis-à-vis de l’opposition sénégalaise. Paris n’a en effet jamais tancé Macky Sall qui avait jeté certains opposants en prison. Avec le nouveau président, Sonko propose un « changement systémique » et que le Sénégal retrouve sa souveraineté. Diomaye Faye veut d’ailleurs que le Sénégal redevienne « l’allié sûr et fiable » des partenaires « respectueux ». Un message à peine caché envoyé à la France, qui va devoir revoir sa politique vis-à-vis du Sénégal. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV