TV
Infos   /   Iran   /   L’INFO EN CONTINU   /   Point de Vue

Comment le nouvel scénario de Washington pour l’Iran est-il tombé à l’eau ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Pepe Escobar

Le Parlement iranien vient d’approuver l’adhésion de la RII à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), à laquelle ont donné leur aval les membres de l’organisation lors du sommet de Samarcande en septembre dernier. Le processus a ainsi été mené à bien après moins de 15 ans.

L’Iran a déjà demandé à devenir membre du « BRICS+ » en expansion, qui avant 2025 sera inévitablement configuré comme alternative au « Global South G20 » qui compte vraiment.

L’Iran fait déjà partie de l’alliance dite « Quad » - aux côtés des membres du BRICS à savoir, la Russie, la Chine et l’Inde. Ce dernier approfondit son partenariat stratégique avec la Chine et la Russie et renforce sa coopération bilatérale avec l’Inde.

L’Iran est un partenaire clé de la Chine dans les nouvelles routes de la Soie (le projet Une ceinture, une route). Il est sur le point de conclure un accord de libre-échange avec l’Union économique eurasienne (EAEU) et est un élément clé du corridor international de transport Nord-Sud (INSTC), aux côtés de la Russie et de l’Inde.

Tout ce qui précède configure l’émergence ultra-rapide de la République islamique d’Iran en tant que grande puissance d’Asie de l’Ouest et d’Eurasie, avec une vaste portée dans le Global South.

Cela a laissé l’ensemble des « politiques » impériales envers Téhéran tomber dans la poussière.

Il n’est donc pas étonnant que des brins iranophobes accumulés auparavant se soient récemment métastasés en une nouvelle offensive de révolution de couleur, pleinement soutenue et diffusée par les médias anglo-américains.

Le Leader de la Révolution islamique, l’Ayatollah Ali Khamenei, a en fait proposé une définition concise : « Le problème n’est pas des bandes d’émeutiers et/ou de mercenaires inconscients. La principale confrontation est avec l’hégémonie mondiale ».

Le Leader de la Révolution islamique a été quelque peu repris par l’intellectuel et auteur américain Noam Chomsky, qui a remarqué comment une série de sanctions américaines sur quatre décennies ont gravement nui à l’économie iranienne et « causé d’énormes souffrances ».

Utiliser les Kurdes comme ressources durables

Le dernier overdrive de la révolution des couleurs chevauche la manipulation des Kurdes en Syrie et en Irak. Du point de vue impérial, la guerre par procuration en Syrie, qui est loin d’être terminée, fonctionne non seulement comme un front supplémentaire dans la lutte contre la Russie, mais permet également l’instrumentalisation des Kurdes, très dépendants, contre l’Iran et la Turquie.

L’Iran est actuellement attaqué selon une variante perverse du schéma appliqué à la Syrie en 2011. Une sorte de situation de « protestation permanente » a été imposée sur de vastes étendues du nord-ouest de l’Iran.

Ce qui a changé à la mi-novembre, c’est que des gangs armés ont commencé à appliquer des tactiques terroristes dans plusieurs villes proches de la frontière irakienne, et étaient même soupçonnés d’être suffisamment armés pour prendre le contrôle de certaines villes.

Téhéran a inévitablement dû envoyer des troupes du CGRI pour contenir la situation et renforcer la sécurité aux frontières. Ils se sont livrés à des opérations similaires à ce qui a été fait auparavant à Deraa, dans le sud-ouest de la Syrie.

Cette intervention militaire a été efficace. Mais sous certaines latitudes, des gangs terroristes continuent d’attaquer les infrastructures gouvernementales et même les biens civils. Le fait essentiel est que Téhéran préfère ne pas réprimer ces manifestations indisciplinées en utilisant la force meurtrière.

La question vraiment critique n’est pas les protestations en soi : c’est le transfert d’armes par les Kurdes d’Irak vers l’Iran pour renforcer le scénario de la révolution de couleur.

Téhéran a lancé un ultimatum de facto à Bagdad : ressaisissez-vous avec les Kurdes et faites-leur comprendre les lignes rouges.

Dans la situation actuelle, l’Iran utilise massivement des missiles balistiques Fateh et des drones kamikazes Shahed-131 et Shahed-136 contre certaines bases terroristes kurdes dans le nord de l’Irak.

On peut se demander si cela suffira pour contrôler la situation. Ce qui est clair, c’est que la « carte kurde », si elle n’est pas apprivoisée, pourrait être facilement jouée par les suspects habituels dans d’autres provinces iraniennes, compte tenu du solide soutien financier, militaire et informationnel offert par les Kurdes irakiens aux Kurdes iraniens. La Turquie est confrontée à un problème relativement similaire avec les Kurdes syriens instrumentalisés par les États-Unis.

Dans le nord de la Syrie, des gangs armés se faisant passer pour des « Kurdes » sont bien nombreux. Il est donc tout à fait possible que ces gangs armés kurdes, utilisés essentiellement par Washington comme idiots utiles, finissent par être décimés, simultanément, à court ou moyen terme, par Ankara et Téhéran.

« Si tout échoue, priez pour un changement de régime »

Un changeur de jeu géopolitique impensable jusqu’à récemment pourrait bientôt être sur les cartes : une rencontre de haut niveau entre le président turc Recep Erdogan et son homologue syrien Bachar al-Assad en Russie, avec la médiation de nul autre que le président russe Vladimir Poutine.

Que faudrait-il pour que les Kurdes comprennent qu’aucun État — que ce soit l’Iran, la Syrie ou la Turquie — ne leur offrira des terres pour leur propre nation ? Les paramètres pourraient éventuellement changer au cas où les Irakiens de Bagdad parviendraient finalement à expulser les États-Unis.

Avant d’en arriver là, le fait est que l’Iran a déjà bouleversé la géopolitique de l’Asie occidentale — par ses missiles de croisière intelligents, ses drones kamikazes extrêmement efficaces, sa guerre électronique et même ses missiles hypersoniques à la pointe de la technologie. Les « planificateurs » de l’Empire n’ont jamais vu cela venir : un partenariat stratégique russo-iranien qui non seulement a un sens géo-économique total, mais qui est aussi un multiplicateur de force militaire.

Le plan A de l’Empire, sur l’Iran, était un simple accord nucléaire (PGAC), conçu par l’administration de Barack Obama comme rien d’autre qu’un plan de confinement grossier.

Trump a en effet fait sauter tout — et il ne reste plus rien : une relance du PGAC, qui a été — en théorie, tentée pendant des mois à Vienne, a toujours été un échec, car les Américains eux-mêmes ne savent plus ce qu’ils en veulent.

Donc, ce qui reste comme plan B pour les psychos néoconservateurs/néolibéraux straussiens en charge de la politique étrangère américaine, est de recourir à tous les éléments possibles — des Kurdes aux Moujahidines Khalgh (OMK) […] pour un changement de régime.

Eh bien, cela n’arrivera pas. Téhéran a juste besoin d’attendre, de faire preuve de retenue et d’observer que ces signaux de la révolution des couleurs finiront par s’éteindre.

 

Pepe Escobar est un analyste et auteur géopolitique indépendant, spécialisé dans l’intégration de l’Eurasie. Son dernier livre est intitulé Raging Twenties.

(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

Suivez-nous sur Telegram via le lien suivant : https://t.me/PressTVFr

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV