Samedi, lors des rassemblements contre la mégabassine dans une région à l’ouest de la France, plusieurs manifestants ont été blessés, dont deux grièvement. Un enregistrement révélé par Le Monde et Mediapart confirme que malgré les blessures graves de deux manifestants, la police a empêché les secouristes d’intervenir.
C’est un enregistrement qui soulève de nombreuses questions, quatre jours après les affrontements entre manifestants « anti-bassines » et forces de l’ordre à Sainte-Soline samedi 25 mars, qui ont laissé deux manifestants entre la vie et la mort. Un échange téléphonique, enregistré par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) semble indiquer que le Samu a été interdit d’intervenir.
Samedi 25 mars, la LDH avait envoyé des équipes d’observateurs à Sainte-Soline en liaison notamment avec trois avocats et un médecin généraliste en centre de santé. Selon Le Monde, le médecin a déjà appelé le Samu (Urgences de France) pour réclamer une évacuation en hélicoptère. Il rappelle une nouvelle fois les pompiers, qui le mettent en liaison avec un opérateur du Samu, après que les observateurs de la LDH ont rapporté que les secours n’arrivent pas et que le pronostic vital d’au moins un blessé est engagé.
S’ensuit la conversation enregistrée par la LDH. « On a eu un médecin sur place et on lui a expliqué la situation, c’est qu’on n’enverra pas d’hélico ou de Smur sur place, parce qu’on a ordre de ne pas en envoyer par les forces de l’ordre », lui affirme l’opérateur.
Le médecin l’informe que selon des observateurs de la LDH, « c’est calme depuis trente minutes et qu’il est possible d’intervenir ? ». « Je suis d’accord avec vous, vous n’êtes pas le premier à nous le dire. Le problème, c’est que c’est à l’appréciation des forces de l’ordre dès qu’on est sous un commandement, qui n’est pas nous », lui répond le régulateur du Samu.
L’échange se poursuit, le Samu informe que les médecins militaires sur place « sont là pour les forces de l’ordre » et, interrogée sur la possibilité de contacter le commandement, répond « négatif, négatif » et conseille de contacter la préfecture.
L’avocate de la LDH Chloé Saynac intervient : « Et si vous n’y allez pas, ce ne serait pas une non-assistance à personne en danger ? » « Nous devons avoir nos secours en sécurité également, malheureusement on n’a pas l’autorisation de les envoyer comme ça », lui répond l’opérateur. Interrogé sur l’origine de cet ordre, il affirme n’avoir « pas l’autorisation de toutes les institutions sur place, pour l’instant, on est sous leur commandement ». Plus loin, il précise que « c’est pas la préfecture qui interdit l’accès, je vous dis que c’est le commandement sur place ».
Protéger les personnels de secours
Mardi soir, la préfète des Deux-Sèvres a publié un long droit de réponse : « Si la transcription de l’article [du Monde] laisse sous-entendre que les médecins militaires ne sont pas intervenus au profit des participants au rassemblement, force est de constater que cette affirmation est fausse », écrit Emmanuelle Dubée.
Elle rappelle « le rôle essentiel joué par un médecin de la gendarmerie, qui a notamment porté secours à un participant blessé en urgence absolue, au milieu d’un groupe d’opposants agressifs. Il a été la cible de projectiles à son départ, alors qu’il a prodigué les premiers secours et attendu l’arrivée du Samu à ses côtés ».
La préfète Emmanuel Dubée indique également que « le principe fondamental d’intervention des secours dans un contexte hostile est de garantir au premier chef la sécurité des personnels des sapeurs-pompiers ou du Samu. Pour ce faire, il appartient aux forces de l’ordre, informées en temps réel de la situation, de définir si l’arrivée d’un véhicule de secours à un certain point est possible ou non de façon sûre pour lui ».
« Il n’est donc pas surprenant que, si ces conditions de sécurité n’étaient pas réunies, les forces de l’ordre aient pu, pour certaines géolocalisations et dans certaines périodes de temps, indiquer qu’un envoi d’ambulance n’était pas possible dans l’immédiat […] Ce n’est donc que pour éviter que le Samu ou les pompiers ne soient pris à partie ou victimes collatérales des affrontements violents que cette consigne a pu être passée, dans un contexte où les groupes violents se déplaçaient très rapidement. »
Les parents d’un manifestant blessé portent plainte
Après la publication de l’article du Monde, le Samu, qui avait déjà défendu ses conditions d’intervention depuis ce week-end, a indiqué sur les réseaux sociaux : « Nous n’intervenons pas en zone d’exclusion. Il n’y a pas de débat. »
L’enregistrement révélé par Le Monde a toutefois provoqué de vives réactions, notamment à gauche. « A Sainte-Soline, les secours ont été empêchés d’intervenir pour secourir un homme en urgence absolue par la police. Une vie brisée pour rien », a écrit sur Twitter le député insoumis David Guiraud, qui a demandé au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de démissionner « s’il le faut ».
Selon France-Inter, ce mercredi, les parents d’un manifestant de 32 ans, blessé à Sainte-Soline et dont le pronostic vital « est toujours engagé » selon des proches, ont porté plainte pour des faits de « tentative de meurtre » et « entrave aux secours ». Selon les organisateurs, il a été blessé à la tête par « une grenade GM2L [de désencerclement] ». Le parquet avait déjà ouvert une enquête sur l’origine de ces blessures.