Saïed est-il l'homme par qui le "Grand Maghreb" sera enterré? Peu d'analyses ont vu à travers cette démonstration de force constitutionnaliste du président tunisien qui inquiète visiblement le camp occidental, rien qu'à en juger ses réactions, une tentative visant à empêcher la Tunisie de devenir pour l'Algérie 2021 ce ce qu'est devenue la Turquie pour la Syrie de 2011.
Et pourtant les indices se multiplient. Depuis la seconde invasion de la Libye en 2020 qui, à la faveur de la vraie fausse querelle Turquie-Emirats est devenu un havre de paix pour des milliers de terroristes idlibins, lesquels terroristes, que le Sultan a fait venir à Tripoli à la fois par son corridor maritime transitant par la Tunisie, puis une fois la base stratégique d'al-Wattia tombée, via son corridor aérien, il est visible qu'un coup était en phase de gestation. Les doutes ont cédé place à la certitude quand les États-Unis de Trump ont bloqué de facto toute solution diplomatique en refoulant à l'ONU l'actuel MAE algérien, Lamamra, homme par qui les dossiers les plus complexes finissent par être réglés diplomatiquement.
Or, la guerre en Libye puis le coup d'État au Mali avec en toile fond la création d'une "bande de terroristes" aux portes de l’Algérie n'ont pas suffi, l'axe US/Israël ayant poussé dans le sens des accords militaires de longue date avec le Maroc et la Tunisie. La fin de Trump a coïncidé d'abord avec la rupture de la trêve au Sahara puis la normalisation Maroc-Israël annoncée, sur le dos des Marocains et évidemment des Maghrébins depuis le bureau ovale. Puis vint la période des démonstrations de forces armées contre l'axe antisioniste au Maghreb, avec en toile de fond l'African Lion qui a impliqué le déploiement de 7000 soldats US et qui s'est déroulé sous le commandement conjoint Afrique/Europe, signe que dans toute guerre à venir contre l'axe anti-Israël au Maghreb, l'Amérique jouera la totalité de sa carte.
Or, ce scénario du grand Maghreb sur lequel les Américains travaillent depuis le Printemps arabe allait-il entrer dans une phase fatidique pour que le président Saïed juge le moment propice à réagir? Les Américains qui grâce aux Frères ont fait signer à la Tunisie en décembre dernier un accord militaire de dix ans avec en toile de fond la présence quasi permanente des conseillers militaires dans le pays, sa transformation de facto en une base aérienne et d'espionnage à l'adresse de l'Algérie, et ce sur fond d'une normalisation forcée et à coup des manifs anti État à répétition et d'un blocus de facto soit au nom d'une dette envers le FMI qui exige des "réformes" soi en refusant de livrer au pays une assistance médicale promise, se sont-ils fait prendre de court? Évidemment le coup de fil de Blinken, le MAE US prodiguant au juriste Saeïd des leçons de respect de la Constitution et de la démocratie a tout son sens. Tout comme cette panique quasi frénétique du Sultan qui crie à la mort de la démocratie, pensant sans doute à ces gains "énergétiques" qu'il risque de perdre en Libye et en Tunisie, si d'aventure, Saied et l'armée tunisienne décidaient de ne plus jouer le jeu.
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a reçu d'ailleurs, un appel téléphonique de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, en apparence axé sur les relations turco-algériennes, mais en vrai uniquement consacrée aux récentes évolutions en Tunisie. Selon une édition du 29 juillet du site web libanais l’Orient-Le jour, les récents événements pourraient renverser certains pions stratégiquement placés par Ankara au cours des dix dernières années.
Et pourtant le coup de force de Saeïd ne semble pas viser les Frères musulmans. La justice tunisienne a ouvert une enquête sur quatre membres du Parti Ennahda pour violences à l'extérieur du Parlement avant de les faire libérer. Puis Ennahda, voyant que la rue ne la suit pas a mis de l'eau dans son vin et édulcoré ses vociférations. Saïed a-t-il agi de concert avec l'axe Riyad-Le Caire? L'Arabie saoudite a exprimé le vendredi 30 juillet son ferme soutien au président tunisien Kaïs Saïed, certes, au milieu de la crise politique et a fait preuve de respect pour les décisions de Saïed, mais le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhan, dépêché à Tunis a eu l'air de vouloir surfer sur la vague plutôt que d'agir en maître des lieux. Saïed, le flegmatique, a-t-il pris au dépourvue avec l'aide du grand bastion anti Israël au Maghreb, qu'est l'Algérie le camp US/OTAN? Très probable.
Les observateurs relèvent sa visite juste avant son coup de force à Alger. Et vu le calme qui règne dans les rues tunisiennes, les Tunisiens n'en semblent pas trop mécontents... à part les Frères... mais mieux vaut avoir les Frères râleurs que les Frères armés tirant sous l'auspice des conseilleurs de l’OTAN et d’Israël sur les soldats algériens...