Le gouvernement syrien a finalement rompu son silence sur l’appel à une réconciliation avec Ankara. Il a annoncé son projet de normalisation des relations avec la Turquie.
Ces dernières semaines, malgré les signaux positifs d’Ankara vers Damas et son intention de revoir sa politique envers la Syrie, Damas n’avait pas réagi et aucune institution officielle n’avait émis de commentaire à ce sujet.
Lire aussi : Et si Assad renvoyait la balle au sultan Erdogan
Damas a préféré attendre la création d’un environnement propice à la médiation de l’Iran et de la Russie, raison pour laquelle, finalement, lors de la conférence de presse conjointe des ministres des Affaires étrangères syrien et russe à Moscou, Damas a clairement exprimé sa position.
En effet, le 23 août, le ministre des Affaires étrangères et des Expatriés, Fayçal Miqdad, s’est rendu à Moscou où il a rencontré son homologue Sergueï Lavrov. C’est de là-bas qu’il s’est exprimé sur la question, évoquant une affaire qui ouvre la voie à un véritable dialogue syro-syrien.
Le journal libanais Al-Akhbar a fait paraître une note intitulée « Damas rompt son silence : c’est notre plan de normalisation avec Ankara ». Il s’ensuit que Damas a rompu son silence face aux appels d’Ankara et n’a aucune objection à la reprise des relations avec Ankara dans des conditions fermes et stables garantissant la reprise du contrôle de ses territoires occupés.
Malgré la ruée diplomatique et médiatique de la Turquie vers la Syrie, la normalisation, qui est actuellement tracée par les agences de renseignement des deux pays, semble prendre du temps, à moins qu’Ankara ne prenne des mesures significatives qui puissent accélérer le processus.
À Moscou, le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Miqdad et son homologue russe, Sergueï Lavrov, ont longuement discuté sur les deux questions des réfugiés syriens et de la présence des États-Unis en Syrie. Ils ont mis l’accent sur le retrait des troupes US de Syrie, étant une condition nécessaire à la résolution de la crise, l’épine dorsale des efforts des pays garants du processus d’Astana (Russie, Iran et Turquie) pour une ouverture des portes closes entre Ankara et Damas.
Les deux ministres ont rappelé le rôle subversif des forces américaines, qui occupent des champs pétroliers syriens, ainsi que leur soutien au projet des séparatistes kurdes, qui est l’un des obstacles les plus évidents à la concrétisation d’une solution politique conforme. C’est aussi une menace pour l’intégrité territoriale de la Syrie et un obstacle au retour des réfugiés dans leurs foyers en raison des problèmes financiers dus aux pressions économiques exercées par Washington au gouvernement syrien.
Le journal précise que les déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan contre la politique des États-Unis et celles de Mevlüt Cavusoglu dénotent l’existence d’un accord préliminaire entre la Turquie et la Syrie qui peuvent conduire à des dialogues politiques. M. Cavusoglu avait reconnu une reprise de contact entre les services de renseignements des deux pays et un bref entretien avec son homologue syrien en octobre 2021.
L’intervention de Fayçal Miqdad à Moscou est considérée comme la première déclaration officielle de la Syrie sur la réconciliation avec la Turquie, après une longue période de silence délibéré. Il a néanmoins nié l’existence de conditions pour la normalisation des relations. Il a surtout souligné le respect de la souveraineté des gouvernements, la fin de l’occupation, l’arrêt du soutien au terrorisme, la non-ingérence dans les affaires intérieures d’autrui et le règlement des problèmes liés à la pénurie d’eau.
Déclarant que Damas ne fait pas confiance à « ceux qui soutiennent le terrorisme », il a déclaré : « Lorsque nous parviendrons à une telle solution, ce sera dans l’intérêt de la Syrie et de la Turquie et un prélude au rétablissement des relations au niveau qu’elles avaient avant le début de la guerre. »
Selon le journal, les propos de Miqdad sont des signaux clairs de ce que la Syrie a en tête, aussi bien concernant la fin de la présence militaire turque dans son territoire que l’arrêt du soutien d’Ankara aux groupes d’opposition. D’autant plus que Damas est soutenu par ses alliés russes et iraniens.
Al-Akhbar note en outre : « En conséquence, la situation actuelle peut être considérée comme le début d’un changement de position de la Turquie envers la Syrie. Erdogan essaie de trouver une solution au problème des réfugiés et d’obtenir des gains politiques sur le terrain au seuil des prochaines élections de juin. D’un autre côté, Damas veut une feuille de route claire qui lui garantisse la rétrocession de toutes les zones du pays et la reconversion de la Turquie de partie belligérante en un élément auxiliaire dans le règlement de la crise.
Mais le chemin pour arriver à ces exigences sera long, sur fond des complications de la situation dans le nord de la Syrie ; là où Ankara et ses mercenaires contrôlent la périphérie d’Alep et de Raqqa, tandis que le groupe terroriste Tahrir al-Sham (Front al-Nosra), toujours affilié à la Turquie, contrôle à lui seul Idlib, la plus grande base des groupes rebelles.
Pour plus de détails : Syrie : et si Erdogan refuse de jouer le jeu après le vibrant avertissement iranien ?