Malgré le fait que plus de 10 ans se sont écoulés depuis la formation, à l’initiative de l’Iran, du Forum des pays exportateurs de gaz, il semble que cet organisme qui se veut identique à l'OPEP en matière de gaz naturel n'ait pas réussi à atteindre ses objectifs, et les experts estiment que la raison en est l'absence d'une stratégie de coopération gazière entre l'Iran et la Russie.
Son objectif : aider ses membres à anticiper les évolutions du marché du gaz naturel, et développer l'exploitation des ressources dans les meilleures conditions financières, économiques et environnementales.
Le FPEG a ainsi 13 membres : L’Algérie, l'Egypte, la Guinée équatoriale, la Libye et le Nigéria pour l'Afrique ; l'Iran, le Qatar, les Emirats arabes unis pour le Moyen-Orient ; le Venezuela, la Bolivie et Trinité-et-Tobago pour l'Amérique du sud et la Russie pour l’Europe.
7 pays observateurs (le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, la Norvège, les Pays-Bas, Oman, le Pérou et l’Angola) complètent cet organisme. Le FPEG se réunit une fois par an et représente près des deux tiers des réserves prouvées de gaz naturel dans le monde.
D'autres pays comme l'Indonésie, la Malaisie et le Yémen ont participé à différents sommets. Le Yémen et l'Angola ont manifesté de l’intérêt pour rejoindre l'organisation.
Les membres de l'Assemblée des pays exportateurs de gaz contrôlent désormais 44% de la production mondiale de gaz, 67 % des réserves mondiales de gaz, 64 % du transport de gaz par gazoduc et 66 % du commerce du gaz naturel liquéfié.
Le projet de lancement du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) a été présenté par le Leader de la Révolution islamique d’Iran, l'ayatollah Khamenei, fin janvier 2007, lors d'une réunion avec Igor Ivanov, alors secrétaire du Conseil de sécurité de la Russie. La question de la création d'un cartel du gaz par la Russie avait été soulevée à plusieurs reprises auparavant, et avec l'insistance du Leader de la RII et du Président iranien de l'époque, le processus s’en est accéléré.
Suite à un accord conclu entre les ministres du pétrole et du gaz de la troïka gazière sur le cadre de la création d'un forum international du gaz indépendant et avec l'approbation du statut russe au sein de ce groupe lors du sommet de Moscou, les activités de ce forum international ont officiellement commencé avec la présence de 11 pays riche en gaz naturel.
Le potentiel du FPEG n'a jamais été utilisé pleinement ni correctement
L'objectif initial de l'Iran était d'établir une organisation internationale intergouvernementale de type OPEP pour réguler le marché mondial du gaz.
À l'époque, il ressortait clairement de la stratégie et de la vision énergétiques de l'Iran que le gaz dominerait les marchés mondiaux de l'énergie et les milieux énergétiques dans les décennies à venir. Ainsi, et précisément, le FPEG était un œuvre stratégique de la compagnie nationale de pétrole iranienne.
Cependant, les experts son d’avis que le forum n'a pas été en mesure de jouer un rôle sur les marchés de l'énergie autant qu'il en a la capacité.
« Le gaz a ses propres règles du jeu qui le distinguent du pétrole. Les pays peuvent être des exportateurs nets de gaz aujourd'hui et devenir des importateurs nets de gaz à l'avenir », a déclaré Fereydoun Barkeshli, expert en énergie et directeur du Groupe de recherche sur l'énergie de Vienne. Ce carburant propre a aussi une caractéristique saisonnière, les pays qui exportent du gaz en été deviennent importateurs de gaz en saison hivernale.
Il a ajouté : « Le FPEG est à la fois homogène et inhomogène. Le marché fait confiance au Qatar, à la Russie et à l'Algérie et a toujours été aux côtés de ces grands acteurs gaziers, alors que pour d'autres, le marché reste souvent sensible.
Le Qatar s’est transformé aujourd’hui en un fournisseur le plus fiable, mais uniquement dans le domaine du gaz naturel liquéfié.
Soulignant que l'approche du FPEG doit être modifiée et améliorée, Barkeshli a ajouté : « Alors que le marché de l'énergie change et évolue, et que des questions importantes telles que la prévention des émissions de gaz à effet de serre et l'élimination du carbone s'accélèrent, le forum doit augmenter sa capacité à devenir une source intégrée et fiable d'approvisionnement en gaz ».
Cela contribuera à présenter le forum en tant que « fournisseur leader et fiable » d'un monde qui aurait besoin de beaucoup plus de gaz au cours des prochaines décennies.
Les désaccords entre les membres, le problème le plus important du FPEG
La principale raison pour laquelle ce cartel n'est pas en mesure d'atteindre ses objectifs est l'incohérence des membres dans leurs décisions et leurs approches respectives. La Russie, par exemple, bien que membre de longue date du forum, a toujours manifesté des opinions divergentes quant aux intérêts suivi par le groupe.
Il convient de noter que dans la littérature économique, pour qu'un cartel (monopole) réussisse pour n'importe quel produit, y compris l'énergie, il doit y avoir deux conditions : premièrement, les membres doivent s'entendre sur la quantité et le prix de leurs produits et tous doivent y adhérer, ce qui n’est pas facilement réalisable. La deuxième condition est le pouvoir potentiel de monopole du cartel.
À cet égard, Alireza Shirmohammadi, un expert iranien en économie internationale, dans une interview accordée à l’agence Mehr, a souligné l'importance de la convergence des pays dans l'approvisionnement énergétique, déclarant : « Nous avons un nombre limité de pays qui fournissent de l'énergie, et ces pays peuvent travailler ensemble pour empêcher les concurrences destructrices. »
Interrogé sur ce que conduirait au manque de coopération entre les pays, il a répondu: « Par exemple, l'Iran et le Turkménistan ont tous deux de vastes ressources en gaz, et le Turkménistan a conçu la mise en exploitation d’un gazoduc pour acheminer du gaz à travers l'Afghanistan pour l’Inde via le Pakistan. Une fois ce projet mis en œuvre, l'Inde aura deux fournisseurs majeurs, et de cette manière, l'Iran et le Turkménistan entreront automatiquement dans une concurrence destructrice. Ce alors que si vous regardez la balance des paiements internationale de l'Iran, enregistrée avant 2019, vous constaterez un partenariat stratégique avec le Turkménistan pour importer du gaz pour les régions du nord et pour exporter des biens et services d'ingénierie technique.
Shirmohammadi, déclarant que le manque de coordination entre les pays membres provoque une ingérence politique étrangère, a ajouté : « Naturellement, l'Iran, la Russie et le Qatar devraient prendre en charge la gestion de cette organisation ».
« À mon avis, l'absence de stratégie pour une coopération irano-russe au sein du FPEG, et la concurrence tacite qui existe entre les deux pays ont empêché l’organisation d'atteindre au maximum ses objectifs. Par contre, les notes d’entente clé entre l'Iran et la Russie peuvent contribuer à faire progresser les objectifs du FPEG », insiste l’expert iranien.
L'Iran et la Russie deux pôles FPEG
« La situation sur les marchés du gaz se complique chaque jour plus qu'hier », prévient toujours Alireza Shirmohammadi, expert iranien en économie internationale pour dire qu’avant que ce marché ne devienne plus complexe, nous devons le partager avec la Russie : « Cela exige que nous, avec les organisations qui mènent des négociations politiques, organisions des négociations commerciales et présentions notre propre stratégie.
« Cela exige que nous nous formions à des fins commerciales, aux côtés des organisations qui mènent des négociations politiques, manière de faire régner notre propre stratégie permettant d’assurer nos intérêts nationaux ».
« Concernant le marché, si nous voulons faire une partition, l'Inde sera certainement le meilleur marché pour la République islamique. Si la Russie s'intéresse à l'Europe, nous avons aussi la capacité de répondre au gigantesque marché indien. D’autre part, le chemin vers l'Inde passe définitivement par le Pakistan, qui est aussi un bon marché pour nous, mais un problème ressurgit ici, à savoir : les différends politiques entre l'Inde et le Pakistan, qui ont déjà bloqué le pipeline TAPI. C'est précisément là que les négociations commerciales entrent en jeu parallèlement au dialogue politique. Nous verrons que le FPEG, en tant qu’une organisation convergente peut aider à arrondir ces divergences et à les surmonter.
Le Gazoduc Turkménistan–Afghanistan–Pakistan–Inde appelé aussi plus simplement gazoduc TAPI est un projet de gazoduc allant des champs gaziers du Turkménistan de Galkynysh vers le Pakistan et l'Inde, en traversant l'Afghanistan, construit à partir de 2015 et dont la mise en service est prévue à la fin de l'année 2019.
Le projet est considéré comme « modifiant profondément la carte de l'approvisionnement énergétique en Asie centrale » et est également considéré comme potentiellement un élément structurant pour les pays d'Asie centrale traversés, certains commentateurs la comparant à la route de la soie.
Enfin, il convient de souligner que malgré le fait que le FPEG a encore un long chemin à parcourir avant de devenir un cartel idéal, il peut certainement apporter plusieurs avantages à l'Iran pour qu’il devienne une plaque tournante énergétique dans la région et même dans le monde. Sans aucun doute, la première étape vers une plus grande efficacité de ce forum peut être la détermination d’une stratégie spécifique pour embellir les relations gazières irano-russes.