Malgré les pressions continues américaines pour contraindre l’Arabie saoudite à rompre ses importations d’armements chinois, Riyad insiste toujours à entretenir ses liens de coopération avec Pékin sur divers plans.
Entre autres, le débat autour d’un accès de Riyad aux missiles balistiques chinois n’est pas chose nouvelle, sauf que les signaux montrant l’inquiétude de Washington à ce sujet sont devenus plus perceptibles. Ce qui angoisse le plus Washington c’est de voir l’Arabie saoudite se tourner clairement vers les Chinois pour leur vendre du pétrole en yuan.
Le journal Khaleej Online fait allusion aux tensions apparues sur la donne des relations Riyad-Washington après l’éclatement de la crise ukrainienne, suite à quoi le royaume des Saoud a fait fi des demandes américaines d’augmenter sa production de pétrole. Dans le même droit-fil, les États-Unis ont demandé à l’Arabie saoudite d’interrompre les achats d’armements chinois.
Le 13 mai, le site Web The Intercept a fait part d’une rencontre effectuée en discrétion à Djeddah entre le directeur de la CIA William Burns et le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. « En effet, la première source qui a couvert ce titre d’actualité c’était le Wall Street Journal. En avril, le WSJ a écrit qu’il s’agissait d’un premier face-à-face entre William Burns et MBS, et du plus récent effort de la part de Washington afin de persuader Riyad d’augmenter sa production de pétrole à un moment où le prix de l’essence aux États-Unis ne cessait d’augmenter. Deux sources concordantes ont pourtant confirmé que les plans saoudiens d’acheter des armements à la Chine ont aussi été discutés lors de cette rencontre ».
« Ce qui n’est pas connu du public, cependant, c’est que le gouvernement saoudien prévoit d’importer des missiles balistiques plus tard ce mois-ci depuis la Chine dans le cadre d’un programme secret nommé "Crocodile" », a écrit The Intercept citant une source proche des services de renseignement américains.
Plus tôt en décembre 2021, la chaîne de télévision américaine CNN relatait trois sources proches du dossier pour dire que l’Arabie saoudite menait une coopération active avec la Chine dans le cadre d’un projet de développement des missiles balistiques. Des images satellites auxquelles CNN avait pu accéder grâce à ses sources laissaient conclure que l’Arabie saoudite s’occupait de la construction de missiles balistiques sur au moins une base.
De même, la directrice du renseignement national américain dans l’administration de Joe Biden, Avril Haines, a elle aussi mis en garde contre les efforts russes et chinois pour piquer aux États-Unis leurs alliés un peu partout dans le monde, à titre d’exemple l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Auparavant en 2018, le Sénat américain a évoqué le sujet, en disant que l’achat d’armements russes et chinois par Riyad nuirait aux relations saoudo-américaines.
Tous ces avertissements, l’Arabie saoudite semble les avoir ignorés notamment après les récentes frictions avec Joe Biden, puisque les Saoudiens savent bien que les États-Unis les ont abandonnés seuls face aux attaques du mouvement yéménite Ansarallah.
Toujours est-il que le gouvernement saoudien a invité le président chinois Xi Jinping à effectuer une visite à Riyad, selon l’édition du 14 mars du Wall Street Journal. Il faudrait aussi rappeler que la Chine et l’Arabie saoudite avaient signé, lors de la visite en 2017 du roi Malek Abel Aziz d’Arabie saoudite à Pékin, une note d’entente pour la construction, sur le sol saoudien, d’une usine de drones d’assaut, ce qui faisait partie d’une série de contrats bilatéraux d’une valeur totale de 60 milliards de dollars.
Par ailleurs et toujours selon le journal Khaleej Online qui a consulté l’expert des questions militaires et sécuritaires arabe Ismaïl Ayoub, Riyad a également contribué à un projet de fabrication des missiles Dongfeng sur le territoire chinois, peut-être même saoudien, ce qui assurerait l’accès du royaume à cet arsenal de missiles. Selon cet expert, le refus des pays occidentaux de fournir des missiles sol-sol à l’Arabie saoudite a mené cette dernière il y a quelques décennies à se tourner vers l’achat et les projets conjoints de construction de missiles avec la Chine.
D’après Ismaïl Ayoub, il n’est pas exclu que les États-Unis et l’Arabie saoudite trouvent un arrangement à ce propos ; « mais il est très peu probable que l’Arabie saoudite interrompe ses liens [militaires] avec la Chine ; cela fait longtemps que les armes et missiles chinois existent et un groupe d’experts supervisent ces coopérations ».
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La deuxième plus grande économie du monde, la Chine, occupe la première place dans le classement des pays exportateurs à destination de l’Arabie saoudite. Au cours des 15 dernières années, la Chine a investi environ 40 milliards de dollars en Arabie saoudite ; or, les transactions commerciales entre les deux pays ont atteint l’année dernière la barre des 67 milliards de dollars, dont 39 milliards liés aux exportations saoudiennes vers la Chine. Et ce fut ainsi que les pressions américaines pour saper les liens militaires sino-saoudiens ont causé l’effet inverse, menant les Saoudiens à choisir la Chine comme premier partenaire économique.