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Que Damas active sa DCA pour nous protéger contre la Turquie

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des troupes turques lors de combats avec les forces kurdes à la frontière qui sépare la Turquie du nord de la Syrie. ©AFP/Archives

Il serait naïf de croire aux fanfaronnades d’Erdogan sur son plan de démembrement de la Syrie déguisé en plan de zone de sécurité dans le Nord syrien, où précisément, Damas et ses alliés ont d’ores et déjà commencé à réunir tous les ingrédients nécessaires pour faire échec et mat à l’armée turque.

Dans le Nord syrien, il n’y a pour l’instant aucun déploiement de forces ni de la part de l’armée turque ni de la part des paramilitaires qu’elle soutient, sauf quelques agissements sous forme d’entraînements que l’armée turque fournit à certains groupes militaires. Par contre, la Russie a déployé des équipements à Manbij, Tell Rifaat et Qamichli et y a intensifié ses agissements, manière de transmettre aux Turcs un message d’avertissement contre toute éventuelle attaque.

Bien évidemment, l’armée syrienne aussi a envoyé des véhicules lourds et des unités d’artillerie et d’infanterie à Tell Rifaat. Avec l’appui des conseillers iraniens et une coordination avec les Kurdes dont les Forces démocratiques syriennes (FDS) et les Forces de libération d’Afrin (ALF selon l’acronyme anglais), Damas a déployé des forces alliées dans la région de Tell Rifaat. Dans le même temps, les FDS et ALF ont accepté, soit de se retirer de leurs positions militaires pour les céder à l’armée syrienne et ses forces alliées, soit de hisser le drapeau syrien sur toutes leurs positions. D’ailleurs, hormis la région d’Aïn Issa dans la banlieue de Raqqa où les FDS ont renforcé leurs positions, dans d’autres régions du Nord syrien dont notamment Manbij, des rapports font part de la poursuite des négociations pour arranger le retrait des Kurdes de leurs positions qu’elles vont devoir confier à l’armée syrienne.

Les évolutions en cours montrent que la Turquie campe sur son idée de créer une soi-disant zone de sécurité dans le Nord syrien afin de se réserver une marge de manœuvre qui consiste à arracher des concessions politiques aux Russes en brandissant la menace d’attaques sur cette zone. Les concessions envisagées par Ankara couvrent divers sujets y compris le conflit en Ukraine, la menace de fermer le Bosphore, le système de missile russe S-400, la réduction de la présence des FDS dans le Nord syrien ainsi que l’extension de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) vers l’Est.

À travers ce plan d’agression sous couvert de la zone de sécurité, la Turquie cherche également à arracher des concessions aux États-Unis, afin de redynamiser deux importants dossiers : celui des chasseurs F-35 et l'hébergement de presque un million de réfugiés syriens dans le nord de la Syrie en mettant sous pression les Kurdes syriens soutenus par les États-Unis.

En effet, les efforts d’Erdogan pour éloigner les Kurdes des zones stratégiques de Manbij et Tell Rifaat et clôturer le dossier des réfugiés font également partie des campagnes électorales prématurées à travers lesquelles il souhaite assurer sa victoire sur la scène politique interne et affirmer la place de son pays sur la scène régionale.

Que le président turc Recep Tayyip Erdogan parvienne oui ou non à ces objectifs dépendra de la rencontre entre les ministres des Affaires étrangères de Russie et Turquie prévue mercredi à Ankara.

En cas de l’échec de cette réunion, des opérations militaires sporadiques limitées ne seront pas exclues dans la banlieue nord d’Alep et dans la région de Manbij, et cela alors que dans les zones occupées par les groupes militaires soutenus par la Turquie, on est d’ores et déjà témoin de la colère de la population locale contre leurs conditions de vie difficiles. Des postes électriques sous contrôle des forces turques ont déjà été la cible d’attaques en signe de protestation. En outre, les groupes de paramilitaires et terroristes soutenus par la Turquie sont très divisés dans cette région où les démarches d’Ankara ont vidé de tout son sens le terme « zone de sécurité ».

C’est dans un tel contexte qu’une décision des Kurdes syriens a surpris même leur défenseur traditionnel, Washington.

Pour rappel, c’étaient les États-Unis qui avaient favorisé la mainmise des FDS à l’est de l’Euphrate. Les évolutions de l’Afghanistan ainsi que les manquements de l’ex-président américain envers sa promesse de soutenir les FDS semblent les avoir conduits à ne plus mettre de l’espoir dans les promesses d’appui des Américains et de se pencher plutôt vers l’axe de la Résistance. Toujours est-il que le commandant général des FDS Mazlum Abdi a annoncé que ces forces écarteraient toute agression de la Turquie contre le territoire syrien. « Les FDS sont prêtes à coopérer avec l’armée syrienne pour combattre la Turquie ; il n’y a aucun besoin d’envoyer des forces supplémentaires », a affirmé le commandant kurde appelant l’armée syrienne à utiliser l’artillerie antiaérienne contre l’armée de l’air turque.

Le commandant des Forces démocratiques syriennes a également ajouté : « Notre priorité consiste à protéger le territoire syrien ; personne ne doit se permettre de vouloir abuser de cette situation pour assurer ses intérêts sur le terrain. Nous tenons à mettre en garde l’armée turque contre toute tentative de frapper les zones sous contrôle des unités kurdes, ce qui n’aura pour résultat que la mise en errance d’un million de personnes, l’escalade des affrontements et une émergence du terrorisme de Daech. »

Mazlum Abdi a émis l’espoir que l’imminente rencontre des ministres des Affaires étrangères russe et turc soit constructive, avant de préciser que « tout règlement de compte ou tout arrangement devra comprendre un arrêt des attaques au drone de la Turquie dans le Nord syrien, c’est l’une de nos principales revendications ».

Le président turc répète ses menaces contre les Kurdes syriens et prétend que les futures opérations militaires de son pays viseront les Kurdes « terroristes ».

Erdogan a déclaré mercredi que l’opération militaire turque prévue en Syrie ciblerait les zones de Tell Rifaat et de Manbij près de la ville d’Alep, dans le nord du pays, avant de s’étendre progressivement à d’autres régions.

« Nous entrons dans une nouvelle phase de notre décision de créer une zone de sécurité de 30 km de profondeur en Syrie le long de nos frontières Sud. Nous débarrasserons Tell Rifaat et Manbij des terroristes. Ensuite nous prendrons les mêmes mesures dans d’autres régions », a affirmé Recep Tayyip Erdogan en s’adressant aux députés de son Parti de la justice et du développement (AKP) au Parlement turc.

Plus tôt le 23 mai, le président turc a annoncé qu’Ankara lancerait prochainement une nouvelle opération militaire contre le mouvement kurde des Unités de protection du peuple (YPG, branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD) kurde en Syrie, qu’Ankara considère comme terroriste et une ramification du Parti des travailleurs du Kurdistan PKK) afin de soi-disant relier les zones déjà sous contrôle turc dans le nord de la Syrie. Les échanges de tirs sont fréquents entre les forces turques et les YPG, et ces affrontements se sont intensifiés depuis début 2022.

La semaine dernière, Washington a averti Ankara que les opérations militaires dans le Nord syrien y attiseraient l’instabilité et mettraient en danger les forces américaines dans la région.

L’armée turque a lancé dans le nord de la Syrie l’opération Bouclier de l’Euphrate en 2016, l’opération Rameau d’olivier en 2018, l’opération Source de paix en 2019, et l’opération Bouclier de la source en 2020, avec pour but prétendument de créer une zone dénuée de présence kurde le long de sa frontière avec la Syrie.

Les autorités turques prétendent que ces opérations visent à éliminer des menaces terroristes contre la Turquie et à ménager une zone de sécurité pour faciliter le retour des réfugiés syriens.

Si l’armée turque se lance dans de nouvelles opérations militaires, toutes les options qu’auront devant elles les FDS seront difficiles, d’autant plus que les Kurdes ont l’expérience de l’année 2019, où elles se sont vues obligées de signer un accord avec Moscou pour freiner l’opération militaire turque ; et cet accord a permis aux Russes d'établir des bases à l’est de l’Euphrate, une région riche en ressources naturelles.

Quoi qu’il en soit, en cas de nouvel élan aventuriste de la Turquie dans le Nord syrien, la réaction de l’armée syrienne sera très probablement foudroyante et en coordination avec les alliés iranien et russe ; et si c’est le cas, les Kurdes syriens n’auront que deux options : résister ou céder leurs positions aux forces de l’armée syrienne. Les récentes déclarations des responsables kurdes renforcent largement le deuxième scénario…

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SOURCE: FRENCH PRESS TV